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Fiche pratique

L’action de porter plainte

Objectifs :

Cerner la mise en mouvement de l’action publique et l’exercice de l’action civile.

Cibles :

Tout public

Références :

Code de procédure pénale

Code de l'environnement

Code des collectivités territoriales

Contenu :

Si la police judiciaire a à sa connaissance des éléments constitutifs d’une infraction, elle peut s’autosaisir et ouvrir une enquête judiciaire.

Dans la pratique, il sera nécessaire pour la victime (personne physique ou personne morale) d’en informer la police judiciaire par le biais d’une plainte. La plainte est définie comme « l’acte par lequel la victime d’une infraction ou son représentant porte ce fait à la connaissance de l’autorité compétente ».

On distingue la plainte simple de la plainte avec constitution de partie civile. La plainte simple vise simplement à ce que l’auteur des faits soit sanctionné pénalement (l’action publique). Tandis que la plainte avec constitution de partie civile permet en outre à la victime de demander réparation de ses préjudices résultant de l’infraction (l’action civile). Surtout, la plainte avec constitution de partie civile « permet à la victime de devenir partie au procès pénal et même de déclencher celui-ci ».  

L’action publique et l’action civile sont deux actions distinctes. Ainsi, « la renonciation à l'action civile ne peut [en principe] arrêter ni suspendre l'exercice de l'action publique » (article 2) du CPP.

Par ailleurs, la plainte ne doit pas être confondue avec la main courante. La main courante ne permet pas l’ouverture d’une enquête judiciaire. Le but de la main courante est uniquement de signaler la nature et la date des faits aux forces de l'ordre. La main courante est souvent utilisée pour la « petite délinquance » et les nuisances urbaines (tapage nocturne, non-présentation d'enfant pour exercer un droit de visite et d'hébergement malgré une décision de justice, harcèlement, menace, etc.).

  1.                     Les conditions pour se constituer partie civile

 

                    A.      L’intérêt à agir

Si toute personne (physique et morale) dispose de la possibilité de porter plainte, c’est-à-dire de porter à la connaissance de la police judiciaire des faits de nature à caractériser une infraction, il en va différemment de la constitution de partie civile.

L’article 2 du code de procédure pénale impose que la personne ait un intérêt à agir. Autrement dit, il faut que la personne ait « personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ». Il faut que la personne ait été victime d’un ou de plusieurs préjudices survenus à la suite d’un comportement sanctionné pénalement.

Cette règle est régulièrement rappelée par la chambre criminelle de la Cour de cassation à travers son attendu de principe :

 « Attendu que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime ou un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction » (Crim. 4 septembre 2019, n° 18-83.480).

Par application de ce principe, la Cour de cassation a dénié la possibilité pour une commune de se constituer partie civile pour des faits de harcèlement sexuel commis à un de ses personnels d’encadrement.

Pour la Haute juridiction, « le délit de harcèlement sexuel dont elle a déclaré le prévenu coupable relève de la catégorie des atteintes à la personne humaine dont la sanction est exclusivement destinée à protéger la personne physique, ne pouvait occasionner pour la commune un préjudice personnel et direct né de l'infraction » (Crim. 4 septembre 2019, n° 18-83.480).

De même, à la suite de la condamnation abus de confiance, faux et usage d’un agent, et que la constitution de partie civile du SDIS « auquel appartient le prévenu a été déclarée irrecevable, faute de préjudice direct établi » (Crim. 5 mars 2008, n° 07-84.647).

Par contre, une administration peut toujours se constituer partie civile devant la juridiction pénale pour obtenir des auteurs des faits la restitution des sommes versées au fonctionnaire concerné en réparation de son préjudice, inclut le remboursement des frais qu'elle a engagés pour la défense de l'agent victime dont elle est l'employeur en vertu de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (Crim. 2 septembre 2014, n° 13-84.663).

La constitution de partie civile du SDIS avait été rejeté lors de l’information au motif que « la juridiction d'instruction n'étant pas appelée à statuer sur l'indemnisation des victimes, le recours subrogatoire du tiers payeur ne peut être exercé devant elle » (Crim. 4 février 2003, n° 02-83.903).

 

                    B.      Le délai à agir

L’action de porter plainte n’est pas limitée dans le temps. Il n’y a pas de texte qui oblige les personnes à agir dans des délais répartis.

Néanmoins, l’action publique doit être enclenchée dans des délais prévus par les textes (articles 6, 7 à 9 du code de procédure pénale). Le non-respect de ce délai entraîne la prescription. La prescription est un mode d’extinction d’un droit (en l’espèce celui de pouvoir mettre en mouvement l’action publique) par l’écoulement d’un certain laps de temps. Au-delà d’une certaine durée, l’auteur présumé ne peut être ni poursuivi, ni condamné. La prescription de l’action publique varie selon la gravité des faits : le délai d’action est de 10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits, et un an pour les contraventions. Il s’agit des délais de droits communs.

