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Actualité jurisprudentielle

Nom de l'expert
Edouard
Prénom de l'expert
DESMATS
Fonction de l'expert
CERISC
Chapo du commentaire
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Texte du commentaire
Les jurisprudences présentées ici peuvent être susceptible de recours, c'est à dire faire l'objet d'un nouvel examen par une juridiction supérieure, selon les modalités présentées ici.

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CONDUITE

 
 
Principe d’égalité entre sapeurs-pompiers et ambulanciers

 
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  • Les ambulances ne sont pas des véhicules affectés aux missions de sécurité civile.
  • Les carences ambulancières prises en charge par les sapeurs-pompiers ne peuvent être regardée comme une concurrence déloyale aux sociétés ambulancières.

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Par une directive n° 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006, l'Union européenne est venue uniformiser le système des permis de conduire à l’échelle supra-nationale. Néanmoins, elle envisageait quelques exceptions au profit des véhicules militaires et de sécurité civile. Par un décret du 29 novembre 2019 relatif à la conduite de certains véhicules affectés aux missions de sécurité civile, le Premier ministre va venir mettre en oeuvre cette exception en autorisant la conduite de véhicules de plus de 3,5 T de PTAC aux pompiers titulaires d’un permis B, sous certaines conditions.

 

La Chambre nationale des services d'ambulance (CNSA) et la Fédération nationale de la mobilité sanitaire (FNMS) ont demandé l’annulation de ce décret au Premier ministre. Après le rejet implicite de la demande par ce dernier, ils saisissent le juge administratif. Ils estiment qu’en permettant aux sapeurs-pompiers de conduire notamment les ambulances dites « lourdes », nécessitant en principe la détention d’un permis C ou D, Matignon aurait créé une différence de traitement disproportionnée entre les sociétés d’ambulances et les CIS exerçant des activités de transport dans le cadre de leurs missions de secours à personnes.

 

La requête étant exercée à l’encontre d’un décret ministériel, le Conseil d'Etat est directement saisi. Il va en premier lieu rappeler que le principe d’égalité (fondement de la requête des demandeurs) ne s’oppose pas au traitement différent de situations différentes. En effet, les demandeurs estiment que le décret ministériel a : « institué en leur défaveur une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la mesure ». Or, l'objet de l’exception prévue par la directive est, selon le Conseil, : « d'assurer la continuité des missions de sécurité civile tout en conciliant cette nécessité avec celle d'assurer le respect des principes fondamentaux de la sécurité routière ». Ce dernier constate que la mission de transport sanitaire, c'est-à-dire la mission en principe réservée aux ambulances, excède bien souvent le champs de la sécurité civile. Il apparait donc logique que les ambulances ne bénéficient pas des mêmes facilitées que les sapeurs-pompiers ou les autres véhicules de sécurité civile.

 

La CNSA et la FNMS constatent pourtant que les sapeurs-pompiers exercent bien les mêmes missions que les ambulanciers lorsqu’ils interviennent dans le cadre de carences ambulancière. Elles estiment donc que les décret créé une concurrence déloyale entre les CIS et les sociétés ambulancières. Le Conseil d'Etat va néanmoins rappeler que, comme leur nom l’indique, les carences ambulancières ont vocation à être exercée si, et seulement si, le SMUR se trouve dans l’incapacité de trouver une ambulance privée disponible. Comme cette activité n’est exercée qu’en cas de carrence, elle ne peut être regardée comme une concurrence.

(Conseil d'État, 5ème & 6ème chambres réunies, 12 juillet 2022, req. n°443202)

 

 

DISCIPLINE

 

Procédure

 
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  • L’ordre reçu de ses supérieurs de se raser la barbe n’est pas une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours.
  • La non-saisine du CHSCT lorsqu’elle est prévue, est de nature a entacher l’acte d’une irrégularité substantielle, pouvant conduire à son annulation.

