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L’actualité jurisprudentielle en lien avec la sécurité civile et l’épidémie de Covid-19

Nom de l'expert
Touache
Prénom de l'expert
Alexia
Fonction de l'expert
CERISC
Chapo du commentaire
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Texte du commentaire

Présentation :

Deux décisions retiendront particulièrement l’attention :

- sans surprise, le Conseil constitutionnel a validé la loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire ;

- le Conseil d’État a condamné pour la deuxième fois l’État par une astreinte record pour la pollution de l’air.

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CONSTITUTIONNALITÉ

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Le Conseil constitutionnel a été saisi sur le fondement de l’article 61 de la Constitution par au moins 60 sénateurs.

Le Conseil a considéré qu’en habilitant le Premier ministre à « réglementer ou interdire sous certaines conditions la circulation des personnes et des véhicules ainsi que celle des moyens de transport collectif » du 11 juillet jusqu’au 30 octobre 2020, le gouvernement a instauré une limitation justifiée et proportionnée au principe d’aller et venir au regard de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. En effet, ce sont les personnes qui propagent le virus.

De même, dès lors que les mesures de sécurité sanitaire ne peuvent être mises en place, les sages de la rue de Montpensier ont approuvé que le Premier ministre puisse « ordonner la fermeture provisoire de certaines catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion ». Cette mesure ne porte pas « au droit d'expression collective des idées et des opinions une atteinte qui ne serait pas nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé ».

Enfin, des sanctions sont prévues en cas de non respect de la réglementation ou des interdictions décrétées par le gouvernement. Le citoyen peut se voir condamner à une ou plusieurs contraventions de quatrième classe voire à une peine délictuelle lorsqu’il est commis, dans les trente jours précédents, trois autres violations de la même obligation ou interdiction ont déjà été verbalisées. Là-encore pour les membres du Conseil, les termes sont suffisamment précis pour ne pas méconnaître le principe de légalité des délits et des peines.

Ce texte a été jugé conforme au bloc de constitutionnalité.

(CC 9 juillet 2020, n° 2020-803 DC, loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire)

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RESPONSABILITÉ

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Responsabilité administrative

Inaction

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Dans sa décision du 12 juillet 2017 (n° 394254), le Conseil d’État avait condamné l’État pour ne pas avoir appliqué les dispositions de l’article 23 de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe. Il avait également enjoint à l’État « de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, pour chacune des zones énumérées au point 9 des motifs de cette décision, un plan relatif à la qualité de l’air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d’azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l’article R. 221-1 du code de l’environnement dans le délai le plus court possible et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018 ».

De nombreuses associations, personnes physique et commune ont saisi le Conseil d’État afin qu’il constate que sa décision de 2017 n’a pas été exécutée à la date du 31 mars 2018.

L’article 23 de la directive européenne de 2008 prévoit que « les États membres doivent notamment veiller à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations, d’une part, les niveaux de particules fines PM10 dans l’air ambiant ne dépassent pas 40 µg/m3 en moyenne par année civile et 50 µg/m3 par jour plus de 35 fois par année civile, cette obligation étant en vigueur en vertu de textes antérieurs depuis le 1er janvier 2005, et, d’autre part, les niveaux de dioxyde d’azote ne dépassent pas 40 µg/m3 en moyenne par année civile, au plus tard à compter du 1er janvier 2010 ».

De plus, ce texte dispose qu’en « cas de dépassement de ces valeurs limites après le délai prévu à cette fin, les États membres doivent établir des plans relatifs à la qualité de l’air prévoyant « des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible » et contenant « au moins les informations énumérées à l’annexe XV de la directive » ».

Dans sa décision du 24 octobre 2019, la CJUE avait aussi constaté les manquements de la France. Elle lui a reproché d’avoir « dépassé de manière systématique et persistante la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote depuis le 1erjanvier 2010 », soit depuis 7 années consécutives. La Cour avait considéré que « la France [n’avait] pas mis à exécution des mesures appropriées et efficaces pour que la période de dépassement des valeurs limites pour le dioxyde d’azote soit la plus courte possible, au sens de la directive ».

