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Quelles sont les particularités sur les prescriptions médicamenteuses dans les Services Départementaux et Territoriaux d’Incendie et de Secours (SDTIS) ?

09/01/24

Les soins et secours d’urgence présentent des conditions spécifiques liées à leur environnement : interventions diagnostiques et thérapeutiques dans un environnement non maitrisé, patients non préparés aux actes parfois intrusifs, utilisations et donc prescriptions de médicaments non nominatives, contrôle des prescriptions à postériori, multiplicité des intervenants (médecins, infirmiers, sapeurs-pompiers) parfois hors SIS (SMUR, médecin régulateur 15, médecin traitant, intervenant occasionnel) en situation quotidienne comme en situations de crise ou de catastrophe.

Ceci entraîne des conditions d’exercice particulières pour les médecins, infirmiers et pharmaciens sapeurs-pompiers. Il relève ainsi de leurs responsabilités d’adapter les pratiques dans le respect de la réglementation afin de faire bénéficier aux victimes des meilleurs soins possibles.

 

Tous les médicaments utilisés par la Sous Direction Santé (SDS) des sapeurs-pompiers disposent d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM).

L’AMM est obligatoire pour qu’un laboratoire pharmaceutique commercialise une spécialité pharmaceutique. Cette autorisation octroyée par les autorités compétentes européennes assure la qualité pharmaceutique ainsi qu’un bénéfice-risque favorable dans l’indication revendiquée. Cette AMM est accompagnée du résumé des caractéristiques du produit (RCP) qui précise les indications thérapeutiques validées, la posologie, les contre-indications, les précautions d’emploi, les effets indésirables, la voie d’administration, …

Certains professionnels de santé font la confusion entre les médicaments réservés à l’usage hospitalier et les médicaments utilisés hors AMM, ce qui n’est pas la même chose. Les médicaments de la réserve hospitalière ont une AMM mais ne peuvent être délivrés par les pharmacies de ville (médicaments qui demandent une technicité et une formation particulière).

Les pharmacies à usage intérieur des SDTIS, de par l’activité d’urgence pré-hospitalière de leur SDS, sont autorisées par le législateur à commander et délivrer ces médicaments spécifiques (notamment les inducteurs d’anesthésie).

 

L’utilisation hors AMM de médicaments par les médecins de la SDS concerne dans la majorité des cas un changement de voie d’administration (exemple : nébulisation à la place d’injection IV ou intranasal à la place d’injection IV).

Celle-ci est possible pour un médecin sous plusieurs conditions :

  1. Il faut que l’intérêt du patient le commande (article L.51212-1 du code de la santé publique) et qu’elle soit EXCEPTIONNELLE (et donc non généralisée) ;
  2. Que le médicament ne fasse pas l’objet d’une recherche impliquant la personne humaine à des fins commerciales ;
  3. Qu’il n’existe pas d’alternative thérapeutique ;
  4. L’efficacité et la sécurité du médicament sont présumées au regard des données cliniques disponibles ainsi, que lorsque l’indication concerne une maladie rare, des travaux et des données collectées par les professionnels de santé dans des conditions définies par décret en conseil d’Etat. Cette utilisation exceptionnelle s’effectue en application soit d’une autorisation définie au chapitre II de l’article ci-dessus soit dans le cadre de prescription compassionnelle défini dans le chapitre III ;
  5. Que la victime (ou sa famille en fonction de son état) en soit informée ;
  6.  Que le prescripteur porte la mention sur son rapport d’intervention : « Prescription hors autorisation de mise sur le marché ».

Même si le médecin bénéficie d’une liberté de prescription, il doit la limiter à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins (article 8 et 40 du code de déontologie et article L.162-2 du code de la sécurité sociale). De façon générale, le médecin doit prescrire un médicament dans son AMM et dans l’intérêt du patient.

En pratique, la dotation de médicaments mise à disposition dans les moyens d’intervention est restreinte, tracée (sécurité du circuit) et n’est pas aussi quantitativement importante et variée que celle d’un service hospitalier.

 

Quelles sont les responsabilités engagées par les professionnels de santé ?

Pour le médecin prescripteur: la prescription est un acte médical qui engage la responsabilité de son auteur.

