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L’actualité jurisprudentielle en matière de sécurité civile

Nom de l'expert
Touache
Prénom de l'expert
Alexia
Fonction de l'expert
Elève-avocate - CERISC
Chapo du commentaire
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Texte du commentaire

Présentation :

Les attaques de requins à La Réunion sont anciennes. La majorité des victimes sont des surfeurs. La décision du Conseil d'Etat du 29 novembre 2019 marque toutes les limites des mesures prises par arrêtés pour rendre interdite la baignade hors des zones sécurisées. 

Les juges administratifs de Nancy rappellent, à travers six arrêts du même jour, que les périodes de garde de 24 heures effectuées par les sapeurs-pompiers  doivent être considérées comme du temps de travail et surtout qu'elles sont plafonnées dans l'année. 

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STATUT

Rémunération

Travail effectif

Six sapeur-pompiers professionnels, rattachés auprès d'un SDIS, occupent un logement de fonctions par nécessité absolue de service. Ces sous-officiers ont sollicité de leur employeur, le SDIS, le versement d'une somme d'argent correspondant aux heures de gardes effectuées lesquelles dépassent le maximum légal autorisé à savoir 2 256 heures de travail par an et une indemnité "en réparation du préjudice sur sa santé qu'il estime avoir subi du fait de ces dépassements".

Face au refus formulé par le SDIS, les sapeur-pompiers ont saisi le Tribunal administratif de Strasbourg. Cette juridiction a condamné le SDIS à verser à ses agents une somme correspondant à la rémunération d'un certain nombre de gardes de 24 heures.

Le SDIS a relevé appel de ce jugement.

Les juges administratifs d'appel ont rappelé que si la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003, "qui n'a pas vocation à s'appliquer aux questions de rémunération, ne fait pas obstacle, pour la rémunération des gardes de 24 heures effectuées par les sapeurs-pompiers professionnels, à l'instauration d'équivalences en matière de durée du travail, afin de tenir compte des périodes d'inaction que comportent ces périodes de garde, l'application d'un tel dispositif ne saurait conduire, en revanche, à une inobservation des seuils et plafonds prescrits par la directive pour 1'appréciation desquels les périodes de travail doivent être comptabilisées dans leur intégralité, sans possibilité de pondération".

L'instruction a mis en lumière que "le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle a fixé, à compter du 1er janvier 2008, à 123 gardes de 24 heures le temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels logés, soit 2 952 heures par an".

Les juges ont considéré que "ces périodes de garde, qui font obligation à l'agent concerné de demeurer à domicile ou, à tout le moins, dans l'enceinte du centre d'incendie et de secours, de manière à effectuer un départ immédiat après alerte, restreint très significativement la possibilité pour l'intéressé de se consacrer, au cours de la période considérée, à ses intérêts personnels et sociaux" pour conclure que ces périodes devaient être assimilées à du temps de travail. Ils ont donc jugé que "ces illégalités fautives engagent la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours".

Concernant le paiement des heures de gardes, "les sapeurs-pompiers professionnels logés en casernement ou par nécessité absolue de service ne peuvent percevoir l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires". Par conséquent, "ils ne peuvent davantage prétendre à l'indemnité horaire pour travaux supplémentaires, dès lors que les heures de garde dont le paiement est sollicité n'ont pas été effectuées, à la demande du chef de service, au-delà du temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail fixé par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours".

Ainsi, le cour administrative d'appel a condamné le SDIS pour le non-respect de la réglementation sur le temps de travail.

Et pour certains sapeurs-pompiers, leur demande d'indemnisation au tire du préjudice sur leur santé qu'il estime avoir subi du fait du dépassement du plafond d'heures de travail prescrit par la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 a également été retenue.

(CAA Nancy 4 février 2020, n° 18NC00653, 18NC00685, n° 18NC00655, n° 18NC00654, n° 18NC00651, n° 18NC00652, sapeurs-pompiers professionnels c/ SDIS)

LÉGALITÉ ADMINISTRATIVE

Acte administratif

Installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE)

Par un arrêté en date du 19 mai 2014, pris sur le fondement de l'article L.512-7 du code de l'environnement (installations classées pour la protection de l'environnement), le préfet de la Charente-Maritime a enregistré le projet d'unité de méthanisation et de combustion de la société Méthadoux Energies.

Saisi par une association environnementale, le Tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision.

La Cour administrative d'appel de Bordeaux a infirmé le jugement. Contrairement à la juridiction de première instance, les capacités techniques et financières du pétitionnaire étaient remplies "pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation d'exploitation et de la remise en état du site, au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement".

L'association environnementale avait également pointé du doigt les risques d'explosion et d'incendies que pourrait causer le processus de méthanisation.

Or, il résulte du dossier que "le site devant accueillir l'usine de méthanisation est situé en dehors des périmètres de protection rapprochée d'un captage d'eau destiné à la consommation humaine, à 300 mètres de distance d'un plan d'eau et à plus 300 mètres de la première habitation occupée par des tiers. Ainsi, le projet de la société Méthadoux Energies est sur ce point conforme à la réglementation qui lui est applicable".

De plus, le dossier détaille "les dispositifs destinés à assurer la prévention des incendies, les moyens d'alerte et de lutte contre de tels risques et la résistance des matériaux au feu". Ainsi, conformément à l'article 11 de l'arrêté du 12 août 2010 qui impose à l'exploitant d'identifier les zones présentant un risque de présence d'une atmosphère explosive (ATEX), "la société Méthadoux Energies a élaboré un plan identifiant la position des zones ATEX et identifié dans sa demande tous les équipements susceptibles de favoriser un risque d'explosion". Sans oublier que la société a "prévu la mise en oeuvre d'une procédure dite " permis de feu " qui consiste pour l'exploitant à obtenir du centre national de prévention et de protection une autorisation pour tous travaux situés en " points chauds " de l'usine".

