Portail National des Ressources et des Savoirs

Commerce illicite des matières radioactives

Titre de la question
Question N° : 65459 de M. Stéphane Demilly ( Nouveau Centre - Somme ) publiée au JO le : 01/12/2009 page : 11324
Contenu de la question

M. Stéphane Demilly attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le problème du commerce illicite de matières radioactives. En effet, selon le département de sûreté nucléaire de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), le commerce des matières radioactives a pris de l'ampleur depuis 1993, suite à l'effondrement du bloc de l'est. Ainsi, début 2008, l'AIEA recensait déjà un total de 17 kilogrammes d'uranium hautement enrichi et de 400 grammes de plutonium qui avaient été interceptés lors de tentatives de transactions illicites. Ce n'est d'ailleurs sans doute que la partie émergée de l'iceberg, et il est particulièrement inquiétant d'imaginer que de telles quantités de matières radioactives puissent ainsi « voyager » de par le monde. Dans ce contexte, il semble essentiel de pouvoir disposer de techniques de mesure permettant de détecter les matières nucléaires et de les caractériser avec précision, afin de pouvoir déterminer la nature, l'origine et la date de fabrication des matériaux radioactifs saisis. Il souhaite, par conséquent, qu'elle lui précise les actions entreprises dans ce domaine et la façon dont elle se coordonne avec ses homologues des autres pays, et il lui demande de lui donner son analyse globale du trafic de matières radioactives.

Titre de la réponse
Réponse publiée au JO le : 09/02/2010 page : 1424
Contenu de la réponse

Le contrôle des matières nucléaires (en anglais, nuclear material control and accountancy, ou NMC&A) fait l'objet d'accords internationaux, et est en grande partie supervisé par des organismes de coopération internationale (AIEA, Euratom). Cependant, la gestion des matières nucléaires est avant tout une compétence nationale. En France, le code de la défense organise la protection et le contrôle des matières nucléaires ; c'est le haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) du MEEDDM (ministère en charge de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer) qui est chargé de son application. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est l'appui technique du HFDS pour cette activité. Par ailleurs, le comité technique Euratom (CTE), placé sous l'autorité du Premier ministre, est en charge des questions relatives à l'application du traité Euratom qui met en place un système très complet et très strict de contrôle destiné à garantir que les matières nucléaires civiles ne soient pas détournées de la finalité civile déclarée par les États membres. Le CTE assure, en tant qu'appui technique du SGAE (secrétariat général aux affaires européennes), la coordination technique pour la mise en oeuvre des dispositions du traité Euratom et du volet concernant le suivi de l'application des contrôles sur les matières nucléaires exercés en France par les organismes internationaux de contrôles (Commission européenne et Agence internationale de l'énergie atomique [AIEA]. Il a également pour appui technique, dans l'exercice de cette fonction, le service d'application des contrôles internationaux de l'IRSN. Grâce aux moyens importants mis par l'État au CEA et à l'IRSN, la France joue un rôle de premier plan dans le développement de techniques de mesures nucléaires permettant de détecter des quantités de matières nucléaires de plus en plus faibles, et de les caractériser avec précision afin de pouvoir en déterminer l'origine en exploitant les bases de données internationales gérées par l'Agence internationale de l'énergie atomique. Le CEA et l'IRSN assurent le transfert industriel de ces développements, et une assistance auprès des utilisateurs, notamment au niveau des douanes. Ces organismes contribuent également à la mise en place ou au renforcement, dans les pays producteurs de matières sensibles, d'un contrôle national s'inspirant du système français. C'est ainsi que la Communauté européenne de l'énergie atomique Euratom, avec le soutien de la France, aide la fédération de Russie à renforcer son dispositif de contrôle. Notons également que, conformément aux responsabilités de l'UE dans le cadre du traité Euratom, différentes initiatives ont été lancées en matière de R&D dans le cadre des différents PCRD (programmes cadre de recherche et de développement) pour développer de nouveaux moyens de détection. C'est le cas, par exemple, du programme Euritrack (European Illicit Trafficking Countermeasures Kit, c'est-à-dire ensemble européen de contremesures du trafic illicite), initié en 2006 dans le cadre du 6e PCRD et coordonné par le CEA. Ce programme concerne plus particulièrement le contrôle des marchandises dans les ports. En effet, aujourd'hui, près de 95 % du trafic mondial de marchandises se fait grâce au transport maritime. L'objectif d'Euritrack est de coupler les techniques d'inspection des conteneurs de marchandises (radiographie X en particulier) avec un système de détection à neutrons, pour déterminer à la fois la forme, la densité et la composition chimique des objets transportés. Euritrack s'inscrit dans les efforts de lutte contre la menace terroriste. En effet, encore plus depuis les attentats de septembre 2001 aux États-Unis, la sécurité est l'une des priorités de l'Europe, qui a décidé de soutenir des programmes de recherche liés à cette thématique. Ceci s'est traduit au niveau intergouvernemental par la mise en place, au niveau communautaire, d'une action préparatoire de recherche en sécurité (PASR) qui a permis de préparer le lancement dans le cadre du 7e PCRD d'un programme européen de recherche de sécurité (PERS). Citons également le lancement d'un plan d'action de l'Union européenne sur le renforcement de la sécurité chimique, biologique, radiologique et nucléaire (CBRN). L'objectif global du train de mesures CBRN est la définition d'une approche « tous risques » visant à réduire la menace liée aux incidents CBRN et les dommages qui en résultent, qu'ils soient d'origine accidentelle, naturelle ou intentionnelle, y compris ceux liés à des actes terroristes. Au plan international enfin, signalons différentes initiatives lancées soit, par exemple, par l'Agence internationale de 1'énergie atomique (cas de l'initiative GTRI, Global Threat Reduction Initiative), soit dans le cadre du partenariat mondial du G8, dont un volet concerne les actions concertées en matière de résistance à la prolifération (initiative de sécurité contre la prolifération, PSI en anglais) et de sécurisation des sources radioactives orphelines.