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Actualité jurisprudentielle

Nom de l'expert
DESMATS
Prénom de l'expert
Edouard
Fonction de l'expert
CERISC
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DISCIPLINE

Sanction

Dans cette décision de la Cour de cassation, le juge judiciaire se prononce après avoir été saisi par un salarié estimant avoir été victime d’une rupture de contrat abusive. L’homme avait été engagé en qualité d’animateur entre septembre 2000 et décembre 2017 par de multiple CDD par une société de production télévisuelle. Il conteste la qualification de rupture de son contrat pour faute grave et sollicite la requalification de ses contrats en CDI.

Après avoir été débouté devant la juridiction prud’homale et devant la cour d’appel, il forme un pourvoi en cassation en estimant qu’a été violé en appel, l’article L.1121-1 du code du travail et l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissant la liberté d’expression du salarié.

En l’espèce, le juge judiciaire est amené à apprécier « la nécessité de la mesure au regard du but poursuivi, son adéquation et son caractère proportionné à cet objectif. ». En premier lieu, la Cour constate qu’il existait une clause particulière dans le contrat de travail par laquelle l’animateur indiquait respecter la charte des antennes de France télévision. Or, cette dernière indique refuser « toute complaisance à l'égard des propos risquant d'exposer une personne ou un groupe de personnes à la haine ou au mépris, notamment pour des motifs fondés sur le sexe » ; mais encore « toute valorisation de la violence et plus particulièrement des formes perverses qu'elle peut prendre telles que le sexisme et l'atteinte à la dignité humaine. ».

Or, l’animateur a pu faire, sur un plateau télé, une blague mettant en scène une femme battue. Or, l’affaire se déroulait dans le contexte particulier de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. En sus, l’animateur a pu se vanter du retentissement médiatique qu’avait produit cette blague au cours d’une conversation privée avec ses collègues. Il a encore eu une attitude déplacée à l’égard d’une candidate participant à une émission qu’il animait. 
De plus, son employeur avait été menacé par France télévision qui exigeait le remplacement de l’animateur.

Le juge va retenir que le « le but légitime de lutte contre les discriminations à raison du sexe et les violences domestiques et celui de la protection de la réputation et des droits de l’employeur » justifiait le renvoi de l’animateur.

(Chambre sociale de la Cour de Cassation, 20 avril 2022, n°20-10.852)

 

Tout comme les sapeurs-pompiers, les agents hospitaliers sont soumis à une obligation de vaccination contre la Covid-19. Dans le cadre de cette obligation, un agent hospitalier, infirmier, a été suspendu de ses fonction par le centre hospitalier (CH) qui l’employait alors même qu’il était en arrêt maladie.

Or, le Conseil d’État va s’appuyer sur le statut de la fonction publique hospitalière et sur la loi relative à la vaccination des personnels médicaux, permettant leur suspension en cas de non vaccination, que le directeur du CH était légalement fondé à prendre cette mesure mais que cette dernière ne pouvait entrer en vigueur qu’à compter de la date à laquelle le congé prenait fin. Cette suspension de l’exécution de la décision du directeur du CH est clairement guidée par le sens de la loi. En effet, le Conseil d’État constate que l’argument du CH selon lequel « le retour de l'intéressée est de nature à porter atteinte à l'intérêt général qui s'attache à la protection de la santé des personnes hospitalisées » est inopérant tant que l’agent n’est pas effectivement revenu à son poste. En sus, la décision est mise en balance avec ses conséquences que sont la privation de traitement (salaire du fonctionnaire).

Cette décision reste néanmoins une décision en référé, c'est à dire que l’affaire en question à vocation à être jugée à titre définitif ultérieurement. Néanmoins, elle est le reflet de la décision finale qui s’interrogera ensuite quand à la légitimité de cette décision annulée à titre préventif.

(CE, 5ème et 6ème ch. réunies, 11 mai 2022, Centre hospitalier de l’agglomération montargoise, n°459011)

STATUT

Cumul d'emploi

La Cour administrative d’appel de Nancy est amenée à se prononcer sur une décision d’un SDIS interdisant à un de ses SPP d’exercer une activité accessoire d’expert judiciaire auprès d’une juridiction après que ce dernier l’ait informé du renouvellement de ses fonctions. Après contestation de l’agent, le SDIS a réitéré son refus d’autoriser le requérant à cumuler une seconde fonction. Ce dernier a donc saisi les juridictions. Débouté en première instance, il a fait appel devant la Cour administrative d’appel.

