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L’actualité jurisprudentielle en matière de sécurité civile

Nom de l'expert
Touache
Prénom de l'expert
Alexia
Fonction de l'expert
Elève-avocate - CERISC
Chapo du commentaire
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Texte du commentaire

Présentation :

Les quelques décisions de justice présentées ici tournent autour de deux thèmes que sont la légalité administrative et son corolaire la responsabilité.

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STATUT

 

 

Accident de service

 

Lors du jour de reprise après un congé de maladie ordinaire, un sapeur-pompier professionnel a été victime au retour de mission d’un malaise et a chuté du camion d’intervention. La chute lui a occasionné une lésion au poignet droit. Ne pouvant plus accomplir son service, il a été à nouveau placé en arrêt maladie.

Afin de déterminer si l’accident était imputable au service, le SDIS a saisi la commission de réforme qui a formulé un avis défavorable.

Le sapeur-pompier a sollicité une contre-expertise laquelle a conclu à l’imputabilité au service de l’accident.

Néanmoins, par arrêté du 14 janvier 2016, le président du conseil d’administration du SDIS a refusé cette reconnaissance.

Le SDIS a interjeté appel du jugement qui a donné raison au sapeur-pompier en annulant l’arrêté.

Avant de se prononcer les juges d’appel n’ont pas manqué d’indiquer le principe : « Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service ».

Pour eux, le malaise survenu en service doit « être regardé comme un accident de service ». En effet, « la seule circonstance que [le sapeur-pompier] ait déjà été victime antérieurement de malaises ne permet pas elle seule, en l'absence de toutes précisions sur la fréquence et l'origine de ces malaises, d'établir que l'accident trouverait son origine dans l'état de santé antérieur ».

La requête du SDIS a donc été rejetée.

(CAA Bordeaux 13 janvier 2020, n° 18BX00501, M. B… I… c/ SDIS)

 

 

LÉGALITÉ ADMINISTRATIVE

 

Police administrative

 

Une importante pollution a été découverte sur le site du Petit Port des Seynes, friche industrielle d’une superficie d’environ 17 hectares situé sur le territoire de Marennes.

Une expertise judiciaire avait été ordonnée pour déterminer la nature et l’ampleur de la pollution.

N’étant pas satisfait du rapport de l’expert, le Préfet de la Charente-Maritime a pris le 30 avril 2010 un arrêté prescrivant à l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) « la réalisation, aux frais de la personne responsable du site, de nouvelles études destinées à mieux cerner la pollution existante, son origine et les moyens de gestion adéquats ».

La commune de Marennes a demandé au Tribunal administratif de Poitiers d’une part l’annulation de l’arrêté préfectoral et d’autre part l’annulation de la décision du préfet qui a refusé d’ordonner à la société exploitante « de remettre le site en état ou, à défaut, de l’indemniser de ses préjudices ».

La requête du maire a été frappée d’irrecevabilité par les juges du fond au motif que celui-ci « ne justifiait pas avoir été régulièrement habilité ».

Pour la seconde fois, les conseillers d’État sont amenés à s’interroger sur notamment deux moyens : 1° la prescription ; 2° la responsabilité de l’Etat pour carence fautive.

La prescription. Il existe une prescription trentenaire « susceptible d’affecter l’obligation de prendre en charge la remise en état du site pesant sur l’exploitant d’une installation classée ». Le délai peut être rallongé par exception « dans le cas où les dangers ou inconvénients présentés par le site auraient été dissimulés ».

Les juges administratifs d’appel ont relevé que le délai de 30 ans avait été écoulé. Le Conseil d’État a confirmé ce point au motif que « la circonstance que la pollution causée par l'activité de la société Saint-Gobain ait affecté le sous-sol et les eaux souterraines du site ne permettait pas, à elle seule, de caractériser une dissimulation de nature à faire obstacle au déclenchement du délai de prescription ».

L’absence d’action de l’État ne constitue pas une carence puisque ni « études, qui ont été réalisées entre 2001 et 2008, ni le rapport d'expertise judiciaire n'avaient livré une information suffisamment globale et synthétique sur l'état de la pollution du site, ses possibilités de transferts vers d'autres milieux et sur la compatibilité des usages des parcelles, composant le site ou situées dans son environnement immédiat, avec le risque sanitaire existant ».

De plus, les juges du fond ont jugé que « le préfet n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en confiant à l'ADEME la charge de procéder à des investigations supplémentaires sur le site, compte tenu du rôle particulier reconnu par la loi à cette agence pour faire exécuter les travaux de remise en état des sols pollués et de la méthodologie spécifique applicable aux études préalables à de tels travaux ».

Le pourvoi de la commune a donc été rejeté.

(CE 13 novembre 20196, n° 416860, commune de Marennes c/ Préfecture de Charente-Maritime)

 

RESPONSABILITÉ

 

 

Responsabilité administrative

 

Nature et environnement

 

Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, une partie du territoire de la commune de la Faute-sur-Mer a été inondée consécutivement à la survenance de la tempête « Xynthia » et à la submersion de l’ouvrage de protection, la digue Est. Vingt-neuf habitants sont décédés et un nombre conséquent d’immeubles ont été ravagés.

Les ayants droit ont demandé au Tribunal administratif de Nantes de condamner in solidum la commune de la Faute-sur-Mer, l’État et l’association syndicale de la Vallée du Lay (ASVL).

Dans son jugement, la première juridiction a accueilli la demande et a jugé que les preuves rapportées étaient suffisantes pour entrer en voie de condamnation.