Les conseillers d’État ont observé que « si la moyenne annuelle maximale de concentration de ce polluant a diminué entre 2016 et 2018 pour neuf » des 12 zones administratives de surveillance (ZAS), « la valeur limite de concentration en moyenne annuelle civile [...] demeurait dépassée dans dix d’entre elles en 2018, dernière année pour laquelle le Gouvernement a fourni [à la juridiction administrative] des mesures complètes définitives ». Ces dépassements persistent au-delà de 2018 au regard des données provisoires de l’année 2019.

Ensuite, il est relevé que le gouvernement a effectivement quatorze feuilles de route à la Commission européenne le 13 avril 2018 contenant une liste d’actions à mener. Néanmoins le gouvernement se garde bien d’afficher le moindre objectif à atteindre pour obtenir un air plus sain.

Face à l’inaction des gouvernements successifs, la Haute juridiction administrative a décidé de hausser le ton. Elle a donc jugé qu’ « eu égard au délai écoulé depuis l’intervention de la décision dont l’exécution est demandée, à l’importance qui s’attache au respect effectif des exigences découlant du droit de l’Union européenne, à la gravité des conséquences du défaut partiel d’exécution en termes de santé publique et à l’urgence particulière qui en découle, il y a lieu, dans les circonstances de l’affaire, de prononcer contre l’État, à défaut pour lui de justifier de cette exécution complète dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 10 millions d’euros par semestre jusqu’à la date à laquelle la décision du 12 juillet 2017 aura reçu exécution, étant rappelé que ce montant est susceptible d’être révisé à chaque échéance semestrielle à l’occasion de la liquidation de l’astreinte ».

(CE 10 juillet 2020, n° 428409, association Les amis de la terre France et autres)

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STATUT

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Accident de service

Disponibilité d’office

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Un SPP a demandé demandé au Tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, l'arrêté du 27 avril 2017 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail entre le 4 mars 2015 et le 30 avril 2017 et, d'autre part, l'arrêté du 27 juin 2017 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes l'a placé en disponibilité d'office pour raisons de santé.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement en estimant que les premiers juges ont correctement motivé leur décision. Le requérant sapeur-pompier souffrait depuis 2015 d’un état dépressif sévère dont il n’a pas réussi à rapporter la preuve que « cette maladie aurait été occasionnée de façon directe et certaine par son activité professionnelle ». Il a invoqué un fait traumatisant (un accident de train survenu en 2000) trop lointain pour établir un lien de causalité.

(CAA Bordeaux 6 juillet 2020, n° 18BX03084, M. A… D…)

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Un sapeur-pompier a demandé au Tribunal administratif de Pau de condamner l’État à lui verser des indemnités en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 5 juillet 2012 par laquelle le commandant des sapeurs-pompiers de Paris a mis fin à sa mise à disposition de la base d'hélicoptères de la sécurité civile de Bordeaux et l'a affecté à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a rappelé qu’en vertu des dispositions du code de la défense que « lorsqu'il est mis fin à la mise à disposition d'un militaire, celui-ci doit être affecté dans un emploi de son grade ». En l’espèce, « le ministre de l'intérieur avait demandé, par sa décision du 2 mai 2012, la réintégration [du militaire] au sein des effectifs de la BSPP, ce qui impliquait la fin de la mise à disposition de l'intéressé auprès des services du ministère de l'intérieur, le général commandant la BSPP était tenu de l'affecter sur un emploi de son grade, ce qu'il a fait par la décision du 5 juillet 2012 affectant [le militaire] au bureau prévention de la BSPP et mettant fin à sa mise à disposition au profit du ministère de l'intérieur ».

Pour les juges du fond, cette décision était justifiée et ne saurait être interprétée comme une sanction déguisée.

La requête du sapeur-pompier a été une nouvelle fois rejetée.

(CAA Bordeaux 2 juillet 2020, n° 18BX03300, M. B… D...)

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