Pour le médecin-chef du SDS : il est responsable des thérapeutiques mises à disposition (véhicules d’intervention, SSO), après avis pluridisciplinaire (comité du médicament s’il existe). Celui-ci est le signataire des protocoles infirmiers de soins d’urgence (PISU) du département, c’est le responsable pénal de la bonne utilisation des médicaments des protocoles. La prescription hors AMM doit être exceptionnelle, ce qui interdit de facto l’utilisation de médicaments hors AMM dans un PISU.

Pour les infirmiers sapeurs-pompiers sous protocole : Ils sont uniquement habilités à suivre les PISU utilisant des médicaments dans leurs AMM respectives sous la responsabilité de leur médecin-chef.

Pour le pharmacien chargé de la gérance de la PUI : il délivre le médicament et doit mener toute activité de pharmacie clinique, à savoir de contribuer à la pertinence et à l’efficience du recours aux produits de santé. Au retour de la prescription et de la fiche bilan, s’il constate un écart à l’AMM, il a le devoir d’intervenir auprès du prescripteur (analyse pharmaceutique) pour vérifier que les points précédents ont été réalisés, car sa responsabilité civile, pénale et disciplinaire est engagée, comme pour toute dispensation.

Lors de leur élaboration, chaque PISU doit être transmis au pharmacien chargé de la gérance de la PUI pour avis. Si les protocoles sont signés sous la responsabilité du médecin-chef, leur élaboration doit se faire de façon pluriprofessionnelle et associer notamment médecin et pharmacien.

La mise à jour des dotations ne relevant pas de notre propos, mais du circuit du médicament avec la commission consultative de la SDS. L’arbitrage final par le DDSIS ne serait que d’un point de vue financier.

 

Quelle serait la marche à suivre pour qu’une AMM d’un médicament évolue au regard de la pratique ?

C’est aux laboratoires pharmaceutiques de mener des essais cliniques afin d’obtenir une extension d’AMM au regard d’une pratique sur le terrain qui évolue.

 

Dans quel cadre un médecin régulateur du SAMU peut faire une téléprescription médicamenteuse à un infirmier de sapeurs-pompiers sur le terrain ?

L’acte de télémédecine est prévu par la loi dans son article 32 et 34 (n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie) : « une ordonnance comportant des prescriptions de soins ou de médicaments peut être formulée par courriel dès lors que son auteur peut être dûment identifié, qu'elle a été établie, transmise et conservée dans des conditions propres à garantir son intégrité et sa confidentialité, et à condition qu'un examen clinique du patient ait été réalisé préalablement, sauf à titre exceptionnel en cas d'urgence. »

 

L’urgence est précisément le socle des Protocoles Infirmiers de Soins d’Urgence (PISU) qui sont élaborés dans les SIS sous la responsabilité de leur médecin chef. Ils regroupent une partie des situations d’urgence. Les PISU sont considérés comme des prescriptions signées non nominatives à destination des infirmiers sapeurs-pompiers qui sont habilités à les mettre en œuvre.

 Dans ce cadre, un ISP est autonome dans l’application de son PISU, sans ingérence du médecin régulateur, qui n’est pas reconnu par le législateur comme un prescripteur des médicaments des SIS (même au titre de collaborateurs occasionnels du service public). Une Pharmacie à Usage Intérieur, par définition (article 2 de l’arrêté du 10 mars 2014), ne peut délivrer de médicaments qu’à des membres de la SDS de son SDTIS.

Il convient cependant de s’assurer, que la régulation médicale soit bien informée en amont des PISU en vigueur dans les SDTIS et d’entretenir des relations apaisées et constructives dans l’intérêt de la victime.

 

Toute autre administration médicamenteuse non urgente (avec une thérapeutique trouvée à domicile par exemple), par l’infirmier de sapeur-pompier à la victime devra faire l’objet d’une prescription écrite de la part du médecin régulateur, mais quel intérêt si celle-ci est non urgente ?

 

Référence :

Recommandations professionnelles de l’HAS, Prescription médicamenteuse par téléphone (ou téléprescription) dans le cadre de la régulation médicale de février 2009).

https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2009-05/teleprescription_-_recommandations.pdf

 

Stéphane Galy, pharmacien chef ENSOSP

Stéphane Lafond, pharmacien chef SDIS 16 et élu ordinal au CNOP  

Sylvie Jouve, médecin-cheffe ENSOSP

Jean-Marie Steve, référent PNRS Santé ENSOSP, ancien médecin chef

Publié le 09/01/24 à 11:47