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L'actualité jurisprudentielle en matière de temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels

Nom de l'expert
Mazzoli
Prénom de l'expert
Manon
Fonction de l'expert
Elève-avocate
Chapo du commentaire
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Texte du commentaire

SIS

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STATUT

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RÉMUNÉRATION

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Travail effectif

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Suite à l'adoption du décret du 18 décembre 2013 modifiant le décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, le bureau du conseil d'administration d'un SDIS a modifié les dispositions du "Guide de gestion du temps de travail des personnels" de ce SDIS, par une délibération du 18 décembre 2013.

Le syndicat SUD des sapeurs-pompiers professionnels, agents techniques et administratifs de ce SDIS a demandé l'annulation de cette délibération. Le tribunal administratif de Grenoble, dans un jugement du 31 octobre 2016, a annulé la délibération en ce qu'elle approuve les dispositions qui prévoient que l'écart constaté en moins entre le service annuel horaire effectué par un agent et le volume annuel de 1583 heures auquel il est soumis est défalqué sur le compte épargne-temps.

Le syndicat a interjeté appel. La Cour administrative d'appel de Lyon dans un arrêt du 5 février 2019, a rejeté l'appel formé par le syndicat, ainsi que les conclusions incidentes présentée par le SDIS.

Le syndicat a saisi le Conseil d’État afin que cet arrêt soit annulé, et qu'il fasse droit à ses conclusions d'appel en jugeant l'affaire au fond.

Le Conseil d’État a annulé l'arrêt du 5 février 2019 en tant qu'il statue sur le régime d'horaire d'équivalence valorisant les gardes de 24 heures à hauteur de 16,6 heures et sur le report des heures non effectuées sur l'année suivante et a renvoyé l'affaire à la Cour administrative d'appel de Lyon.

Le Conseil fonde sa décision sur les articles 1 à 3 du décret du 31 décembre 2001 modifiés qui prévoient que les temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels peut par dérogation être de 24 heures consécutives après une délibération du Conseil d'administration du SDIS. Cependant, la durée totale de travail ne doit pas excéder 1128 heures par semestre soit 2256 heures par an, soit l'équivalent de 48 heures par semaine.

Il relève en outre que la présence au cours d'une garde est assimilable à du travail effectif, les agents devant se tenir en permanence prêts à intervenir, cependant pour l'établissement des rémunérations des sapeurs-pompiers, il est possible de fixer des équivalences en matière de durée du travail afin de tenir compte des périodes d'inactions pendant les périodes de garde. Le SDIS pouvait donc mettre en œuvre un régime d'horaire d'équivalence valorisant les gardes de 24 heures à hauteur de 16,6 heures sur une garde de 24 heures et de fixer à 1583 heures le temps de travail effectif.

Cependant, le Conseil d’État estime que ce régime a pour conséquence de porter le temps de travail annuel des sapeurs-pompiers de ce SDIS à 2278,6 heures, nombre d'heures supérieur à celui prévu par les dispositions règlementaires applicables. La Cour administrative d'appel de Lyon a donc commis une erreur de droit qui entraîne l'annulation de l'arrêt du 5 février 2019 en tant qu'il statue sur le régime d'horaire d'équivalence valorisant les gardes de 24 heures à hauteur de 16,6 heures et sur le report des heures non effectuées sur l'année suivante.

L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Lyon.

(Conseil d'État, 3ème chambre, 04/11/2020, 429502, Inédit au recueil Lebon)

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Le requérant, sapeur-pompier professionnel, était embauché par un SDIS et bénéficiait d'un logement en caserne, entre 2008 et 2014. Une délibération du 14 décembre 2001, modifiée le 9 décembre 2005, prévoyait que les sapeurs-pompiers de ce SDIS devaient effectuer 110 gardes de 24 heures et 17 gardes de 12 heures, soit un total de 2.844 heures annuelles. Le requérant reproche au SDIS de ne pas avoir respecté le seuil maximal du temps de travail fixé par la directive communautaire 2003/88/CE du Parlement et du Conseil européen. En effet, cette directive fixe le temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels à 2.256 heures par an.

Le requérant a demandé à son employeur de l'indemniser des préjudicies qu'il avait subis du fait des heures effectuées au-delà de cette durée maximale. Sa demande a été implicitement rejetée, il a donc saisi le Tribunal administratif de Nantes d'une demande d'indemnisation des heures supplémentaires effectuées au cours des années 2008 à 2014.

