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Mémoire présenté à la cérémonie des prix ENSOSP 2021- catégorie RCH4 Risque et innovation technologique

Mémoire présenté à la cérémonie des prix ENSOSP 2021- catégorie RCH4 Risque et innovation technologique- "Les microparticules émises lors d’un incendie présentent-elles un risque pour la santé des populations et comment les quantifier ?"

15/12/21

Le capitaine David DORN (SIS 85) et le commandant Christophe COFFOURNIC (SIS 17) ont rédigé leur mémoire dans le cadre de leur formation initiale de sapeur-pompier professionnel, année 2020, sur "Les microparticules émises lors d’un incendie présentent-elles un risque pour la santé des populations et comment les quantifier ?".

Les microparticules émises lors d’un incendie présentent elles un risque pour la santé des populations et comment les quantifier ? Cette thématique, mise en exergue suite à des incendies majeurs sur le territoire national, a fait l’objet d’une prise de conscience collective. Si dans la profession sapeurs-pompiers et l’univers scientifique, la composition des gaz émis lors des incendies commence à être dressée de manière empirique et pris en compte, avec toutes les réserves qui s’imposent, la composante des microparticules émises lors d’un incendie n’en est qu’à son balbutiement. Dans notre travail de recherche, nous avons échangé avec plusieurs scientifiques de renommée nationale, travaillant pour des laboratoires de recherche tel celui de l’analyse, de surveillance et d’expertise de la marine (LASEM), ou encore EFFECTIS France.  En parallèle, des échanges ont eu lieux auprès d’organismes de référence reconnus de tous, tel l’INRS et l’INERIS. De ces rencontres, plusieurs remarques en sont ressorties. Tout d’abord, le processus de formation de ses microparticules est complexe et multifactoriel. De manière évidente, la composition des matériaux initiaux est un paramètre majeur, auquel se rajoute les conditions thermocinétiques (température, durée au contact des flammes, …) et les conditions de ventilation. De cette alchimie, en résulte des microparticules avec une composition chimique propre, singulière (particules minérales, organiques (carbone organique, carbone élémentaire [black carbon]), un diamètre aérodynamique variant de 10 µm à moins de 1 µm. Sur cette matière produite, va s’adsorber des gaz issus de la combustion. Ces derniers, eux-mêmes compte tenu des conditions de températures, de pression et des conditions météorologiques auront une décomposition et une dispersion différente. Dès lors, toute hypothèse sur la composition, la concentration des microparticules ne reste, en l’état actuel des avancées scientifiques, que théorique.

La conséquence sanitaire sur les populations est évidente. Là encore, notre mémoire nous a permis d’échanger avec des professionnels de santé, tel Monsieur Yves LEVY, professeur de santé publique et santé environnementale aux hôpitaux publiques de Paris, Monsieur Sébastien HULO, docteur et maitre de conférences des universités de Lille, praticien Hospitalier ou encore le Docteur Thierry PIGEANNE, pneumologue. Comme l’a démontré le chimiste Fritz Haber, avec sa célèbre loi de toxicologie, les effets sont dépendants de la concentration à un polluant et de la durée d’exposition. Si pour une exposition à des composés chimiques, des valeurs existent dans différentes littératures (VSTAF, AEGL, ERPG….) celles pour les microparticules sont rares pour ne pas dire inexistante (Hormis les recommandations relatives à la qualité de l’air). En effet, comme évoqué précédemment, il est difficile de définir la composition chimique des microparticules émises lors d’un incendie. De plus, prédire la concentration en µg/m3 est hasardeux faute de modèle de dispersion éprouvé. Enfin, le milieu environnemental est composé de pléthores de particules en suspension, générant des impacts sanitaires connus, à court, moyen et long terme, allant des crises d’asthme via les pollens, à des bronchopathies lors des épisodes de pollutions urbaines. Ce bruit de fond, est donc à prendre en compte dans l’exposition chronique des populations. La part de cette surexposition à des microparticules émises lors d’un incendie, n’en est que plus complexe à définir quantitativement et qualitativement. Concrètement, est ce que la surexposition à elle seule génère une pathologie spécifique ou est-ce un effet de surdose qui déclenche de telles atteintes. Certaines études médicales américaines, démontrent une relation entre des incendies majeurs et une augmentation des admissions dans les services hospitaliers dans les 24 heures qui suivent les sinistres, voire des décès. Un paramètre complémentaire, et non des moindres à prendre en compte est le terme population. Dans notre analyse, nous nous sommes restreints à une population au sens générale du terme. Loin d’une analyse médicale aboutie, différenciant les populations sensibles, ultra sensibles, celles regroupant des individus souffrant de comorbidité, de problèmes respiratoires sévères ou autres.

De cette analyse succincte, s’appuyant sur des postulats scientifiques et médicaux, nous constatons la difficulté d’appréhender, de manière précise, l’impact sanitaire des microparticules sur les populations.

Notre mémoire s’oriente également sur la capacité à les quantifier. Pour mener une réflexion de qualité nous avons pris contact avec des spécialistes en métrologie. Qu’ils soient de laboratoires tel l’INRS ou l’INERIS ou plus de terrain via les VDIP, la conclusion fait ressortir toute la difficulté d’avoir des mesures fiables. Les technologies employées s’appuient essentiellement sur la méthode optique telle les compteurs à particules ou les photomètres. Encore une fois, la précision des mesures est multifactorielle. Tout d’abord, la marge d’erreur inhérente aux appareils de mesures, souvent calibrés sur l’ARD (Arizona Road Trust) dont les tables de pondérations restent à confirmer, tout comme les paramètres astro météo (températures, hygrométries…).  En second lieu, la mesure elle-même, via un opérateur ou un poste fixe, et son positionnement dans le panache joue un rôle important. Sur cet aspect, nous avons questionné les SIS de France et les unités militaires. Les 33% ayant rendu réponse, nous indiquent qu’ils sont confrontés à des difficultés dans la prise en compte de ces microparticules, faute de données scientifiques, médicales et techniques.

Aussi, des valeurs prédictives pour une heure d’exposition en PM10 et PM2.5 sont proposées afin d’apporter une première réponse opérationnelle qui se veut pragmatique.

Lors des échanges avec les divers spécialistes scientifiques et médicaux contactés, il est donc ressorti la grande difficulté de théoriser à priori l’impact de ces microparticules. Une réflexion a donc été suggérée sur une analyse à postériori. Concrètement, elle se résumerait à établir une procédure de mesure, fiable, identique sur l’ensemble du territoire et validée scientifiquement afin de connaitre la composition de ces fameuses microparticules. Si cette analyse peut se décliner sur un espace-temps « assez » court, l’analyse médicale sur l’impact sanitaire, sera plus longue et découlera de la première analyse.

A l’heure actuelle de ce mémoire, les données scientifiques et médicales ne nous permettent donc pas d’apporter une réponse précise sur l’impact sanitaire que provoquent ces microparticules sur les populations. Néanmoins, il a permis d’identifier bon nombre de critères impactant, et constitue une première réponse, tout en gardant à l’esprit l’intérêt de continuer les recherches et maintenir notre vigilance.

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Publié le 15/12/21 à 08:28