Le jugement a donc été annulé.

(CAA Bordeaux 24 février 2020, n° 19BX01141, société Méthadoux Energies et du ministre de l'environnement c/ association solinoise de protection de l'environnement)

Une société a été autorisée, par un arrêté du préfet de la Meuse du 14 septembre 2001 pris au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, à exploiter une usine de fabrication de pièces en caoutchouc sur le territoire de la commune de Verdun. Après modification de son exploitation, le préfet de la Meuse a, par un arrêté du 20 mars 2015, prononcé le reclassement de l'exploitation sous le régime de la déclaration et fixé les prescriptions spéciales qui s'imposent à elle.

La société a contesté ces deux décisions devant le Tribunal administratif de Nancy qui les annulées et a, dans le même temps, délivré le récépissé de déclaration demandé.

Le ministère chargé de l'environnement a interjeté appel devant la Cour administrative d'appel de Nancy laquelle l'a débouté de ses demandes.

Le Conseil d’État a, quant à lui, annulé l'arrêt d'appel et a renvoyé l'affaire devant la Cour administrative d'appel de Nancy. Ainsi, cette juridiction d'appel a à se prononcer pour la seconde fois sur cette affaire.

Après avoir indiqué le régime juridique applicable en matière d'ICPE, les juges administratifs ont estimé que "c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté pris par le préfet après la réception de la déclaration de l'installation de la société Borflex-Cafac-Bajolet au seul motif qu'il se présentait comme un arrêté complémentaire de celui qui avait auparavant autorisé son exploitation".

Le jugement du tribunal administratif a donc été annulé.

Par cet arrêt, la cour d'appel se conforme à la position du Conseil d'Etat qui avait jugé que les premiers juges du fond avaient opéré une mauvaise application de la loi.

En effet, lorsqu'une ICPE est modifiée de telle sorte que "l'exploitant a la faculté de déposer un dossier de déclaration en application de l'article R. 512-47 du code de l'environnement". Saisi de cette déclaration, le préfet a la possibilité de "délivrer au déclarant un récépissé et de lui communiquer une copie des prescriptions générales désormais applicables à l'installation" mais aussi "en complément des prescriptions générales, imposer à l'exploitant des prescriptions complémentaires et spéciales".

(CAA Nancy 28 janvier 2020, n° 19NC02007, ministère chagé de l'environnement c/ société Borflex-Cafac-Bajolet)

Par un arrêté du 16 octobre 2014, le Préfet de la Haute-Saône a autorisé la société Eole Res, devenue Res à exploiter un parc de dix éoliennes sur les territoires des communes d'Andelarre, Baignes, Mont-le-Vernois et Rosey.

Une association environnementale a vu sa requête en annulation rejetée aussi bien devant le Tribunal administratif de Besançon que la Cour administrative d'appel de Nancy.

Cette espèce permet au Conseil d’État de remettre en cause une nouvelle fois l'autonomie de l'Autorité environnementale.

Selon lui, "lorsque le préfet de région est l'autorité compétente pour autoriser le projet, en particulier lorsqu'il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région, ou dans les cas où il est en charge de l'élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, si la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable[...], peut être regardée comme disposant, à son égard, d'une autonomie réelle lui permettant de rendre un avis environnemental dans des conditions répondant aux exigences résultant de la directive, il n'en va pas de même des services placés sous son autorité hiérarchique, comme en particulier la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL)".

La Haute juridiction a également précisé les conditions de l'autonomie : "les exigences de la directive, tenant à ce que l'entité administrative appelée à rendre l'avis environnemental sur le projet dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, ne peuvent être regardées comme satisfaites lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et que l'avis environnemental émis par le préfet de région a été préparé par la même direction, à moins que l'avis n'ait été préparé, au sein de cette direction, par le service mentionné à l'article R. 122-21 du code de l'environnement qui a spécialement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales".

L'arrêt de la cour d'appel a donc été annulé.

(CE 5 février 2020, n° 425451, association "des Evêques aux cordeliers" c/ préfecture de la Haute-Saône)

Police administrative

Police des baignades et des activités nautiques

Un surfeur a été victime d'une attaque de requin à moins de 300 mètres du rivage et dans le périmètre de la réserve naturelle nationale marine de La Réunion. 

Il a demandé, avec son épouse et ses fils, au Tribunal administratif de La Réunion de condamner l'État à leur verser une somme d'argent en réparation du préjudice. 

Face au rejet de leur demande devant les juges du fond, ils ont formé un pourvoi en cassation. 

Au titre de ses pouvoirs de police des baignades et des activités nautiques, le maire de Saint-Leu avait pris un arrêté du 1er mars 2011 concernant la réglementation de la baignade sur la partie du rivage où s'est déroulé l'accident.

Dans cet arrêté, cette zone de baignade était considérée comme " un site dangereux, dont l'accès ne pouvait se faire qu'aux risques et périls de la population". L'arrêté interdisait en outre la baignade. Un panneau sur lequel était mentionné "baignade interdite, site dangereux, accès à vos risques et périls ".

La Haute juridiction a approuvé le raisonnement des juges du fond qui ont considéré que "l'autorité municipale ayant rempli l'obligation d'information qui lui incombait, il ne pouvait être reproché au préfet de La Réunion de n'avoir pas usé du pouvoir de substitution qu'il tient des dispositions de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales".

(CE 22 novembre 2019, n° 422655, MM et Mme A... c/ Etat)

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