Les trois parties condamnées ont relevé appel. La Cour administrative d’appel de Nantes a dû répondre aux moyens soulevés par les demandeurs en commençant par sa propre compétence matérielle.

Les requérants ont affirmé que seule la juridiction judiciaire était compétente « eu égard au caractère personnel des fautes commises par [le] maire de La Faute-sur-Mer et par […] sa première adjointe, qui sont détachables du service ».

Les juges administratives ne sont pas de cet avis ; ils ont considéré d’une part que « les fautes retenues contre [l’élu] et son adjointe chargée de l'urbanisme avaient été commises dans l'exercice de leurs fonctions et avec les moyens du service et qu'elles ne présentaient pas le caractère de fautes personnelles détachables du service de nature à exonérer la commune de toute responsabilité ».

Concernant la responsabilité des trois personnes, celle-ci a été à nouveau retenue.

Il est tout d’abord reproché à la commune de n’avoir pas réalisé les travaux sur la digue Est et ce « en dépit de l’absence, à la date du sinistre, d’un transfert effectif de propriété à la commune de la Faute-sur-Mer ». En effet, les juges ont estimé que « cette dernière qui avait reçu des subventions de l’État à hauteur de 80 % des dépenses prévues et à laquelle avait été délivrée l’autorisation de réaliser les travaux, devait être regardée comme le maitre de l’ouvrage des travaux de rehaussement de la digue dont les riverains bénéficiaient en leur qualité d’usagers de cet ouvrage ». L’instruction a également révélé des carences de la part de l’élu à user de ses pouvoirs de police générale. Le maire n’a réalisé ni document d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM), ni plan communal de sauvegarde (PSC) et surtout n’a pas « informé, par d'autres moyens, ses administrés sur les risques encourus, ni mis en place une quelconque organisation des secours en cas d'inondation ».

La responsabilité de l’État a été ensuite reconnue en raison du fait qu’elle exerce la tutelle sur l’ASVL. Là-encore les juges du fond ont jugé que « compte tenu de la connaissance précise qu'avait le préfet de la gravité des risques susceptibles de découler des caractéristiques techniques de la digue Est et de son état d'entretien, en ne clarifiant pas les compétences des deux associations syndicales et en n'exerçant pas son pouvoir de tutelle afin de faire réaliser les travaux d'exhaussement, le plus rapidement possible, l’État a commis une faute lourde dans l'exercice de sa mission de tutelle de nature à engager sa responsabilité ».

D’autres fautes sont également imputées à l’État. Le projet du plan de prévention du risque d’inondation (PPRI) a d’une part été sous-évalué dans l’appréciation du risque de submersion et, d’autre part n’a pas été adopté au moment de la catastrophe faute d’accord trouvé avec le maire de la commune Faute-sur-Mer.

Enfin, la responsabilité pour faute de l’ASVL n’a pas été écartée. L’instruction a indiqué qu’elle n’a pas suffisamment attiré « l’attention de ces acteurs locaux sur son incapacité à réaliser ses travaux ».

A titre d’information, les deux élus ont été par ailleurs condamnés à de la prison ferme par Tribunal correctionnel le 12 décembre 2014 : une analyse avait été rédigée par Audrey MOREL SENATORE pour la veille juridique n° 2014-31.

(CAA Nantes 10 décembre 2019, n° 18NT02729, n° 18NT02723, n° 18NT02728, n° 18NT02737, n° 18NT02724, n° 18NT02716, n° 18NT02726, n° 18NT02751, n° 18NT02719, n° 18NT02734, n° 18NT02732, n° 18NT02713, n° 18NT02738, n° 18NT02730, n° 18NT02725, n° 18NT01534, n° 18NT02727, n° 18NT02739, Tempête « Xynthia »)

 

Pouvoirs de police

 

Par un arrêté du 17 octobre 2011, le Préfet du Pas-de-Calais a autorisé la commune de Wissant à procéder à la démolition de blockhaus et de vestiges de la Seconde Guerre Mondiale située sur la plage de Wissant.

L’association Les amis de Wissant et la commune de Tardinghen ont demandé au préfet qu’il prenne des mesures utiles afin d’assurer la sécurité publique au moment de la démolition.

Face au refus, l’association et la commune de Tardinghen ont saisi le Tribunal administratif de Lille, puis la Cour administrative d’appel de Douai.

La règle est que « le refus opposé par le maire à une demande tendant à ce qu'il fasse usage des pouvoirs de police que lui confèrent ces dispositions n'est entaché d'illégalité que dans le cas où, en raison de la gravité du péril résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publique, cette autorité, en n'ordonnant pas les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave, méconnaît ses obligations légales ».

Or, « si la dune d'Aval connaît un phénomène d'érosion, évalué à 2 à 3 mètres par an, et qui, selon les appelantes, s'est aggravé à raison de la démolition des blockhaus et des vestiges de la seconde guerre mondiale alors situés sur la plage de Wissant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait, à la date des refus en litige, un péril grave résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour l'ordre public ».

En outre, les juges du fond n’ont relevé « aucun risque imminent d’inondation ou d’effondrement des habitations situées à proximité de la dune n’est établi ».

Les juges administratifs d’appel ont ainsi débouté les requérants.

(CAA Douai 14 janvier 2020, n° 17DA02483, commune de Tadinghen et association Les amis de Wissant c/ Préfecture du Pas-de-Calais)

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