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À la fin du mois de mars 2020, un SIS a imposé, sous forme de consigne orale, le rasage complet de toute pilosité faciale. Cette décision prise dans le cadre de la pandémie de Covid-19 visait notamment à assurer l’étanchéité des masques portés durant le service. Cette décision s’appliquait tant aux sapeurs-pompiers professionnels que volontaires. Au mois d’avril, deux sapeurs-pompiers professionnels qui avaient refusé de se raser complètement, se sont chacun vu appliquer une décision de leur chef de centre qui fit le choix de déprogrammer leurs gardes pour près d’un mois. Les agents ont ensuite été placés en autorisation spéciale d’absence. Saisi, le tribunal administratif compétent va annuler les deux décisions en raison de vice de procédure entachant la consigne orale. Le SIS fait alors le choix d’interjeter appel. Les deux affaires, similaires, serons portées conjointement devant la cour administrative d’appel.

 

Sur la recevabilité des demandes devant les juridictions, le SIS défend que les mesures litigieuses sont des mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours. Hors, depuis près de trente ans, le Conseil d'Etat reconnait la recevabilité des demandes concourant à l’annulation de mesures disciplinaires portant atteinte à une liberté ou un droit protégé (Conseil d'État, Assemblée, 17 février 1995, Hardouin et Marie). Ici, le juge constate que la consigne orale porte atteinte aux choix personnels des intéressés en matière d’apparence physique. Dès lors, il convient d’admettre qu’elle porte atteinte au droit au respect de la vie privée (Article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) et ne peut recevoir, en ce sens, la qualification de mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours. 


En sus, les sanctions prises en conséquence du non respect de la consigne orale sont également susceptible de recours en ce sens que : « Les gardes constituant une composante essentielle des missions confiées aux sapeurs-pompiers professionnels ». De plus, les autorisations spéciales d’absence imposées aux fonctionnaires ne rentrent pas en compte dans le cadre des calculs des congés annuels. Là-encore, le juge administratif va estimer que ces sanctions ne peuvent être regardées comme des mesure d’ordre intérieur insusceptibles de recours.

 

Le juge va ensuite s’intéresser à la régularité de la procédure ayant conduit à la consigne orale prise. Prise en vue de garantir l'étanchéité des masques, la mesure aurait dû, préalablement à son application, être soumise au CHSCT. Néanmoins, cette étape n’ayant pas été réalisée, il convient d’admettre qu’il y a vice de procédure contrairement à ce que soutenait le SIS qui estimait que la mesure ne relevait pas du régime prévu (Article 48 alinéa 1 du décret n°85-603 du 10 juin 1985).


Il est de jurisprudence constante de considérer que les vices de procédures n’ayant pas influé sur la décision finale, ne soient pas pris en compte. Néanmoins, le juge va considérer qu’en l’espèce, l’absence de cette consultation a eu une influence sur la mesure. En effet, contrairement à ce que soutenait le SIS, l’avis favorable émis postérieurement par le CHSCT sur une mesure interdisant le port de la barbe n’était pas de nature à rendre inopérant le moyen fondé sur le vice de procédure en ce sens que la mesure approuvée était « beaucoup moins contraignante puisqu'elle autorisait le port de la moustache et des boucs taillés ». La Cour va donc confirmer l’annulation de cette consigne par le jugement du tribunal administratif.

 

La cour administrative d’appel va ensuite se poser la question de la légalité des décision sanctionnant les deux fonctionnaires. Ayant confirmé l'annulation de la consigne orale par le tribunal administratif, le juge va simplement constater l’absence de fondement de la sanction disciplinaire. Ces décisions individuelles sont donc annulées d’office.

(Cour administrative d’appel de Nancy, 3ème chambre, 05 juillet 2022, n°21NC00980, Inédit au recueil Lebon)

 

 

STATUT

 

Réintégration

 
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  • L'administration est tenue de proposer à l'agent revenant de disponibilité un des trois premier poste correspondant à son grade.
  • L'acceptation d'un poste par un agent revenant de disponibilité ne rend pas automatiquement l'offre formée légale.

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Le Conseil d’État a été amené à se prononcer sur les fautes commises par une collectivité territoriale dans le cadre du traitement de ses demandes de réintégrations après disponibilité. La mise en disponibilité permet aux fonctionnaires de cesser leurs fonctions à titre temporaire pour faire face à des événements particuliers qui s’inscrivent dans le temps long (plusieurs mois ou plusieurs année). Sont notamment prévus les cas dans lesquels l’agent est amené à adopter et/ou élever un enfant, donner des soins ou rejoindre un proche, créer une entreprise, se consacrer à la recherche ou à des études, exercer un mandat d’élu… A l’issue de la période de mise à disposition, l’agent est renouvelé ou réintégré à son poste.

