Portail National des Ressources et des Savoirs

L’actualité jurisprudentielle en matière de sécurité civile

Nom de l'expert
Touache
Prénom de l'expert
Alexia
Fonction de l'expert
Elève-avocate - CERISC
Chapo du commentaire
-
Texte du commentaire

Présentation :

De nombreux maires ont édicté pour leur commune un arrêté dit « anti-pesticides ». A chaque fois, le préfet du département a saisi, par la voie du référé-suspension, le juge administratif. Il ressort de ces arrêts et jugements une position dominante : les juges du fond sont majoritairement contre qu’un élu local, le maire puisse s’immiscer dans l’exercice de la police spéciale des produits phytopharmaceutiques en édictant des mesures réglementaires à caractère général.

----------

 

STATUT

 

 

Affectation et mutation

 

Un sapeur-pompier, affecté à la caserne de Saint-Priest, a été nommé au grade d’adjudant le 31 décembre 2011. A la suite de cet avancement, il a été muté, par une décision du SDIS du 26 juin 2012, à la caserne de Rillieux-la-Pape.

Le gradé a contesté la décision du SDIS devant le Tribunal administratif de Lyon lequel a refusé, par un jugement du 2 décembre 2015, de l’annuler.

La Cour administrative d’appel de Lyon a procédé à l’annulation du jugement.

Pour comprendre le cheminement, les premiers juges avaient rejeté la demande au motif que la décision attaquée ne constituait qu’une mesure d’ordre intérieur.

Une mesure d’ordre intérieur, ne générant en principe pas de grief, ne peut faire l’objet de recours juridictionnel.   

Pour les juges administratifs d’appel, le sous-officier était fondé d’agir puisque « la décision prononçant [sa mutation] de la caserne de Saint-Priest à la caserne de Rillieux-la-Pape emportait également changement de résidence de l'intéressé ».

Les juges d’appel ont estimé qu’il s’agissait bien d’une décision faisant grief.

Ces mêmes juges ont également donné raison au requérant qui avait soutenu que la décision d’affectation avait été prise dans le cadre d’une procédure irrégulière. En effet, cette décision aurait dû « être précédée de la consultation d’une commission administrative paritaire ».

Par conséquent, les juges ont annulé le jugement et ont ordonné au SDIS « de procéder à un nouvel examen de la situation de [l’intéressé] dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ».

(CAA Lyon 15 janvier 2020, n° 19LY02740, M. D… c/ SDIS)

 

 

LÉGALITÉ ADMINISTRATIVE

 

 

Acte administratif

Permis de construire

 

Par un arrêté du 2 juin 2015, le maire de la commune de Trélissac a autorisé le groupement agricole d’exploitation en commun des Deux étangs à construire, en vue de l’extension d’une porcherie, une installation d’une ligne de cheminée de ventilation et la création d’un silo. 

La société Saforj a relevé appel du jugement du Tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté la demande.

La société requérante a souligné plusieurs méconnaissances quant au règlement du plan local d’urbanisme.

L’article A3 dispose que « […] Les caractéristiques de ces voies doivent notamment permettre la circulation et l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie ».

Or, il est ressorti de l’instruction que l’ancien chemin rural cédé par la société Saforj est d’une « largeur de plus de 5 mètres permettant le passage de camions et des matériels agricoles nécessaires à l'exploitation ainsi que des véhicules de secours ».

Les règles de sécurité étant respectées, les juges du fond ont jugé que la société n’était pas fondée à demander l’annulation du permis de construire.

(CAA Bordeaux 4 février 2020, n° 17BX03001, SARL Saforj c/ commune de Trélissac)

 

Police administrative

Arrêté anti-pesticides

 

Plusieurs maires ont, par arrêté, interdit l’utilisation de produits phytopharmaceutiques tels que mentionné à l’article L.253-1 du code rural et de la pêche maritime, à l’exception des produits à faible risque, sur l’ensemble de la commune.

Ce n’est pas la première fois que les juridictions administratives ont eu à répondre à cette question (cf. veille juridiques n° 2019-10, n° 2019-12, n° 2020-07), à savoir le concours entre le pouvoir de police générale et le pouvoir de police spéciale.

Les juges parisiens ont considéré que « le maire ne saurait s'immiscer dans l'exercice de la police spéciale des produits phytopharmaceutiques en édictant des mesures réglementaires à caractère général, et que l'arrêté en litige constitue une mesure d'interdiction réglementaire de portée générale ». 

Autrement dit, un maire n’a pas la possibilité d’imposer de tels arrêtés parce que le législateur a prévu « une police spéciale des produits phytopharmaceutiques, en particulier de la mise sur le marché et de l'utilisation de ces produits, confiée à l'État, représenté notamment par les ministres chargés de l'agriculture, de la santé, de l'environnement et de la consommation ».

De plus, les juges d’appel ont précisé que même en cas de « risque exceptionnel et justifié », il revient encore au préfet d’intervenir par voie d’arrêté.

La demande de la commune a donc été à nouveau rejetée.

(CAA Paris 14 février 2020, n° 19PA03831, n° 19PA03832, n° 19PA03827, n° 19PA03828, n° 19PA03829, n° 19PA03802, n° 19PA03800, n° 19PA03830, n° 19PA03773, n° 19PA03797, n° 19PA03775, n° 19PA03774, n° 19PA03833, n° 19PA03826, n° 19PA03803)

 

Par un arrêté du 17 mai 2019, le maire d’Audincourt a interdit l’utilisation de tout produit contenant du glyphosate sur l’ensemble du territoire de la commune.

Pour des raisons d’incompétence matérielle, le juge des référés de Besançon a fait droit à la demande de suspension du Préfet de Doubs.

En appel, l’élu local a souligné « l'existence d'un péril imminent susceptible de justifier » sa compétence dans l’utilisation de produits phytopharmaceutiques.

Les juges administratifs d’appel ont débouté la commune.

Ils ont rappelé qu’il résulte de « l'article L.2121-29 du code général des collectivités territoriales que la commune d'Audincourt ne peut utilement invoquer la " clause générale de compétence " dont bénéficie le conseil municipal pour justifier la légalité de l'arrêté de son maire ».

De plus, ils ont considéré que « la commune requérante ne peut utilement invoquer le principe de précaution consacré à l'article 5 de la Charte de l'environnement, qui n'a pas vocation à justifier la légalité de mesures nécessaires à la prévention d'un péril imminent ».

Les juges du fond ont admis que le maire puisse agir en cas de carence des autorités étatiques dès lors qu’il démontre l’existence d’un péril imminent pour les riverains.

En l’espèce, « Si dans ses écritures et à la barre, la commune d'Audincourt se prévaut de circonstances locales consistant en la présence dans la commune de cours d'eau, d'un lycée, d'écoles et d'un terrain de sport non éloignés de zones agricoles, ces éléments ne permettent, en tout état de cause, d'établir que l'usage actuel de glyphosates par les exploitants agricoles de la commune exposerait ses habitants et notamment les plus vulnérables d'entre eux à un péril grave et imminent justifiant l'intervention du maire dans le cadre de son pouvoir de police générale ».

La requête de la commune a donc été rejetée.

(CAA Nancy 3 décembre 2019, n° 19NC02902, commune d’Audincourt c/ Préfecture de Doubs)

lien externe
-
Fichier
-