Pour apprécier la légalité de la décision du SDIS, le juge administratif va se fonder sur le statut général de la fonction publique de 1983 mais également sur le décret du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires. Si la loi de 1983 pose un principe d’interdiction des activités accessoires du fonctionnaire, le décret de 2007 prévoit une exception, permettant un cumul d’activité conditionné :

  • À la condition de bon fonctionnement du service ;
  • À l’indépendance et à la neutralité du service

L’ensemble des activités autorisées sont contenues au second article du décret, autorisant notamment les activités d’expertise et de consultation sous condition. Le décret pose en sus une procédure stricte pour l’agent qui souhaite accéder au cumul d’activités : l’agent doit adresser à l’autorité dont il relève une demande écrite contenant diverses informations. Cette dernière doit lui notifier sa décision dans un délai d’un mois. En l’absence de réponse, l’autorité est présumer accepter la demande.

Dans le cas d’espèce, si le requérant a bien informé sa hiérarchie de sa nomination, il n’a jamais expressément sollicité une demande d’autorisation de cumul d’activité auprès du SDIS dont il dépend. Notamment, il n’a pas indiqué l’ensemble des informations légalement prévues.
En sus, la Cour rappel que « L'autorité dont relève l'agent peut s'opposer à tout moment à la poursuite d'une activité accessoire dont l'exercice a été autorisé, dès lors que l'intérêt du service le justifie ». En la matière, l’employeur public à clairement la main mise sur les activités accessoires de ses agents.

Pour une analyse critique de cette facette du droit de la fonction publique, l’article du cabinet d’André ICARD sur les activités accessoires que peuvent exercer les fonctionnaires permet de comprendre le droit en la matière. 

(Cour administrative d’appel de Nancy, 4ème ch., 18 mai 2022, n°19NC00847)

LEGALITE ADMINISTRATIVE

Acte administratif

Dans cet avis sollicité par le Tribunal administratif de Nantes, le Conseil d’État vient rappeler les pouvoirs dont dispose le préfet à l’égard des actes d’une association syndicale autorisée (ASA). En premier lieu, elle distingue les actes listés à l’article 40 du décret n°2006-504 du 3 mai 2066 de tous les autres. En effet, l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 vient les soumettre à un régime spécial.

Ces actes sont ceux soumis à transmission au préfet. À l’exception des délibérations ayant trait à la modification des statuts ou à la dissolution de l’ASA, le préfet dispose d’un pouvoir de modification des actes lui étant transmis. Mais la modification répond à une procédure stricte, comme le rappelle le Conseil d’État.

Lorsque ces actes lui sont transmis, le préfet dispose d’un délai de 2 mois pour en demander la modification à l’ASA. Ce délai peut être réduit à 10, voir à 8 jours dans certains cas. Lorsqu’elle reçoit cette demande de modification, l’ASA dispose alors d’un délai de 30 jours pour indiquer au préfet qu’elle ne souhaite pas procéder à la modification demandée. Lorsqu’il est informé du refus de modification, le préfet dispose alors d’un délai de deux mois pour exercer son pouvoir de modification d’office. En cas d’inutilisation de ce pouvoir dans le délai de deux mois, le préfet est réputé avoir renoncé à sa demande de modification.

Eu égard à l’important pouvoir du préfet sur les actes des ASA, le juge administratif considère qu’il est incompétent pour connaitre des demandes en annulation de ces actes portés devant lui par le préfet. En revanche, le recours administratif est envisageable pour les autres actes des ASA.

(Conseil d’Etat, 3ème et 8ème ch. réunies, 19 avril 2022, n°461061)

 

Le Conseil d’État a été saisi en cassation quant à la légalité d’une autorisation préfectorale d’exploitation d’un parc éolien situé au sein d’un parc naturel. Les divers requérants, associations de protection de la nature et personnes physiques, estiment que l’autorisation ne serait pas conforme à la charte du parc naturel.

La question posée est en faite celle de l’articulation entre documents d’urbanisme et environnementaux. Dans un arrêt de 2014, le Conseil avait déjà dégagé une obligation de cohérence entre les documents d’urbanisme et le schéma départemental des carrières (CE, 25 juin 2014, Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction, n°366007).

En l’espèce, le Conseil d’État va rappeler que la politique de protection de l’environnement contenue dans la charte du parc est mise en œuvre par « L’État et les collectivités » (Article L.333-1 du code de l’environnement). Si la Cour affirme clairement que les dispositions d’une charte sont trop générales pour imposer par elle-même des obligations aux tiers, notamment vis-à-vis des autorisations d’urbanisme ; les collectivités (et l’État) doivent tout de même les mettre en œuvre. Pour se faire, elles sont invitées à traduire les dispositions de la charte dans leurs documents d’urbanisme en termes précis et clairs.

