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Actualité jurisprudentielle

Nom de l'expert
Gallinella
Prénom de l'expert
Fabien
Fonction de l'expert
Docteur en droit et élève-avocat
Chapo du commentaire
Le statut des sapeurs-pompiers professionnels
Texte du commentaire

STATUT

 

 

Radiation

 

L’arrêt concerne ici la radiation d’un caporal SPP suite à sa mise en retraite pour raison de santé – il est à lire en parallèle avec un autre jugement de la CAA pour la même affaire, 21MA027112. La CAA de Marseille vient ici rappeler un principe du code de justice administrative : « L'annulation d'une décision ayant irrégulièrement mis d'office à la retraite un fonctionnaire placé en disponibilité d'office pour raison de santé oblige l'autorité compétente à réintégrer l'intéressé à la date de sa mise à la retraite et à prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et le placer dans une situation régulière, quand bien même cette annulation a été prononcée pour un motif de légalité externe ».

Dès lors, dans notre cas d’espèce, le jugement de première instance attaqué qui avait annulé la radiation ne pouvait pas se contenter de renvoyer au SDIS la possibilité de réexaminer la situation du demandeur. Il aurait fallu que le juge aille beaucoup plus loin et, en cohérence avec le principe rappelé ci-dessus, aurait dû ordonner la « réintégration juridique » du demandeur ainsi que « la reconstitution de sa carrière et son placement dans une situation régulière » à la date de sa radiation – ici, le 1er mars 2019.

Dans l’affaire qui nous occupe cependant, le SDIS n’a pas été condamné car la décision de mise en disponibilité pour raison de santé prise par son président suite à la décision de première instance équivaut, selon le juge d’appel, à une réintégration juridique. Dès lors, aucune injonction de réintégration ne doit être prononcée. Quant au demandeur, au regard de sa situation depuis sa mise en disponibilité d’office pour raison de santé depuis le 25 aout 2015, un arrêté du 18 octobre 2021 précise qu’il ne bénéficiait plus des droits afférents à son statut. Hors, cet arrêté pris suite au jugement de première instance étant postérieur à la radiation du 1er mars 2019, le demandeur n’est plus légitime pour réclamer ces droits avec effet rétroactif.

(CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 07/02/2023, 21MA01251, Inédit au recueil Lebon)

 

 

Accident en service

 

Depuis presque dix ans, un lieutenant des SPP est en conflit avec son SDIS afin de faire reconnaitre sa maladie (lombalgie) comme imputable à son service. La procédure pour reconnaitre l’imputabilité d’une maladie au service implique que le dossier du demandeur soit examiné devant une commission de réforme – depuis fusionnée avec le comité médical pour donner naissance au conseil médical.

Cette affaire est pour nous l’occasion de faire un point rapide sur cet organe nouveau. Encadrés par le décret du 11 mars 2022, le conseil médical est placé auprès du préfet et présidé par un médecin désigné par le représentant de l’Etat. La voix du président est désormais délibérative (et non plus seulement consultative). Le conseil se scinde en deux formations : la formation restreinte et la formation plénière. La première, composée de trois médecins, interviendra, notamment, pour l’autorisation d’une première période de congé en raison d’une affection longue durée, le renouvellement de ces congés, la mise en disponibilité ou le reclassement pour raison de santé. Comme le souligne Me Julien Charre sur son site, il faut remarquer que, désormais, « lorsqu’un congé de maladie ordinaire est supérieur à 6 mois, le conseil médical n’est plus saisi systématiquement. Plus largement, dès lors qu’il y a renouvellement d’un congé de longue/grave maladie ou un congé de longue durée, le conseil médical n’est plus saisi, par principe, mais seulement en cas de passage à demi traitement et la prolongation de l’ultime période de congé ». La seconde formation, plénière, est composée des trois médecins de la formation restreinte ainsi que de quatre représentants élus, deux pour l’administration, deux pour le personnel. La formation plénière est l’héritière de la commission de réforme dont il est justement question dans notre affaire ; elle est compétente pour se prononcer sur la suite de la carrière d’un agent toujours inapte à l’issu de sa dernière période de congés pour affection longue durée.

Dans notre affaire, le demandeur n’a connu que le système antérieur au 11 mars 2022 est a eu à se soumettre – sans succès – au jugement de la commission de réforme. Celle-ci a donné son expertise au SDIS et ce dernier a, en conséquence, rejeté la demande du lieutenant par une décision en date du 23 février 2018. Le 23 novembre 2020 cependant, le TA de Marseille a annulé cette décision du SDIS et a enjoint à ce dernier de réexaminer le cas du demandeur (pour la quatrième fois depuis 2012, ce qui a entrainé des troubles anxio-dépressifs chez le demandeur juridiquement reconnu, confirmé en appel et réparé par le juge à hauteur de 1 500 euros).

Le SDIS fait ici appelle à la CAA de Marseille afin de faire annuler la décision du TA. La conclusion du juge d’appel est très intéressante ici car il analyse le rapport de la commission de réforme et rappelle que celle-ci ne s’est pas prononcée sur le lien entre l’affection du demandeur et son service. Dans son raisonnement, le juge rappelle ensuite le principe suivant : « Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie ». Enfin, il applique ce principe au cas d’espèce pour en déduire que le vice entachant l'avis de la commission de réforme doit être regardé comme ayant privé le demandeur de la garantie qui s'attache à ce que son dossier soit examiné par la commission de réforme « dans les conditions législatives et réglementaires applicables à la date à laquelle elle a statué, et qui impliquaient qu'elle recherche l'existence d'un lien ou l'absence de lien direct entre la maladie de l'intéressé et le service », ce qu’elle n’a pas fait en l’occurrence. Dès lors, le SDIS ne peut pas soutenir que la décision du juge administratif est irrégulière, celui-ci a reconnu avec justesse que le vice (la commission de réforme ne s'est pas interrogée sur le caractère imputable au service de la maladie) a privé le demandeur de ses garanties. Le SDIS est donc débouté de sa demande en annulation du jugement de première instance.

(CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 07/02/2023, 21MA00329, Inédit au recueil Lebon)

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