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Lumière sur deux documents pédagogiques établis par la DGSCGC et le SDIS 31

Enquête administrative - procédure

10/02/23

Nous l’avions relayé le 18 janvier dernier, un guide explicatif de l’enquête administrative a été publié par le SDIS de Haute-Garonne. Le sujet est des plus crucial et il convient que l’ensemble des agents publics impliqués dans la sécurité civile aient accès aux informations relatives à cette procédure – soit pour convenablement mener leur enquête, soit pour mieux se défendre s’ils sont visés.
En novembre dernier, l’IGSC (Inspection générale de la sécurité civile, relevant de la DGSCGC) s’est employé à rédiger un « Mémento » sur l’enquête administrative. Rédigé en coopération par l’Inspecteur Général Bertrand Vidot de l’IGSC, Audrey Morel-Senatore de l’ENSOSP et deux membres du SDIS 31, Nathalie Perez et le Lieutenant-Colonel Stephane Legay, ce mémento de 75 pages apportent tous les éléments nécessaires pour comprendre l’enquête administrative. Il constitue, à ce titre, un complément parfait au guide du Lieutenant-Colonel Legay publié par le SDIS 31, lequel avait pour points forts la richesse de ses schémas, de ses exemples et de ses sources (notamment, beaucoup de renvois au code général de la fonction publique).
Les deux travaux, celui de l’IGSC et celui du SDIS31 sont de grande qualité et il n’est pas question de dire ici si l’un est meilleur que l’autre ; il convient tout au contraire de s’enrichir de la lecture des deux pour avoir un panorama complet de la procédure d’enquête administrative.

 

I – Enquête administrative : un respect des formes essentiel !

            Ce mémento de l’IGSC rappelle l’importance du formalisme de l’enquête administrative. Afin de prémunir les agents contre d’éventuels erreurs de formes, ils apportent des solutions concrètes. Une fois n’est pas coutume, nous présenterons donc ce mémento en commençant par la fin, les vingt dernières pages du livret étant d’un grand intérêt pratique. La première annexe contient en effet (comme les annexes du guide du SDIS31) plusieurs modèles d’actes directement exploitables (lettre de saisine, convocation pour audition, procès-verbal de recherches matérielles, etc.). Cette annexe est un complément parfait au chapitre 4 du mémento qui, sur six pages, détaille avec précision la réalisation de quatre actes d’enquête administrative (lettre de saisine, auditions, recherches matérielles, demande d’obtention de pièces)  

            Egalement, se trouve (annexe 3) un très complet tableau des manquements référençant, sur trois pages, l’ensemble des méfaits reprochables à un agent. L’annexe 3 fait écho au chapitre 3 du mémento qui propose un exposé sur la notion de qualification juridique des faits (voir schéma p. 22). Y est souligné l’importance de l’appréciation in concreto (toujours tenir du contexte des faits reprochés) pour évaluer la gravité du manquement (sachant qu’un comportement seul n’est pas forcément constitutif d’un manquement). Le raisonnement de l’enquêteur doit être le suivant : examiner les faits en fonction des circonstances pour déduire s’il y a manquement et, si oui, sanctionner proportionnellement l’agent fautif. La question de la qualification des faits en manquement étant déterminante, on renverra tout d’abord vers les exemples donnés ici par l’IGSC mais aussi à ceux du SDIS31 ainsi qu’aux éléments apportés par le guide de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles de la DGAFP.

           Ce premier tableau en annexe 3 est en lire en parallèle de l’annexe 4, tableau qui, lui classe les sanctions disciplinaires en fonction du statut de l’agent et de la gravité de la faute. Très visuels et synthétiques, ces deux tableaux doivent être consultés en cas de doute sur la réalité du manquement et sur la proportionnalité de la sanction infligée : en effet, une sanction trop dure sera considérée comme disproportionnée et donc annulée par le juge administratif en cas de contestation.

           Enfin, toujours en fin du mémento, se trouve (annexe 2) la charte de déontologie de l’ISGC applicables aux inspecteurs de cette institution.

 

II – Quels fondements pour justifier l’enquête ?

            Le début du rapport est utile pour comprendre les conditions d’interventions de l’IGSC. Une intervention qui, rappelle le mémento, « ne revêt aucun caractère systématique » (et par conséquent, « ne se substitue aucunement aux obligations et responsabilités des chefs d’établissements ») et sera fonction de l’affaire, plus exactement de trois critères : l’occurrence, la sensibilité et la gravité de l’affaire. En fonction de ces paramètres, l’IGSC dispose d’un panel de choix : laisser le traitement de l’affaire à la seule structure administrative responsable de l’agent si l’affaire n’est que « d’une gravité toute relative » ou, dans les cas les plus graves, mener elle-même l’enquête, seule, sur demande de la DGSCGC. Entre ces deux extrêmes, la possibilité d’un appui de l’IGSC à la structure concernée ou d’un simple suivi.

           Enfin, le mémento référence, en divers endroit, les différents fondements juridiques à partir desquels doit s’appuyer l’autorité enquêtant : droits et obligations de l’agent en fonction de son statut, cadre juridique de l’IGSC, obligation de réaction de l’administration, compétence de l’autorité enquêtant, prescription des faits, obligation de loyauté/d’impartialité de l’administration, obligation de l’agent de rendre compte dans le cas d’une enquête, indépendance de l’enquête administratif et des décisions pénales, coopération avec l’autorité judiciaire.

           Un soin tout particulier doit être apporté à l’étude de cette dernière. Objet de la quatrième sous-partie du chapitre 2 du mémento, la question du lien entre enquête administrative et autorité judiciaire est crucial – en plus d’être sujet d’inquiétude pour les agents, une enquête administrative n’ayant pas la même force symbolique qu’un procès au tribunal correctionnel. Premièrement, il est important de rappeler – comme le mémento s’y emploie – que la sanction disciplinaire est indépendante de la sanction pénale. Un agent peut, pour un même fait, être relaxé par le juge pénal (car le fait n’est pas condamné par le Code pénal) mais être sanctionné disciplinairement (car le fait constitue un manquement aux obligations).

           Deuxièmement, selon la gravité de l’affaire, prévenir l’autorité judiciaire sera nécessaire (c’est même une obligation légale définie à l’article 40 du code de procédure pénale). Quoique n’étant pas abordé ici, la question épineuse des « lanceurs d’alerte » est en revanche traitée par le guide du SDIS 31 aux pages 10 à 15. La relation entre l’administration et l’autorité judiciaire ne sera pas à sens unique puisqu’elles pourront mutuellement se prévenir de leurs décisions (le mémento renvoie ici à l’article 11-2 du Code de procédure pénale : « Le ministère public peut informer par écrit l'administration des décisions suivantes rendues contre une personne qu'elle emploie, y compris à titre bénévole (…) »). En dernier lieu, il est rappelé que cette coopération a des limites : le procureur étant libre de communiquer ou non, il est impossible de suspendre une procédure disciplinaire en attendant que le procureur transmette des éléments. De la même manière, les deux procédures pénale et administrative demeurant indépendante, il n’y a pas de négociation entre l’administration et la justice.

Fabien Gallinella

Publié le 10/02/23 à 10:18