Il existe en parallèle des délais spéciaux pour certaines infractions qui peuvent être soit plus longs, soit plus courts. Ainsi, l’article 706-47 du code pénal prévoit un délai de 20 ans pour les crimes sexuels et 10 ans pour les délits sexuels. De même, les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles. A l’inverse, les délits de la presse sont soumis à des délais nettement plus courts (quelques mois).

 

                    C.      Les cas spécifiques pour les SDIS

L’article 2-7 du code de procédure pénale dispose qu’en « cas de poursuites pénales pour incendie volontaire commis dans les bois, forêts, landes, maquis, garrigues, plantations ou reboisements, les personnes morales de droit public peuvent se constituer partie civile devant la juridiction de jugement en vue d'obtenir le remboursement, par le condamné, des frais qu'elles ont exposés pour lutter contre l'incendie ».

La proposition de loi visant à consolider notre modèle de la sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers prévoit d’étendre la possibilité pour les SDIS de se constituer partie civile à tous les incendies volontaires peu importe le lieu (lieux publics mais aussi lieux tels que les bâtiments publics ou les habitations privées).

Ce principe ne vaut que pour les incendies volontaires. La chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle régulièrement son attendu de principe fondé sur les articles 2-7 du code de procédure pénale et L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales :

« Il résulte de ces textes que les services départementaux d'incendie et de secours ne sont recevables à se constituer partie civile devant la juridiction de jugement en vue d'obtenir le remboursement des frais qu'ils ont exposés pour lutter contre un incendie que lorsque celui-ci est volontaire » (Crim. 14 janvier 2020, n° 19-80.186).

/ ! \ Pour autant, il y a des juridictions de fond qui ont admis la recevabilité du SDIS en tant que partie civile pour des faits liés à un incendie involontaire en opposition avec la jurisprudence de la Cour de cassation. Le SDIS avait reçu 5629,20 euros de dédommagement (TGI Périgueux 7 octobre 2015, n° 615/2015). 

Le SDIS a la possibilité de demander au juge administratif d’être indemnisé pour les frais exposés à l’occasion de ses interventions relevant de ses missions.

Ainsi, « lorsque les personnes morales de droit public interviennent, matériellement ou financièrement, pour atténuer les dommages causés par un incident ou un accident lié à une opération (Ord. no 2010-1579 du 17 déc. 2010, art. 5)  «de gestion» de déchets ou pour éviter l'aggravation de ces dommages, elles ont droit au remboursement par les personnes responsables de cet incident ou accident des frais qu'elles ont engagés, sans préjudice de l'indemnisation des autres dommages subis » (article L.541-6 du code de l’environnement).

De même, « Sans préjudice de l'indemnisation des autres dommages subis, les personnes morales de droit public intervenues matériellement ou financièrement ont droit au remboursement, par la ou les personnes à qui incombe la responsabilité de l'incident ou de l'accident, des frais exposés par elles » (article L.211-5 du code de l’environnement).

Dans le cadre d’une pollution, les juges administratifs d’appel avait admis la demande du SDIS de solliciter une participation aux frais engagés lors d’une opération ayant pour objet de lutter contre un incident de pollution ou d’en limiter les effets en vertu du principe pollueur-payeur (CAA Bordeaux 29 avril 2016, n° 14BX02623).

Des sapeurs-pompiers ont dû intervenir afin de faire cesser la pollution d’une mare par du fuel provenant d’une propriété privée. Cette mare menaçait de s’écouler dans un ru situé en contrebas. On dépassait donc le cadre des intérêts privés. Aux termes de l’article L.211-5 du code de l’environnement, le juge administratif a admis la demande financière du SDIS (TA Rouen 12 avril 2011, n° 1001…).

En revanche, le dépôt volontaire de remblais et de déchets dans le lit d'un cours d'eau et dans une zone humide ne constitue pas un incident ou un accident présentant un danger pour la sécurité civile au sens de l'art. L. 211-5 du code de l’environnement (CAA Nantes, 30 décembre 2005).

L’article L.514-16 du code de l’environnement prévoit également que « lorsque les personnes morales de droit public interviennent, matériellement ou financièrement, pour atténuer les dommages résultant d'un incident ou d'un accident causé par (une installation classée pour l’environnement) ou pour éviter l'aggravation de ces dommages, elles ont droit au remboursement, par les personnes responsables de l'incident ou de l'accident, des frais qu'elles ont engagés, sans préjudice de l'indemnisation des autres dommages subis ».

