Portail National des Ressources et des Savoirs

Actualité jurisprudentielle

Nom de l'expert
Gallinella
Prénom de l'expert
Fabien
Fonction de l'expert
Elève-avocat
Chapo du commentaire
-
Texte du commentaire

PROCEDURE

.

.

Contentieux administratif

.             

  • Le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de sa santé tel que prévu par la Charte de l'environnement constitue-t-il une liberté fondamentale susceptible de déclencher un référé liberté fondamentale devant le juge administratif ?

----------

                La question est dense, admettons-le, mais la réponse est capitale pour comprendre l’importance que le juge souhaite accorder à la Charte de l’environnement – et, tout particulièrement, au premier article de ce texte qui consacre « le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».

                En l’espèce, les requérants ont saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Toulon, estimant que le recalibrage d’une route départementale constituait une atteinte à l’environnement. En effet, les requérants possèdent un laboratoire situé en bordure de la route ; laboratoire au sein duquel ils effectuent un travail de recensement d’espèces rares, lesquelles verraient leur habitat menacé par les travaux de recalibrage.

                En première instance, le juge a estimé que la requête n’était pas fondée et les requérants ont donc porté leur revendication devant le Conseil d’Etat. Ce dernier a donc dû dire si les dispositions de l’article 1 de la Charte de l’environnement étaient constitutives d’une liberté fondamentale au sens de l’article l 521-2 du Code de justice administrative ?

                Le Conseil d’Etat répond ici par l’affirmative. Cependant, la nature même de sa décision permet de nuancer la portée de ce choix. En effet, les requérants ont été déboutés ; bien qu’ils étaient en droit de se pouvoir devant le juge des référés, en revanche, sur le fond, les requérants n’ont pas contesté la décision litigieuse dès sa publication IOTA, en décembre 2020 (le caractère urgent n’est donc pas avéré) et, surtout, les requérants n’ont pas versé au dossier d’étude susceptible de prouver que les travaux mettraient en péril leur environnement. Au contraire, les études effectuées pour le compte du département tendent à minorer l’impact environnemental ; les travaux n’étant pas de très grande ampleur, le préfet de région a même estimé qu’il n’était pas nécessaire de procéder à une étude d’impact.

                En conséquence, le juge refuse de faire droit à la suspension demandée.

(Conseil d'État - 2ème et 7ème chambres réunies, 20 septembre 2022, n° 451129)

.

.

RESPONSABILITE

.

.

Responsabilité pénale

.

  • Est-il possible d’être condamné à verser des dommages et intérêts au civil alors que le juge pénal a retenu la légitime défense ?

----------

                Une dispute entre deux époux vire à l’altercation, les deux commettant des actes de violence. Suite à cet épisode, les deux parties portent plaintes l’une contre l’autre. En première instance, seul l’époux a été condamné – le tribunal correctionnel ayant prononcé une peine pénale en plus d’intérêts civils. En appel, la chambre 2-5 de la Cour d’appel de Paris a décidé que l’époux, bien qu’en état de légitime défense puisque c’est sa femme qui a initié la confrontation physique, était néanmoins tenu de dédommager cette dernière. La cour s’affranchissait du principe selon lequel le pénal tient le civil en l’état – choix qui, en soit, n’a rien de blâmable puisque les magistrats jugeant au civil peuvent condamner au civil une personne relaxée au pénal ; les faits incriminés au pénal n’étant pas nécessairement les mêmes que ceux qui ont généré un dommage.

                La question va ici concerner l’opportunité de condamner civilement l’époux. Autrement dit, est-ce que la légitime défense, une fois retenue, exclue toute faute ? La Cour de cassation a choisi de s’en tenir à une lecture stricte de l’article 122-5 du code pénal – lequel défini les conditions et les conséquences de la légitime défense. Pour sa chambre criminelle, la légitime défense exclut toute faute, et le juge d’appel a commis une erreur de droit en estimant que, malgré l’état de légitime défense, l’époux était en faute et ne pouvait donc plus prétendre à une indemnisation. Ainsi, le fait que l’époux ait été impliqué dans une altercation violente, la légitime défense ne le prive pas de son droit à réclamer des dommages et intérêts à l’autre partie.

                Cependant, nuance Méryl Recotillet, maitre de conférence à l’Université catholique de Lyon, la portée de cet arrêt « est néanmoins limitée aux seules dispositions relatives aux demandes présentées par le mis en cause au tire de l’action civile ».

(Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 octobre 2022, 22-80064, Inédit)

.

  • Quel est l’élément matériel constitutif du délit de favoritisme ?

----------

                La Cour de cassation vient rappeler une distinction en apparence subtile mais fondamentale pour les cas de saisies pénales sanctionnant un recel. L’affaire concerne ici un cas de favoritisme dans l’attribution d’un marché public, en l’occurrence la démolition d’un ancien hôpital.

                Quelle distinction opère la chambre criminelle de la Cour de cassation ici ? Elle rappelle que, dans le code pénal, l’attribution d’un marché public ne constitue pas « un élément constitutif du délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics qui est établi par la seule violation de la norme légale ou réglementaire gouvernant la commande publique, le marché proprement dit ne peut être considéré comme l'objet de cette infraction ».

                Dès lors, les juges de la chambre d’instruction de la Cour d’appel d’Orléans ont agi correctement lorsqu’ils ont revu à la baisse le montant des biens saisis à l’un des prévenus. Ainsi, pour estimer le montant illicitement acquis, le juge devait prendre en compte le montant du marché public mais, dit la Cour de cassation, en déduire les charges – salaires, fournitures, etc. En l’occurrence, ce gain résultant de l’attribution du marché public se chiffrait, pour le prévenu, à 66 724 euros et non 687 458 euros. Le bien immobilier que le prévenu aurait acheté avec les fruits du recel du délit ne devait donc pas être saisi.

                En résumé, les juges de la Cour de cassation se font ici les protecteurs du droit de propriété face aux interprétations excessives des articles 131-21 (lequel a déjà été sévèrement étrillé par le Conseil constitutionnel dans deux décisions QPC, n°2021-932 QPC du 23 septembre 2021 et n° 2021-949/950 QPC du 24 novembre 2021) et 321-9 5° du Code pénal : « le juge qui ordonne la saisie en valeur d'un bien appartenant à l'auteur de l'infraction de recel d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics […] doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé pour la partie du produit dont il n'aura pas tiré profit ».

(Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 juin 2022, 21-85671, publié au Bulletin)

 

 

 

 

 

lien externe
-
Fichier
-