Par un jugement du 1er mars 2017, le tribunal administratif a condamné le SDIS à lui verser la somme de 6.000 euros en réparation de l'ensemble de son préjudice. Appel a été interjeté et la Cour administrative d'appel de Nantes a confirmé la réparation du préjudice moral et des troubles subis dans les conditions d'existence et y a ajouté la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de rémunération des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée maximale prévue.

Le SDIS s'est pourvu en cassation. Le Conseil d’État a prononcé l'annulation de l'arrêt en ce qu'il a alloué la somme de 10.000 euros supplémentaires au requérant, la cour d'appel n'ayant pas recherché si l'intégralité des heures de garde effectuées entraient dans la définition des heures de travail effectif au sens de l'article 1er du décret n°2001-1382 du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels.

Le Conseil d'Etat se prononce aussi en tant que juge du fond sur le fondement de l'article L821-2 du Code de justice administrative. Il se réfère à la directive européenne du 4 novembre 2003 laquelle a repris les dispositions de la directive 93/104/CE du 23 novembre 1993 et prévoit que la durée moyenne de travail pour chaque période 7 jours, heures supplémentaires comprises, n'excède pas 48 heures, une période de référence ne dépassant pas 4 mois pour l'application de cette période de 48 heures. Cependant, il peut être dérogé à ces dispositions "pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service, notamment lorsqu'il s'agit des services de sapeurs-pompiers ou de protection civile". Dans ce cas la période de référence ne peut dépasser 6 mois. Le Conseil d’État estime que le requérant demande une indemnisation au titre des heures travaillées au-delà des limites prévues.

Le Conseil d’État estime que le dépassement des limites maximales horaires fixées par la directive ne peut ouvrir le droit qu'à l'indemnisation des préjudices résultant de l'atteinte à la santé, ainsi que des troubles subis dans les conditions d'existence. Ce dépassement n'ouvre pas droit en revanche, à l'indemnisation des heures supplémentaires effectuées.

(Conseil d’État, 3ème et 8ème chambres réunies, 13/11/2020, n°428392, Inédit au recueil Lebon)

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Le requérant, sapeur-pompier professionnel, embauché au sein d'un SDIS, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner son employeur à lui verser des indemnités horaires correspondant aux heures supplémentaires qu'il soutient avoir accomplies en 2010 et 2011. La juridiction lui a octroyé la somme de 9.000 euros en réparation du préjudice qui a résulté pour lui de l'accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées en 2010 et 2011. Le requérant et le SDIS se sont pourvus en cassation et l'affaire a été renvoyée devant la Cour administrative d'appel de Lyon qui dans un arrêt du 5 mars 2019 a condamné le SDIS à verser au requérant une somme correspondant à la rémunération de 240 heures supplémentaires effectuées en 2010 et de 270 heures supplémentaires effectuées en 2011, elle a renvoyé le requérant devant le SDIS pour la liquidation de cette somme.

Le requérant s'est pourvu en cassation, ainsi que le SDIS sur pourvoi incident. Le SDIS s'est ensuite désisté de son pourvoi.

Les conclusions du requérant relatives au régime d'horaire d'équivalence sont rejetées. Ce régime constitue un mode particulier de comptabilisation du travail effectif consistant à prendre en compte la totalité des heures de présence, tout en leur appliquant un mécanisme de pondération tenant à la moindre intensité du travail fourni pendant les périodes d'inaction. Le Conseil d'Etat relève que le dépassement des durées maximales de travail prévues tant par le droit de l'Union que par le droit interne ne peut ouvrir droit par lui-même qu'à l'indemnisation des préjudices résultant de l'atteinte à la santé, et à la sécurité ainsi que des troubles subis dans les conditions d'existence.

En revanche, le Conseil d’État annule l'arrêt du 5 mars 2019 en ce qu'il n'a pas statué sur les demandes du requérant relative à l'indemnisation de ses préjudices résultant des heures supplémentaires à savoir que le dépassement de la durée maximale de travail prévue par les textes est susceptible de porter atteinte à la sécurité et à la santé des intéressés. En effet, ceux-ci sont privés du repos auquel ils ont droit et cela peut leur causer un préjudice indépendant de leurs conditions de rémunération ou d'hébergement. Le litige est donc renvoyé devant la Cour administrative d'appel de Lyon.

(Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 13/11/2020, 430378)

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