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L’actualité jurisprudentielle en matière de sécurité civile

Nom de l'expert
Touache
Prénom de l'expert
Alexia
Fonction de l'expert
Elève-avocate - CERISC
Chapo du commentaire
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Texte du commentaire

Présentation :

Un petit tour d’horizon sur les derniers arrêts qui ont marqué l’actualité juridique s’impose.

Une fois encore, les juges ont été amenés à trancher sur des problématiques relatives à la gestion des ressources humaines. Il s’agit d’un domaine sensible qui génère un certain nombre de contentieux.

Les permis de construire sont régulièrement attaqués soit par des particuliers, soit par la préfecture elle-même. Le juge administratif est amené à opérer un contrôle de légalité qu’il effectue de manière minutieuse comme le montre l’arrêt du 21 octobre 2019.

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DISCIPLINE

 

Sanctions

Blâme

 

Un sapeur-pompier professionnel s’est vu infliger un blâme par son employeur, un SDIS.

Par un jugement en date du 5 novembre 2018, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l’annulation du blâme.

Les juges d’appel ont également rejeté sa requête non sur le fond mais uniquement sur la forme. Celui-ci n’a pas transmis de mémoire complémentaire comme il avait annoncé dans les délais requis.

Le Conseil d’Etat a donné raison aux juges du fond qui n’ont pas accueilli la demande. Selon les hauts magistrats, « le président de la troisième chambre de la cour administrative d'appel de Lyon ne pouvait rejeter cette requête comme manifestement dépourvue de fondement, sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sans attendre la production du mémoire complémentaire annoncé dont il lui appartenait, le cas échéant, d'ordonner la production sous peine de désistement d'office sur le fondement de l'article R. 612-5 » du code de la justice administrative.

Cette arrêt illustre toute l'importance du respect de la procédure administrative. L'égalité entre les parties constitue un droit fondamental (article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme relatif au procès équitable).

(CE 21 octobre 2019, n° 428951, M. B… A… c/ SDIS)

 

 

STATUT

 

 

Rémunération

Allocation, rente, indemnité

Diminution de l’indemnité d’administration et de technicité

 

Un sapeur-pompier professionnel a saisi le Tribunal administratif de Strasbourg en vue de contester l’arrêté du président du service départemental du 20 janvier 2014. Ce sapeur-pompier, tout juste nommé au grade de caporal a bénéficié de l’indemnité d’administration et de technicité diminuée de 0,3 point au titre de l’année 2014.

Il a relevé appel du jugement qui a rejeté sa demande.

Le conseil d’administration du SDIS, par une délibération du 10 décembre 2012 fixant le régime indemnitaire des sapeurs-pompiers et des personnels administratifs et techniques, a déterminé les conditions d’attribution de l’indemnité d’administration et de technicité. Ainsi, « Le taux de 0,6, prévu au titre du respect de la hiérarchie, des autorités et du public, est réduit de 0,3 point pour un premier rappel à l'ordre écrit et de 0,6 point en cas de second rappel à l'ordre écrit ».

L’indemnité du caporal a été réduit à 0,3 point après avoir reçu un rappel à l’ordre écrit où il est reproché à ce sous-officier d’avoir oublié, lors d’une nuit, de refermer le portail après le passage d’un véhicule d’intervention, ce qui a permis à une personne extérieure de s’introduire dans les locaux de la caserne.

Les juges d’appel ont tenu à rappeler que « Si l'autorité hiérarchique peut se fonder sur la manière de servir et prendre notamment en compte les rappels à l'ordre écrits adressés aux agents pour moduler le montant des primes liées à la valeur et à l'action des intéressés, elle ne peut se dispenser, à cette occasion, d'un examen individuel global des mérites de chacun ». De plus, « La circonstance que cette diminution intervient à l'issue de l'entretien annuel d'évaluation n'est pas de nature à lui retirer son caractère automatique, dès lors que les chefs de centre ou de service concernés ne disposent d'aucune marge d'appréciation ».

Par conséquent, la requête du sapeur-pompier a été jugée fondée. Le jugement a donc été annulé.

(CAA Nancy 19 novembre 2019, n° 17NC02985, M. C… E… c/ SDIS)

 

Temps de travail effectif

Normes européennes

 

Un sapeur-pompier qui, bénéficiait d’un logement en caserne au sein d’un SDIS, s’est vu refuser par son employeur une indemnisation résultant du préjudice qu’il estime avoir subi. En effet, il a été contraint, selon lui, d’effectuer pendant les années 2009 à 2013 un volume d’heures de travail annuel excédant les limites posées par la réglementation européenne.