     2.                Le régime de la plainte

 

                    A.      La procédure

Le dépôt d’une plainte simple s’effectue soit auprès d’un commissariat de police, soit auprès d’une brigade de gendarmerie. La plainte simple peut être adressée directement auprès du procureur de la République.

La plainte simple peut être déposée contre une personne (physique et/ou morale) identifiée ou non (plainte contre X).

Il y a la possibilité d’effectuer une pré-plainte. Celle-ci n’est possible que contre les atteintes aux biens (vol, dégradation) ou un fait discriminatoire.

Les services de police ou de gendarmerie sont obligés d’enregistrer la plainte simple qui sera ultérieurement transmise au procureur de la République.

L’article 15-3 du code de procédure pénale affirme que « les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d'infractions à la loi pénale, y compris lorsque ces plaintes sont déposées dans un service ou une unité de police judiciaire territorialement incompétents ».

Cette plainte simple doit être portée à la connaissance du procureur de la République afin qu’il soit en mesure de décider des suites à prendre : ouvrir une enquête judiciaire ou classer l’affaire. A ce titre, le ministère public dispose d’une certaine liberté d’action. Ainsi, il dispose de la possibilité de requalifier les faits. Pour autant, cette liberté n’est pas illimitée.

L’article 77-2 du code de procédure pénale prévoit que « lorsqu'une victime a porté plainte dans le cadre de cette enquête et qu'une demande de consultation du dossier de la procédure a été formulée par la personne mise en cause », pendant un « délai d'un mois, le procureur de la République ne peut prendre aucune décision sur l'action publique, hors l'ouverture d'une information, l'application de l'article 393 ou le recours à la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité ».

Si le procureur de la République décide d’ouvrir une enquête judiciaire ou une information, la victime a de la possibilité de se constituer partie civile et ce à tout moment de la procédure pénale.

Dans l’hypothèse inverse, toute personne ayant dénoncé des faits dispose de la faculté de contester la décision du procureur de la République de classement sans suite, par le biais d’une dénonciation auprès du procureur général.

Aux termes de l’article 36 du code de procédure pénale, « le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le procureur général juge opportunes ».

 

                    B.      Les effets

La Chambre criminelle de la Cour de Cassation a rappelé de manière très ferme et très claire, le 11 juillet 2012, qu’une plainte adressée au procureur de la République ne constitue pas un acte de poursuite ou d’instruction et n’a pas d’effet interruptif de la prescription de l’action publique.
Il s’agit de la plainte simple, émanant d’un particulier ou d’une société, voire d’une administration (par exemple la plainte d’un particulier auprès des services de police ou de gendarmerie, ou même directement auprès du procureur de la République).

Cette plainte simple ne permet donc pas d’interrompre la prescription. Par conséquent, si le procureur de la République ne poursuit pas l’enquête (via la police ou la gendarmerie en général), le risque que l’infraction soit prescrite est très grand.

Lorsqu’une infraction est commise contre un agent, il doit, s’il dépose une plainte simple, la suivre de près, en veillant à ce que des poursuites soient engagées par le procureur de la République, faute de quoi l’infraction pourrait être prescrite et donc non susceptible d’être jugée.

Il est donc conseillé de prendre le relai du procureur de la République en cas d’inaction suite à une plainte simple : par une citation directe devant le Tribunal pénal (lorsque l’auteur des faits est connu), ou par une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des Juges d’instruction laquelle doit être précédée obligatoirement d’une plainte simple devant le procureur de la République qui doit se prononcer dans les trois mois (article 85 du code de procédure pénale).

A l’inverse, la plainte avec constitution de partie civile constitue un acte de poursuite, elle interrompt le délai de prescription de l’action publique uniquement si la consignation prévue à l'article 88 du code de procédure pénale a été versée dans le délai imparti ou à la suite de l’obtention d’une aide juridictionnelle.

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Alexia Touache, Doctorante en droit public

Bibliographie :

-          Evelyne Bonis, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale : Plainte et dénonciation, Dalloz

-          Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, PUF

-          Thierry Garé et Catherine Ginestet, Droit pénal. Procédure pénale, HyperCour Dalloz

-          Fiche d’orientation Dalloz : Partie civile

-          Fiche d’orientation Dalloz : L’action civile

-          Julie Mulateri, Le principe pollueur-payeur comme fondement d’une demande de remboursement des frais d’intervention d’un SDIS suite à un incident de pollution (PNRS)

-          Benoît Flament, Retour sur le remboursement des frais exposés par les SDIS en cas de pollution de l’eau (PNRS)

-          Question parlementaire sur le thème de constitution de partie civile du SDIS n°25965 de Mme Martine Leguille-Balloy publiée dans le JO de l'Assemblée Nationale le 21/01/2020

Publié le 25/06/21 à 11:50