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Harcèlement moral commis par un maire : réparation, compétences et responsabilités

Chapo
Crim. 29 nov. 2016, F-P, n° 15-80.229
Texte

La responsabilité de l’administration en raison des fautes commises par un agent n’est pas exclusive de celle dudit agent ayant commis un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique.

En l’espèce, le maire d’une commune avait été condamné du chef de harcèlement moral à l’encontre de deux employés. Ceux-ci avaient sollicité l’indemnisation de leur préjudice devant le tribunal correctionnel qui avait fait droit à leur demande. La cour d’appel, en revanche, estimait que le harcèlement moral commis dans le cadre de ses fonctions par le maire constituait une faute non détachable du service et se déclarait par conséquent incompétente, au profit des juridictions administratives.

La Cour de cassation censure cette position et juge dans un attendu de principe que, « si la responsabilité de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics est engagée en raison des fautes commises par leurs agents lorsque ces fautes ne sont pas dépourvues de tout lien avec le service, cette responsabilité n’est pas exclusive de celle des agents auxquels est reproché un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique ». Elle précise ce principe en affirmant que « la seule circonstance que le prévenu [ait]commis les faits reprochés dans l’exercice de ses fonctions ne pouvait exclure que son comportement relevât d’un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique ». Pour caractériser le manquement volontaire et inexcusable du maire, la Cour relève que celui-ci « poursuivait un objectif sans rapport avec les nécessités du service, à savoir évincer les parties civiles de leurs responsabilités professionnelles ». La Cour a déjà jugé qu’« est détachable de la fonction d’un agent public, même si elle n’est pas dépourvue de tout lien avec son service, la faute de cet agent qui, impliquant une intention de nuire ou présentant une gravité particulière, révèle un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique » (v. Crim. 30 sept. 2008, n° 07-82.249, AJDA 2008. 1801 ; D. 2008. 2975 , note H. Matsopoulou ; ibid. 2009. 2238, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2008. 505, obs. G. Royer ; ibid. 511, obs. G. Royer ; RSC 2009. 92, obs. E. Fortis ). En l’espèce, la chambre criminelle évite de parler de « faute personnelle détachable », confessant implicitement que cette notion, tout comme celle de « faute de service », n’est plus suffisamment parlante tant cette dichotomie classique est venue s’enrichir de nuances successives. En effet, la faute de service s’entend classiquement de celle qui est commise dans l’exercice des fonctions et par les moyens du service. Or, en l’espèce, le maire n’aurait pas pu perpétrer le harcèlement moral en dehors de ses fonctions et sans les moyens du service. La faute est donc en réalité inhérente à la fonction de l’auteur. La cour d’appel avait d’ailleurs retenu le fait que la faute avait été commise en service pour conclure à son caractère non détachable. Pour cela, l’application au cas d’espèce de l’expression de faute « non dépourvue de lien avec le service » peut paraître quelque peu euphémique. La Cour de cassation s’intéresse en réalité à l’intention de l’auteur pour détacher la faute du service : l’auteur poursuivait un objectif sans rapport avec les nécessités du service. Elle conclut donc à la compétence du juge judiciaire.

(...)

par Cécile Benelli-de Bénazéle 20 décembre 2016 pour DALLOZ ACTUALITES 

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