Portail National des Ressources et des Savoirs

L’actualité jurisprudentielle en matière de sécurité civile

Nom de l'expert
Touache
Prénom de l'expert
Alexia
Fonction de l'expert
Elève-avocate - CERISC
Chapo du commentaire
-
Texte du commentaire

Présentation :

Les quelques arrêts présentés ont principalement trait aux pouvoirs de police générale du maire : arrêté de péril, responsabilité administrative pour carence, arrêté anti-pesticide.

Une décision relève également des ressources humaines avec un cas d’espèce d’un sapeur-pompier muté d’office en raison de son comportement au sein d’un SDIS.

----------

STATUT

 

Affectation et mutation

 

Par un arrêté du 29 juillet 2016, le SDIS et la préfecture ont modifié muté un lieutenant de première classe de sapeur-pompier professionnel.

L’officier de sapeur-pompier a relevé appel du jugement qui a l’a débouté de sa demande d’indemnisation pour les préjudices subis à la suite de la décision illégale prise à son encontre.

Il a reproché au jugement d’être insuffisamment motivé. Pour les juges d’appel, « il ne résulte pas de l'instruction que le changement d'affectation dont il a fait l'objet, pris dans l'intérêt du service, ait revêtu le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ou aurait été décidé à raison de ses activités syndicales ».

De plus, il a contesté la légalité de la décision dans la mesure que ce changement d’affectation constituerait selon lui une sanction déguisée.

Or l’instruction a démontré que la décision a été prise « à la suite de vives tensions, de nature à nuire au bon fonctionnement du service, entre l'intéressé et plusieurs autres sapeurs-pompiers volontaires dont certains, placés sous sa responsabilité, refusaient même d'assurer les astreintes opérationnelles ».

Plusieurs sapeurs-pompiers ont dénoncé le comportement de ce lieutenant au point de réclamer son départ.

Au final, la hiérarchie a pris acte de cette situation hautement conflictuelle.

Les juges du fond ont, par ailleurs, récusé tout fait de harcèlement moral. En effet, ni les nouvelles attributions réduites mais acceptées par l’intéressé, ni le refus de l’employeur d’accorder une protection fonctionnelle ne peuvent constituer à eux-seuls de faits de harcèlement moral.

En conclusion, les juges du fond ont débouté le secouriste de l’ensemble de ses demandes.

(CAA Bordeaux 16 décembre 2019, n° 18BX00215, M. F… E… c/ SDIS et Préfecture)

 

Temps de travail

 

Un syndicat de sapeurs-pompiers a demandé au Tribunal administratif d’Orléans d’annuler la délibération du 17 mars 2014 prise par le conseil d’administration du SDIS et d’enjoindre l’établissement public de prendre une nouvelle délibération dans le délai d’un mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Le tribunal administratif « a, d'une part, dans son article 1er, annulé le règlement intérieur annexé à la délibération n° 2014-A19-217 du 17 mars 2014 en tant qu'il opère une comptabilisation des arrêts de travail, maladie et accident de travail à hauteur de 4,87 heures de travail effectif au-delà du quatrième jour d'arrêt maladie et, d'autre part, dans son article 2, rejeté le surplus de la demande ».

La juridiction d’appel a infirmé le jugement qui a rejeté « la demande du syndicat autonome SPP-PATS 45 dirigée contre la délibération n° 2014-A19-2 du 17 mars 2014 et le règlement qui y est annexé en ce qu'ils régissent le régime des astreintes des sapeurs-pompiers professionnels postés logés, d'autre part, annulé cette délibération et le règlement intérieur qui y est annexé dans la même mesure et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la requête du syndicat autonome SPP-PATS ».

Le SDIS a tenté de former un pourvoi qui s’est soldé par un rejet. Le Conseil d’État a jugé que les juges du fond n’avaient pas commis d’erreur de droit. L’arrêt de la cour administrative d'appel bénéficie dès lors de l’autorité de chose jugée (CAA Nantes 19 octobre 2018, n° 17NT00382).

(CE 19 décembre 2019, n° 426416, Syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés (SPP-PATS) c/ SDIS)

 

 

LÉGALITÉ ADMINISTRATIVE

 

Acte administratif

Arrêté « anti-pesticide »

 

Par un arrêté du 17 mai 2019, le maire d’Audincourt a interdit l’utilisation de tout produit contenant du glyphosate sur l’ensemble du territoire de sa commune.

Le juge des référés du Tribunal administratif de Besançon, saisi par le Préfet de Doubs, a annulé ladite décision pour incompétence matérielle (l’auteur intervient dans une matière étrangère à ses attributions).

Sans surprise, les juges administratifs d’appel ont confirmé le jugement. La règlementation des produits phytopharmaceutiques relève de la police spéciale laquelle a été attribuée « selon les cas, aux ministres chargés de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation ou au préfet de département ».

