Portail National des Ressources et des Savoirs

Actualité jurisprudentielle

Nom de l'expert
A. Touache & F. Trombetta
Prénom de l'expert
-
Fonction de l'expert
CERISC
Chapo du commentaire
-
Texte du commentaire

Présentation :

Trois nouvelles décisions du Conseil d’Etat rendues le même jour ont attiré notre attention dont deux tout particulièrement ; elles apportent des précisions importantes concernant l’application du temps de travail aux agents autorisés à exercer à temps partiel.

A noter que le Conseil constitutionnel a validé le projet de loi organique relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la constitution.

----------

.

.

CONSTITUTIONALITE

.

.

  • Le Conseil constitutionnel a validé le projet de loi organique relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la constitution.

----------

Dans le cadre de son contrôle a priori, le Conseil constitutionnel a été saisi du projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution.

Ce texte a pour objet de modifier « les articles L.O. 1113-1 à L.O. 1113-7 du code général des collectivités territoriales relatifs aux conditions dans lesquelles les collectivités territoriales peuvent, sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, déroger, à titre expérimental, aux dispositions législatives ou réglementaires régissant l'exercice de leurs compétences ».

Le Conseil constitutionnel a rappelé au préalable qu’aucune « exigence constitutionnelle n'impose que le caractère exécutoire des actes des collectivités territoriales dépende, dans tous les cas, de leur transmission au représentant de l'Etat ». Pour lui, « la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 est satisfaite dès lors que, outre la faculté pour les intéressés de saisir le juge administratif, le représentant de l'Etat a la possibilité d'exercer un contrôle de légalité ». Néanmoins, « il appartient au législateur de mettre le représentant de l'Etat en mesure de remplir en toutes circonstances les missions que lui confie le dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution, notamment en ayant recours à des procédures d'urgence ».

Plusieurs dispositions étaient contestées. L’article 2 qui autorise les collectivités territoriales qui remplissent les conditions à décider de cette participation directement par une délibération sans faire l’objet d’un contrôle préalable de l’Etat. Il est prévu dans le texte, que « le représentant de l'Etat peut assortir d'une demande de suspension son recours dirigé contre cette délibération », ce qui entraîne que durant toute la procédure (de la saisine jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle), la délibération ne peut plus produire ses effets.

De même, l’article 6 autorise « temporairement, dans un but expérimental, les collectivités territoriales à mettre en œuvre, dans leur ressort, des mesures dérogeant à des dispositions législatives et susceptibles d'être ultérieurement généralisées » et ce par dérogation à l’article 34 de la Constitution et au principe d’égalité devant la loi. Le Conseil valide cette disposition car elle est encadrée dans le temps.

En raison des garanties autour de ces dispositions, le Conseil a jugé le projet de loi conforme au bloc de constitutionnalité.

(CC 15 avril 2021 n° 2021-816 DC, Loi organique relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la constitution)

.

.

PROCEDURE

.

.

Contentieux administratif

.

  • La cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu un arrêt le 15 avril 2021 relatif à la qualité à agir de la personne représentant le SDIS.

----------

Un attaché principal exerçant des fonctions de chef de groupement dans un service départemental d’incendie et de secours (SDIS), a fait l’objet à la suite de son entretien professionnel, d’un compte rendu d’entretien établi et signé par le directeur du SDIS. L’agent a contesté cette évaluation devant un tribunal administratif lequel lui a donné raison.

Le SDIS a interjeté appel du jugement. La cour administrative d’appel ne s’est pas prononcée sur le fond mais uniquement sur la forme. L'action en justice est un droit pour toute personne (physique comme morale) : il s’agit du droit au juge. Néanmoins ce droit est soumis au respect de conditions de recevabilité que sont l'existence de droits, l’intérêt et la qualité à agir. Le défaut d’une de ces conditions entraîne une fin de non-recevoir.

En l’espèce, une personne s’est présentée comme « Agissant par le Président de son Conseil d'administration » alors même que « ce dernier n'avait pas qualité pour représenter cet établissement ». Il a été demandé par le greffe de la Cour de régulariser la situation dans un délai réparti (15 jours).

Face à l’absence de réponse de la part du SDIS, la juridiction d’appel a déclaré sa requête irrecevable pour défaut de qualité d’agir. 

(CAA BORDEAUX 15 avril 2021, n° 19BX04142, SDIS, Inédit au recueil Lebon)

.

.

LEGALITE ADMINISTRATIVE

.

.

Acte administratif

.

  • Les 3 et 8 chambres réunies du Conseil d’Etat ont rejeté la requête d’une fédération qui demandait l’abrogation du e) de l'article R.1424-59 du code général des collectivités territoriales relatif à la composition de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours

----------

La Fédération Interco-CFDT a soumis à la juridiction suprême d’une requête en excès de pouvoir visant l’annulation, « d'une part, la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du e) de l'article R.1424-59 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue du décret n° 2018-1269 du 26 décembre 2018, relatif à la composition de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours et, d'autre part, la décision implicite de rejet de sa demande de retrait de l'arrêté du 6 août 2019 portant nomination au sein de cette Conférence ».

