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Les critères du bénéfice de la NBI chez les sapeurs-pompiers

Nom de l'expert
Morel Senatore
Prénom de l'expert
Audrey
Fonction de l'expert
Responsable du LEDeSC
Chapo du commentaire
TA Nîmes, 22 décembre 2011, req. 1001532
Texte du commentaire

Un sergent de sapeur-pompier professionnel prétend au versement de la nouvelle bonification indiciaire (NBI), tirée du décret 2006-1435 du 24 novembre 2006, alors qu’il est chef d’agrès depuis le 1er janvier 2010. Le silence du SDIS à sa demande valant refus, il présente une requête devant le tribunal administratif du ressort compétent en vue de faire condamner le service au paiement d’une somme provisoire à parfaire en fonction du taux légal et de l’évolution du point d’indice.

Le tribunal administratif rejette sa demande au motif que le sergent ne justifie pas de l’exercice effectif de fonctions ouvrant droit au bénéfice de la NBI sollicitée. Il ne saurait donc se prévaloir d’un préjudice financier résultant du refus du SDIS de lui accorder ce supplément de rémunération.

Sur quels critères le juge se fonde-t-il pour reconnaître le bénéfice de la NBI aux intéressés ?

Evacuons en premier lieu la recevabilité de la requête qui, bien que contestée par le SDIS, n’a pas été écartée. En effet, le défaut de réclamation chiffrée préalablement à la requête n’est pas irrémédiable pour l’auteur de cette requête en indemnisation puisqu’il fait référence au texte permettant de calculer l’indemnité qu’il réclame (v. CE 15 nov. 2006, Bouriga, req. n° 269403 ; v. également J. Berthoud, Le chiffrage dans le temps des conclusions indemnitaires présentées devant le juge de plein contentieux, AJDA, 2011, p. 1573).

S’agissant du fond, le juge administratif de Nîmes analyse les articles 1er et 2ème du décret du 3 juillet 2006 ainsi que l’article 1er du décret du 24 novembre 2006 dès le deuxième considérant : « le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire est lié aux emplois qu’occupent de façon effective et exclusive les intéressés compte tenu de la nature des fonctions attachées à ces emplois ».

La Cour administrative d’appel de Douai avait déjà eu l’occasion de rappeler « que le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire n'est pas lié au corps d'appartenance ou aux grades des fonctionnaires, mais aux emplois qu'ils occupent, compte tenu de la nature des fonctions attachées à ces emplois, et d'autre part, que les emplois donnant droit au versement de la nouvelle bonification indiciaire sont fixés de manière limitative par décret (CAA Douai, 18 mars 2004, SDIS du Nord rejet, req. n°01DA01110). Trois ans plutôt, cette même Cour soulignait que la bonification indiciaire des fonctionnaires et militaires est liée, sur le fondement des articles 27 de la loi du 18 janvier 1991 et 10 de la loi du 13 décembre 1991, non au cadre d'emploi d'appartenance ou aux grades des fonctionnaires territoriaux, mais aux emplois qu'ils occupent, compte tenu de la nature des fonctions attachées à ces emplois prévue à l'article 2 du décret du 25 septembre 1990 portant statut particulier du cadre d'emploi des professionnels non officiers. En l'espèce, un adjudant-chef des sapeurs-pompiers professionnels, assurant à ce titre des fonctions d'agent de maîtrise et participant notamment à l'encadrement des sapeurs et caporaux, a droit à ladite bonification indiciaire, ce qui n'était pas le cas de l'intéressé dont la requête a été rejetée, à l’instar de notre sergent (CAA Douai, 27 Juin 2001, Ghesquière req. n° 98DA01491).

Nécessité d’un exercice effectif des fonctions de l’emploi éligible à la NBI

Dans la présente affaire, le sergent concerné, s’il occupait bien l’emploi de chef d’agrès, quelle que soit son ancienneté (même si en l’occurrence son expérience aurait été insuffisante), n’a jamais exercé des fonctions de commandement de véhicule d’intervention comprenant deux équipes. Outre le fait que le règlement intérieur du SDIS prévoit que les fourgons pompes tonnes sont commandés prioritairement par des officiers, l’intéressé n’a jamais été conduit à suppléer, même occasionnellement, un officier sur ces fonctions.

Nécessité d’un exercice exclusif des fonctions de l’emploi éligible à la NBI

Le tribunal administratif souligne par ailleurs que l’exercice des fonctions de commandant des opérations de secours est bien distinct de celui des fonctions de chef d’agrès commandant un véhicule comprenant deux équipes, et que cela est sans incidence sur le droit à percevoir la NBI.

Il convient, en conclusion, de rappeler que si la NBI est octroyée par l’employeur, même si cela est infondé, il s’agira d’une décision créatrice de droit. Ainsi le retrait ou l’abrogation de cette décision doit être motivé (cf. revirement de jurisprudence opéré par le Conseil d'État, qui estime désormais qu'une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage, à propos de l'attribution d'une NBI aux fonctionnaires territoriaux : CE , sect., 6 nov. 2002, Soulier, req. no 22304, AJDA 2002 p. 1434, chron. Casas et Donnat ; CE 30 nov. 2003, M. Lhoumeau, req. no 216036, AJDA 2004 p.163. En revanche, n'ont pas cet effet créateur de droits les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement : CE , sect., 6 nov. 2002, Soulier, req. no 223041).

Enfin, si l'administration peut subordonner l'occupation de certaines fonctions à la détention de certains diplômes sanctionnant la possession de qualifications particulières, elle ne peut, lorsqu'elle confie ces fonctions à des agents ne remplissant pas les conditions de diplômes qu'elle a elle-même posées, les priver de la nouvelle bonification indiciaire attachée à l'exercice effectif de ces fonctions (TA, Montreuil, 4 mars 2010 , n° 0806395).

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