Pour l’espèce, la Cour va confirmer l’annulation de l’autorisation d’exploitation en ce sens qu’elle est contraire à la charte du parc naturel au sein duquel se trouve le parc éolien. En fait, c’est d’avantage les documents d’urbanisme qui fondent la décision préfectorale qui sont remis en cause, eu égard à leur non-conformité avec la charte du parc naturel.

(CE, 21 avril 2022, Association pour le développement durable de l’ouest ornais et de ses environs et autres c/ Préfet de la Manche et société Vents d’Oc centrale d’énergie renouvelable 16, n°442953)

RESPONSABILITE

Responsabilité pénale

Depuis 1955 et le premier congrès des Nations Unies, le traitement des détenus est normé et encadré par le droit international. Récemment, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a été saisie par la Cour de cassation arménienne d’une question sur l’applicabilité de la prescription au regard du droit international.

En l’espèce, la juridiction arménienne a été saisie par un requérant soumis en 2004 à des actes de torture (reconnus par la Cour). Si les autorités ont effectivement été sanctionnées en 2012, une seconde procédure a été engagée, directement contre les policiers impliqués. Or, si le tribunal admettait leur implication, il les a exonérés de leur responsabilité, le délai de prescription de dix ans ayant expiré en 2014. La Cour de cassation se demande donc si il était possible d’écarter les règles de prescription pour les cas de torture.

Rappelant la valeur particulière de l’interdiction de la torture, qui prit force obligatoire très tôt, la Cour va admettre son inscription au Jus Cogens, c'est-à-dire comme un droit commun immuable au niveau international. En matière de prescription, la Cour Européenne des Droits de l'Homme va rappeler en premier lieu l’intérêt des règles de prescription et leurs fondements en droit arménien. En somme, le droit arménien prévoit un délai de prescription pénale de droit commun de 10 ans, assorti d’exceptions. Elle rappelle également que sa jurisprudence l’a déjà conduite à admettre la possibilité d’un allongement du délai de prescription.

Mais pour l’espèce, la Cour rappelle que l’article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui prévoit l’impossibilité de poursuivre une infraction qui n’existait pas en droit au jour de sa commission, exclut l’engagement de nouvelles poursuites à l’égard d’une infraction définitivement prescrite. Néanmoins, elle rappelle que la juridiction peut s’appuyer sur d’autres dispositions du droit international pour fonder l’imprescriptibilité de certaines infractions comme la torture.

(Cour Européenne des Droits de l'Homme, 26 avril 2022, n°P16-2021-001)

Responsabilité administrative

Le Conseil d’État propose un avis pédagogique concernant le délai de prescription relatif au préjudice d’anxiété lié à l’exposition à l’amiante. Le Conseil d’État a donc été saisi par le tribunal administratif de Toulon d’une question préjudicielle.

En premier lieu, la loi du 31 décembre 1968 pose un principe selon lequel les créances de l’État doivent être payées dans un délai de quatre ans courant au premier jour de l’année suivant l’acquisition des droits. Elle précise encore les cas d’interruption de ce délai. Le Conseil rappel encore les conditions relatives à l’obtention de l’allocation de cessation anticipée d’activité. En sus, il rappelle l’obligation pour les autorités publiques « chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle, compte tenu notamment des produits et substances qu'ils manipulent ou avec lesquels ils sont en contact ».

Concernant le cas d’espèce, il est question d’un établissement ayant fait l’objet de plusieurs arrêtés successifs étendant la période d’inscription ouvrant droit à indemnisation. La créance naissant à la date à laquelle l’entièreté des préjudices sont révélés, la date à prendre en compte est donc la date « la plus tardive des dates de publication d'un arrêté inscrivant l'établissement pour une période pendant laquelle le salarié y a travaillé ». Le délai de 4 ans débute donc à la publication du dernier arrêté déclarant ouvrant droit à indemnisation pour une période à laquelle le demandeur a travaillé dans l’établissement.

Concernant les conditions d’interruption de ce délai, le Conseil d’État n’en retient qu’un seul : « lorsque la victime d'un dommage causé par des agissements de nature à engager la responsabilité d'une collectivité publique dépose contre l'auteur de ces agissements une plainte avec constitution de partie civile » ou dans le cadre d’une instruction pénale. En revanche, il exclut les plaintes pénales non instruites par un juge, l’engagement de l’action publique, l’exercice des voies de recours contre les décisions de première instance, les recours formés à l’encontre de l’État par des tiers ou les actions en reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur devant le juge judiciaire.

(CE, 19 avril 2022, n°457560)

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