 

L’agent en question, ingénieure territoriale, a été placée en position de disponibilité pour deux périodes, respectivement de 2 ans et 6 mois et de 2 ans. Néanmoins, l’agent s’estimant lésée du fait des fautes commises par la collectivité territoriale qui l’employais dans le traitement de ses demandes de réintégration, va tenter d’obtenir réparation de ses préjudices. Déboutée en première instance, elle interjette appel. Bien qu’il annule le jugement du TA, la CAA rejette les conclusions de la requérante qui porte l’affaire en cassation.

 

De manière pédagogique, le Conseil d’État va rappeler le droit applicable aux fonctionnaires territoriaux en disponibilité. Il va notamment s’attacher à rappeler que la collectivité d’origine est tenue de proposer au fonctionnaire une des trois premières vacances correspondant à son grade. Ce poste doit notamment correspondre aux « fonctions précédemment exercées ou à celles définies dans le statut particulier du cadre d'emplois de l’agent » (articles L. 542-13 et L. 542-22 du code général de la fonction publique).

 

Or, le Conseil d’État constate que la collectivité employeur avait bien proposé à son agent un des trois premiers emplois vacants lui correspondant par une offre ferme et définitive. La Cour n’ayant pas recherché si les offres étaient bien fermes et précises, le juge va estimer que la cour administrative d’appel a fait une erreur de droit. En sus, il va constater une seconde erreur de droit. En effet, le juge d’appel a admis que la réintégration était légale en se basant simplement sur le fait que l’agent avait accepté l’offre.

 

Ces deux erreurs de droit vont conduire le Conseil à accepter la requête de la requérante et renvoyer l’affaire devant la cour administrative d’appel.

(Conseil d'État, 3ème & 8ème chambres réunies, 07 juillet 2022, n°449178)

 

 

IMMOBILIER

 

Remise en état d'un site industriel

 
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  • La remise en état d'un site industriel incombe au dernier exploitant, quand bien même le site est de nouveau consacré à une activité industrielle similaire à terme.
  • Le dernier exploitant d'un site industriel qui refuse de payer la remise en état est tenu de payer l'ensemble des loyers due jusqu'au récolement établi par l'administration.

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Dans cet arrêt, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur les travaux de nettoyage et de remise en état d’un site industriel. En l’espèce, le site industriel en question avait fait l’objet d’un bail commercial entre son propriétaire et la société exploitante. Cette dernière a donné congé au propriétaire et avisé son bailleur de sa cessation d’activité. La DREAL ayant conclu à la nécessité de réaliser des travaux pour permettre la réutilisation du site pour un usage industriel, le propriétaire a assigné l’ancienne société exploitante en paiement des travaux.

 

En premier lieu, la société exploitante va estimer que ces travaux de remise en état ne lui incombaient pas dès lors que le site avait été maintenu dans son usage industriel. En effet, la remise en état des lieux incombe au dernier exploitant. La Cour va néanmoins considérer que l’intention du propriétaire de reprendre l’activité industrielle était sans incidence sur l’obligation légale. La DREAL pouvait donc demander à la société exploitante la remise en état du site dès lors qu’elle avait mis l’installation à l’arrêt définitif.

 

Sur la réparation du dommage, la société exploitante estime qu’elle n’était pas redevable de l’indemnité d’occupation calculée sur la valeur locative de l’ensemble du site dès lors que l’inexécution des travaux ne remettait pas en cause l’exploitation du bien par le bailleur. Elle se fonde en ce sens sur la disproportion de la sanction au regard du préjudice subi par le propriétaire. La Cour va en revanche considérer que les travaux n’ayant pas été effectués, l’ancienne société exploitante était bien redevable de l’indemnité d’occupation au moins jusqu’au récolement établi par l’administration.

(Cour de cassation, 3ème chambre civile, 11 mai 2022, n°21-16.348, Publié au bulletin)

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