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Analyse de la loi santé au travail

Une nouvelle définition du harcèlement sexuel

01/04/22

La loi « santé au travail »[i] est entrée en vigueur depuis ce jeudi 31 mars 2022. Ce texte redéfinit le harcèlement sexuel au travail et s’aligne ainsi sur la définition du code pénal. Les propos ou comportements sexistes répétés pourront constituer l’élément matériel du harcèlement[ii] et ce même en l’absence d’éléments intentionnels.

La chambre sociale de la cour de Cassation n’a pas attendue cette évolution du code du travail pour développer sa vision du harcèlement sexuel en s’appuyant antérieurement sur un faisceau d’indices, notamment composé de propos sexistes répétés, pour reconnaitre une forme de harcèlement sexuel[iii].

Par ailleurs, le législateur a introduit le harcèlement sexuel de groupe (ou « harcèlement de meute ») qui se traduit de deux manières :

« a) Lorsqu'un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ;
b) Lorsqu'un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ; […] »[iv].

Concrètement, la notion pourra désormais être entendue de la répétition, individuelle ou collective, de propos machistes ou misandres sans que ceux-ci n’aient forcément à voir avec le sexe.

Ce type de harcèlement, de manière générale, résulte d'un phénomène collectif. Pour autant, l’effet de groupe a déjà été pris en compte par le code pénal ; il s’agit d’une circonstance aggravante[v]. Aussi bien les co-auteurs que les complices peuvent être sanctionnés pour ces actes.

En droit pénal, le harcèlement sexuel constitue un délit puni, à titre principal, de peines d’emprisonnement et d’amende[vi]. Le code du travail poursuit une double logique : répressive (sanction disciplinaire[vii]) et préventive.

L’article L. 1153-5 du code du travail prévoit que les salariés « sont [informés] par tout moyen du texte de l'article 222-33 du code pénal ainsi que des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et des coordonnées des autorités et services compétents » (in fine). De même, les entreprises employant au moins deux cent cinquante salariés sont tenues de « [désigner] un référent chargé d'orienter, d'informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes » (C. trav., L. 1153-5-1).

Le code général de la fonction publique (CGFP) est composé de dispositions protectrices équivalentes dont les dernières modifications datent de l’ordonnance du 24 novembre 2021 :

  • L’instauration d’un système de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes[viii] ;
  • La mise en place de formations initiale et continue à destination notamment des agents d’encadrement et des élèves des écoles de service public avec pour base un référentiel commun[ix] ;
  • La mise en place d’un « dispositif d’information, de communication et de sensibilisation auprès de leurs agents, sur la prévention et le traitement des situations de violences »[x]

A l’instar de la chambre sociale de la Cour de cassation, les cours administratives d’appel n’ont pas attendu la redéfinition du harcèlement sexuel de l’article L. 1153-1 du code du travail ou du CGFP pour condamner le sexisme. En effet, par une formule classique, elles incluaient systématiquement depuis 2019 la définition des agissements sexistes de l’article L. 1142-2-1 du même code aux côté de la définition de l’article L. 1153-1[xi].

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[i] Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail

[ii] C. trav., art. L. 1153-1 : « 1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; […] ».

[iii] Cass., soc., 28 sep. 2016,15-16.805

[iv] C. trav., art. L. 1153-1

[v] C. pén., art. 222-33, III : « 5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ; […] ».

[vi] C. pén., art. 222-33 : le harcèlement sexuel est puni « de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende » et, en cas de circonstances aggravantes, les peines « sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende ».

[vii] C. trav., art. L. 1153-6

[viii] CGFP, art. L.135-6

[ix] Circulaire du 9 mars 2018 relative à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique

[x] Ibid.

[xi] CAA de PARIS, 5ème chambre, 12/12/2019, 17PA03056,17PA03057, Inédit au recueil Lebon ; CAA de NANTES, 6ème chambre, 11/03/2022, 21NT03523, Inédit au recueil Lebon

A. Touache & E. Desmats

Publié le 01/04/22 à 14:13