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Constitution de partie civile abusive : modalités du prononcé de l’amende civile

Chapo
Justifie sa décision, la chambre de l’instruction qui confirme l’ordonnance de non-lieu portant condamnation pour constitution de partie civile abusive, dès lors qu’il est fait mention des faits caractérisant cet abus et que le délai prescrit par cet article a été respecté.
Texte

En l’espèce, une femme avait été verbalisée pour non-respect de la signalisation en application d’un arrêté municipal. Les recours qu’elle avait exercés avaient débouché sur un classement sans suite de la contravention. Deux ans et demi après les faits, elle déposait une plainte avec constitution de partie civile du chef de faux en écriture publique (qui, rappelons-le, est une infraction criminelle) au motif que le répertoire des arrêtés municipaux aurait été falsifié ou erroné. La chambre de l’instruction, confirmant l’ordonnance de non-lieu du juge d’instruction, avait considéré que le répertoire des arrêtés municipaux – à l’inverse du registre – ne constituait pas une écriture publique en ce qu’il ne présentait ni marque ni signature ni sceau de l’autorité publique et n’avait pas vocation à être publié ou affiché.

La partie civile, auteure du pourvoi, critiquait cette motivation. La Cour de cassation rejette toutefois le moyen en indiquant que la chambre de l’instruction a répondu aux articulations essentielles du mémoire par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction. L’écriture publique ou authentique ne fait certes pas l’objet de définition par le code pénal et aucune liste limitative des actes qui en seraient constitutifs n’est donnée. Néanmoins, la doctrine a pu les classifier en quatre catégories : politiques, judiciaires, extrajudiciaires et administratifs. Le répertoire (qui est semblable à un index), dont il était question en l’espèce, aurait pu relever de cette dernière catégorie. En font, en effet, partie, au terme de la jurisprudence, les actes de l’état civil (Crim. 7 nov. 1974, Bull. crim. n° 319), les écritures municipales (Crim. 27 févr. 1984, Bull. crim. n° 75 pour la falsification d’un extrait du registre des délibérations du conseil municipal) ou encore, les écritures fiscales (V., par ex. Crim. 29 avr. 1996, n° 95-83.110, Bull. crim. n° 172, pour la falsification des registres d’une perception. V. Rép. pén., Faux, nos 117 s., par V. Malabat). Cependant, la chambre de l’instruction, par une interprétation stricte du texte, rejette cette qualification en l’espèce, en mettant en exergue deux critères de qualification de l’écriture publique à savoir, d’une part, l’absence de marque de l’autorité publique et, d’autre part, l’absence de vocation publique.

En sus du non-lieu, la chambre de l’instruction avait, également, confirmé l’amende civile à laquelle avait été condamnée la partie civile au motif que la plainte pour des faits criminels avait été déposée « avec une particulière légèreté pour des motifs et en tout cas sans proportion avec les faits s’agissant d’obtenir le remboursement de frais d’huissiers (128,75 €) et d’un préjudice moral vague et indéterminé ». La partie civile critiquait l’irrespect des dispositions des articles 177-2 et 212-2 du code de procédure pénale. Rappelons que, pour prononcer l’amende civile, le juge d’instruction doit respecter la procédure prévue par l’article 177-2 du code de procédure pénale. Les réquisitions du parquet préconisant cette amende doivent ainsi être transmises à la partie civile et à son avocat, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par télécopie avec récépissé. L’ordonnance du juge ne peut, par ailleurs, être prise qu’à l’issue d’un délai de vingt jours à compter de cette transmission (pour un rappel de cette exigence, V. Crim. 9 janv. 2007, n° 06-84.064, Bull. crim. n° 1 ; D. 2007. 579 ; AJ pénal 2007. 144 ) et doit de surcroît être motivée. La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 a prévu cette possibilité pour la chambre de l’instruction qui prononce un non-lieu de condamner la partie civile à une amende civile et a entouré ce pouvoir des mêmes garanties procédurales. Aussi l’article 212-2 du code de procédure pénale est-il l’exact pendant de l’article 177-2 (V. Rép. pén., v° Partie civile, nos 214 s., par P. Bonfils), le formalisme de ces articles ayant pour but de recueillir les éventuelles observations que la partie civile souhaiterait faire, en parfaite connaissance de cause, sur le prononcé de l’amende.

En l’espèce, était donc invoquée la violation de ces deux articles. Néanmoins, la Cour de cassation, s’agissant ici de l’appel de l’ordonnance de non-lieu portant condamnation à l’amende, rejette là encore l’argumentaire de l’auteur du pourvoi. En premier lieu, elle observe notamment que la chambre de l’instruction a relevé, quant au dépôt de la plainte, la mauvaise foi et la « particulière légèreté » de la partie civile (plainte déposée longtemps après les faits et sans qu’aucune démarche ou constatation personnelles n’aient été effectuées), ainsi que des motifs « hors de proportion avec les faits ». En second lieu, elle remarque que le délai de vingt jours précité a bien été respecté. Ainsi en conclut-elle que la chambre de l’instruction a justifié sa décision, ajoutant que l’application de l’article 212-2 n’avait pas lieu d’être. Dans la présente affaire, en effet, cette juridiction n’avait fait que confirmer l’ordonnance prise par le juge d’instruction, sans en être directement l’auteure. C’est donc bien l’article 177-2 qui avait, ici, seul vocation à s’appliquer.

par Lucile Priou-Alibert pour Dalloz actualités le 24 novembre 2014

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