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Imputabilité

Conflit entre collègues et demande la reconnaissance en maladie professionnelle

22/01/24

Une sapeur-pompier professionnelle a une mésentente (conflit) avec un collègue sapeur-pompier professionnel également dans le même centre d’intervention et de secours. Elle qualifie cela de harcèlement professionnel ce qui finalement n'a pas été retenu par le tribunal (non lieu), puis décompense une dépression avec tentative de suicide, hospitalisation à la demande d’un tiers ...

Elle est en arrêt de travail depuis 2013 et demande la reconnaissance en maladie professionnelle. Le service ressources humaines me demande mon avis sur l'imputabilité de son état de santé à son travail.

Son état de santé est consécutif au conflit avec son collègue au travail, est-ce que cela automatise l'imputabilité ?

Quel est ton avis ? Doit-on présenter le dossier à la commission de réforme pour obtenir son avis avant une décision dans un sens ou l'autre de l'administration ?

Question anonymisée d’un Médecin sapeur-pompier.

Plusieurs aspects sont à analyser dans ton cas :

1. la qualification de la situation

2. l’imputabilité au service d’un conflit

3. le positionnement du médecin chef par rapport au service des ressources humaines

4. le rôle de la commission de réforme et sa saisine

 

1. Il est très souvent confondu harcèlement et conflit.

La qualification de harcèlement n’est pas médicale mais judiciaire (comme tu l’écris).

Le syndrome dépressif doit être diagnostiqué par un psychiatre agréé pour faire la différence entre dépression réactionnelle (au conflit), et dépression endogène (relevant également d’un CLD si l’agent en fait la demande).

 

2. Il faut un préjudice : la maladie.

Il ne s’agit pas d’une maladie professionnelle mais éventuellement d’une maladie contractée en service, ou plutôt d’un accident de service. Contrairement à l’accident de travail, en matière d’accident de service, il appartient à l’agent de prouver le lien avec le travail (charge de la preuve). Le fait d’avoir lieu sur les lieux du travail ne suffit pas (rixe par exemple) mais est un élément évocateur.

Pour être reconnu, ce lien doit être direct mais pas forcément exclusif, et c’est franchement pas évident à prouver à partir de faits descriptibles et concordants. Les éventuels éléments pathologiques autres (ATCD psychopathologiques) seront pris en compte lors de l’expertise finale avec la notion d’état antérieur.

Le conflit interpersonnel peut être directement en relation avec le service et décrit précisément par l’agent, le rapport des témoins ou le rapport hiérarchique. Il peut être extérieur au service (mésentente, motifs personnels). En aucun cas l’imputabilité est automatique puisqu’elle doit être prouvée. Tout ceci n’exclut pas une démarche disciplinaire et la notion de qui a tort qui a raison (agresseur, victime) n’est pas à prendre en compte pour l’imputabilité.

 

3. Le médecin chef est en position de conseiller et non de contrôle. Il ne doit donc jamais se prononcer sur l’imputabilité surtout que dans ces cas ou comportement et psychopathologies se confondent et ou de nombreux éléments non médicaux rendent l’avis impossible. Même le lien entre lésions médicales et service est médicalement difficile, que ce soit pour l’affirmer comme pour l’infirmer (exemple : même un bipolaire peut décompenser après un conflit). Encore une fois, il faut être factuel.

 

4. Les médecins de la commission de réforme ont pour mission d’éclairer l’administration. Encore faut-il les saisir. Donc oui, on doit saisir la commission de réforme, et non tu ne dois pas répondre à cette question car c’est leur rôle et pas le tien. En fait, il vaut mieux raisonner à l’inverse, les seuls cas ou l’administration peut ne pas la saisir c’est quand c’est évident, que c’est dans l’intérêt de l’agent avec des enjeux peu importants. Dans tous les autres cas, il vaut mieux une procédure sans défaut sous peine de nullité des décisions au tribunal administratif (TA).

A noter que ces médecins demanderont très facilement une expertise pour les éclairer, et que la réglementation prévoit aussi la possibilité d’un rapport du médecin de prévention (sur les conditions de travail, pas sur l’imputabilité).

 

Mon avis, tu dois aider au maximum les agents sur le plan médical car le médecin chef dans son rôle de médecin de prévention est le médecin des agents en service et de leurs conditions de travail. Les médecins agréés en expertise ou dans les commissions de réforme et comités médicaux sont chargés de veiller aux intérêts de l’administration.

 

Contact : Jean-marie.steve@ensosp.fr Médecin référent ENSOSP en santé en service (Réponse collégiale)

Publié le 22/01/24 à 11:32