Le Conseil d’Etat a rappelé que tout travailleur bénéficie de la liberté syndicale, reconnue par le préambule de la Constitution de 1946 mais aussi dans les textes européens.

Ce droit se décline par la possibilité pour les SPP d’être représentés au sein du Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS).

Pour affiner ses propos, le Conseil d’Etat opère une distinction entre le CNFPT et la CNSIS qui ont pour mission commune d’examiner les mêmes textes : « le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale est, ainsi que le précise l'article 8 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, l'instance représentative de cette fonction publique, laquelle représente environ 1,8 millions d'agents, tandis que les comités techniques des services d'incendie et de secours sont élus par un corps électoral essentiellement composé par les quelques 40 000 sapeurs-pompiers professionnels ».

Pour autant, le Conseil d’Etat a estimé que « le pouvoir réglementaire a pu, sans méconnaître les dispositions précitées ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'exigence de représentativité, prévoir, au e) de l'article R. 1424-59 du code général des collectivités territoriales, que les organisations syndicales appelées à désigner des représentants des sapeurs-pompiers professionnels au sein de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours ne seraient pas celles qui siègent au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, alors même que la première est susceptible d'examiner les mêmes textes que la seconde, mais les organisations syndicales qui sont arrivées en tête, en nombre de sièges, aux élections des comités techniques des services d'incendie et de secours ».  

La requête de la Fédération Interco-CFDT a été rejetée.

(CE, 3ème - 8ème chambres réunies, 16 avril 2021, n° 439226, Fédération Interco-CFDT, Inédit au recueil Lebon)

.

.

STATUT

.

.

Temps de travail

.

  • Deux arrêts d’appel ont été annulés au motif qu’ils n’ont pas pris en compte la particularité liée au travail à temps partiel.

----------

Dans deux requêtes distinctes, le Conseil d’Etat a eu à répondre, de nouveau, à une question relative au temps du travail des SPP. Deux SPP reprochent à leur employeur, le SDIS d’avoir méconnu la durée maximale du temps de travail telle qu’énoncée dans la directive européenne n° 2003/88 du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail. 

La Haute juridiction a énoncé qu’aussi bien le régime du temps d’équivalence que la durée annuelle du temps de travail à savoir 1 607 heures par an (travail à plein temps) ou la durée équivalente à cette durée (travail à temps partiel) n’ont pas vocation à s’appliquer aux SPP travaillant à temps partiel.

Elle a donc estimé qu’en « jugeant qu'eu égard à son objet, le régime d'équivalence des sapeurs-pompiers professionnels s'applique aux agents autorisés à effectuer un service à temps partiel, dont la quotité est alors déterminée au prorata de la durée du travail reconnue équivalente pour les agents effectuant leur service à temps plein, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ».

Le Conseil d’Etat a ordonné l’annulation des deux arrêts attaqués et a renvoyé lesdits affaires devant la cour administrative d’appel de Lyon.

Ces deux décisions sont très intéressantes ; c’est la première fois que la juridiction administrative se prononce sur l’application des règles relatives au temps du travail à des agents autorisés à exercer à temps partiel.

(CE , 3ème - 8ème chambres réunies, 16 avril 2021, n° 430402, Inédit au recueil Lebon ; CE, 3ème - 8ème chambres réunies, 16 avril 2021, n° 430465, Inédit au recueil Lebon)

.

  • "L'arrêt du 5 mars 2019 de la cour administrative d'appel est annulé en tant qu'il ne fait pas entièrement droit à la demande [du sapeur-pompier professionnel] tendant au paiement d'heures supplémentaires".

----------

Dans cette affaire, la requête formulée par le SPP est similaire aux deux premières ci-dessus citées. Le SPP a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le SDIS à lui verser des indemnités au titre du non-respect des dispositions relatives à la durée légale du travail.

Le SPP « soutenait en appel que l'application du régime des heures d'équivalence aux sapeurs-pompiers professionnels exerçant à temps partiel était illégal faute d'être prévue par la règlementation ». Le Conseil d’Etat a estimé qu’en ne répondant pas à ce motif, la juridiction d’appel n’a pas exercé sa pleine compétence.

En revanche, il a conforté l’analyse des juges du fond qui ont rejeté la demande de paiement d'heures supplémentaires. Pour les juges du fond, le requérant « n'apportait aucun élément permettant de démontrer que l'application en 2010 et 2011 du régime des sapeurs-pompiers logés en casernement lui avait causé un préjudice, distinct du non-paiement d'heures supplémentaires accomplies, résultant de troubles dans les conditions d'existence dont il serait fondé à demander la réparation ».

Cette décision est dans la continuité de sa jurisprudence.

(CE, 3ème - 8ème chambres réunies, 16 avril 2021, n° 430380, Inédit au recueil Lebon)

lien externe
-
Fichier
-