Le Tribunal administratif d’Orléans a rejeté la demande indemnitaire.

Avant de trancher, la Cour administrative d’appel de Nantes a opéré son contrôle conventionnel (vérification de la conformité des règles nationales au regard du droit communautaire).

Ainsi, la durée du travail effectif comprend, selon le décret du 12 juillet 2001 : « 1. Le temps passé en intervention ; 2. Les périodes de garde consacrées au rassemblement qui intègre les temps d'habillage et déshabillage, à la tenue des registres, à l'entraînement physique, au maintien des acquis professionnels, à des manœuvres de la garde, à l'entretien des locaux, des matériels et des agrès ainsi qu'à des tâches administratives et techniques, aux pauses destinées à la prise de repas ; 3. Le service hors rang, les périodes consacrées aux actions de formation définies par arrêté du ministre de l'intérieur dont les durées sont supérieures à 8 heures, et les services de sécurité ou de représentation ».

Ce même décret prévoit que « Compte tenu des missions des services d'incendie et de secours et des nécessités de service, un temps de présence supérieur à l'amplitude journalière prévue à l'article 2 peut être fixé à 24 heures consécutives par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours après avis du comité technique (...) ».

Les astreintes sont comptabilisées dans le temps de travail effectif.

Une directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, d’application directe en droit interne, précise que « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs : a) la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux ; b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires ».

Cette directive impose des seuils et des plafonds : le temps de travail ne peut excéder 48 heures pour chaque période de 7 jours.

Les juges d’appel ont considéré qu’en « prévoyant une durée du temps de travail annuel potentiellement supérieure à 2 256 heures pour les sapeurs-pompiers logés, les dispositions du règlement intérieur du SDIS (…), prises par application de l'article 5 du décret du 31 décembre 2001, méconnaissent le seuil communautaire de 48 heures hebdomadaires tel que défini par l'article 6 de la directive du 4 novembre 2003 (…) ».

Le jugement a donc été annulé.

(CAA Nantes 23 novembre 2018, n° 16NT03776, M. E… A… c/ SDIS)

 

 

LEGALITE ADMINISTRATIVE

 

Acte administratif

Permis de construire

 

Un propriétaire a demandé la délivrance d’un permis de construire deux bâtiments agricoles pour loger 200 veaux, vaches allaitantes et génisses.

Sa requête a été rejetée par le maire de la commune par un arrêté du 14 janvier 2014, puis par le Tribunal administratif de Lille le 7 juin 2017.

Le demandeur a interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Douai. La juridiction administrative a opéré un contrôle de légalité au regard des dispositions du règlement annexé au plan d’occupation des sols.

Les juges d’appel ont estimé que l’élu ne démontrait pas que la construction de ces exploitations allait entraîner « un trafic beaucoup plus important qu'actuellement ». La demande se fonde, par ailleurs, sur certaines prescriptions du SDIS de Pas-de-Calais, dans son rapport du 22 octobre 2013. De plus, ils ont constaté que le « chemin d'accès à l'arrière de l'exploitation existe bien et qu'il présente des dimensions suffisantes pour procéder, notamment, à l'évacuation des lisiers par des moyens appropriés ».  

Pour ces raisons, le jugement de rejet a été annulé.

(CAA Douai 21 octobre 2019, n° 17DA01523, M. C… A… c/ Commune d’Hervelinghen)

 

 

RESPONSABILITE

 

Responsabilité administrative pour faute

Harcèlement moral

Etat de handicap

 

Un agent administratif territorial a relevé appel du jugement en date du 9 janvier 2018 lequel a rejeté sa demande. Cet agent se dit victime de faits de harcèlement moral.

En matière de harcèlement, la charge de la preuve est renversée, comme le rappelle les juges du fond :

« Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. »

L’agent public a le sentiment d’avoir été « discriminé dans l'évolution de sa carrière ». Quant au SDIS, il a fait état de difficultés relationnelles depuis 2003 avec ses collègues et responsables de travail malgré un changement de service.

Les juges d’appel ont confirmé le jugement du 9 janvier 2018. Selon eux, le harcèlement moral n’est pas caractérisé. Ils ont par ailleurs estimé que « si l'intéressé justifie de congés de maladie dus à un état anxio-dépressif et de sa qualité de travailleur handicapé reconnue à partir de 2010, il n'apporte pas davantage de démonstration probante de ce que l'administration aurait méconnu les obligations qu'elle a d'assurer la santé et la sécurité de ses agents, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour prendre en compte et cet état et cette qualité ».

(CAA Marseille 5 novembre 2019, n° 18MA00208, M. B… F… c/ SDIS)

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