Le maire conserve toujours la possibilité d’user de ses pouvoirs de police générale en cas de « carence temporaire des autorités détentrices de la police spéciale de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques » mais encore faut-il démontrer l’existence d’un « danger grave et imminent » justifiant l’intervention en urgence du maire, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Cette décision est conforme à la jurisprudence du Conseil d’État (CE 12 juin 2019, n° 415426-415431, cf. veille juridique n° 2019-10).

(CAA Nancy 3 décembre 2019, n° 19NC02902, Préfecture de Doubs c/ commune d’Audincourt)

 

Police administrative

Arrêté de péril

 

Dans le cadre de ses pouvoirs de police générale, le maire peut prendre un arrêté de péril en vertu des dispositions des articles L.511-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation (CCH).

L’article L.511-1 du CCH prévoit que « le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2 ».

Il peut entreprendre des mesures provisoires. L’article L.511-3 du même code dispose que « en cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate ».

Les dispositions ont vocation à s’appliquer « lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres » à la différence des articles L.2212-2 et L.2214 du code général des collectivités territoriales où « le danger menaçant un immeuble résulte d’une cause qui lui est extérieure ».

En l’espèce, après un « assaut des forces de l’ordre [dans un immeuble à Saint-Denis] en raison de la présence en ses murs de personnes supposément impliquées dans les attentats », le maire a d’abord pris un arrêté portant évacuation de l’immeuble.

Une expertise judiciaire a conclu « à l’existence d’un péril imminent sur cet ensemble immobilier », ce qui a obligé l’élu à émettre un arrêté de péril imminent fondé sur les articles L.511-1 et suivants du CCH.

Les propriétaires de l’immeuble ont saisi la juridiction administrative en vue de l’annulation des arrêtés.

Le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

La Cour administrative d’appel de Versailles a écarté l’ensemble des arguments invoqués par les requérants et a ainsi confirmé le jugement.

D’une part, les juges d’appel ont reconnu que le maire de Saint-Denis avait usé de bons fondements juridiques, à savoir les dispositions du CCH. Pour eux, même si « l’immeuble a fait l’objet d’un assaut exceptionnel des forces de l'ordre ayant impliqué plus d'une centaine de policiers et ayant exigé de nombreux tirs et lancers de grenades offensives dont l'explosion a pu contribuer à la dégradation de l'immeuble décrite dans le rapport de l'expert diligenté par le juge du référé mesures utiles du Tribunal administratif de Montreuil, il ne résulte pas de l'instruction, nonobstant l'existence incontestable d'un impact sur l'état des bâtiments de l'assaut en raison, notamment des effets des explosifs, que le péril affectant l'immeuble et à l'origine de l'arrêté litigieux aurait été constitué dans le cas d'un assaut comparable mené sur un immeuble normalement entretenu de sorte que le danger doit être regardé comme trouvant son origine prépondérante dans une cause inhérente à l'immeuble ».

D’autre part, il a été jugé que les mesures prononcées par le maire étaient nécessaires et proportionnées.

(CAA Versailles 5 novembre 2019, n° 16VE03443, Mme N… et autres c/ commune Saint-Denis)

 

 

RESPONSABILITÉ

 

Responsabilité

Responsabilité administrative

Carence du maire

 

En tentant de regagner à pied leur domicile situé sur le territoire de la commune d’Oletta, un couple de riverains est décédé par noyade, emporté par le courant d’un ruisseau de crue.

Les enfants ont saisi la juridiction administrative afin de surmonter le refus qui leur ont été opposés par le maire de réaliser « la réalisation des travaux de viabilisation et de sécurisation du chemin communal d'accès au lotissement de l'Orinajo ».

Les ayants droit ont été déboutés aussi bien en première instance qu’en appel. En effet, pour engager la responsabilité administrative de l’élu pour carence encore faut-il « rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l’ouvrage public et le dommage dont il se plaint ». Cette preuve repose sur « l’usager, victime d’un dommage survenu sur un ouvrage public ».

La difficulté a été relevée par les procès-verbaux de la Gendarmerie nationale en ce qu’il est « impossible de déterminer si l’accident est survenu alors que les parents des requérants empruntaient la voie communale ou le chemin privé lorsqu’ils ont tenté de rejoindre à pied leur propriété ».

De plus, les juges d’appel ont considéré que les victimes ont « commis une grave faute d’imprudence en s’engageant à pied, de nuit et sans visibilité, sur une voie submergée par la crue d’un ruisseau provoquée par de violentes intempéries ».

Pour les juges administratifs, il ne fait nul doute que cette faute constitue « la cause exclusive de l’accident ».

Ils ont ainsi conclu que « la responsabilité de la commune n'est donc pas engagée, que ce soit sur le terrain du défaut d'entretien normal de la voie communale, dont l'accès était au demeurant barré ainsi que cela a également été exposé au point précédent, ou sur celui d'une carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale qui aurait tenu à l'absence de réalisation de travaux de viabilisation et de sécurisation de cette voie et du chemin privé menant au lotissement ».

(CAA Marseille 28 novembre 2019, n° 18MA04546, MM. A… et B… C… c/ commune d’Oletta)

lien externe
-
Fichier
-