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Actualité Jurisprudentielle

Nom de l'expert
F. TROMBETTA
Prénom de l'expert
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Fonction de l'expert
CERISC
Chapo du commentaire
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Texte du commentaire

Cette semaine trois arrêts sont présentés. Le premier résumé est relatif à deux arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris. Il concerne la procédure devant les juridictions administratives et la procédure de désistement en cas de non-réponse du demandeur à la demande du président de chambre (application de l’article R. 612-5 du code de justice administrative.  Le deuxième porte sur la demande en annulation d’un avis défavorable à la poursuite de l'occupation d’immeuble à la suite d’une commission sécurité. Enfin, la Cour de cassation est venue rappeler les obligations particulières de porter secours incombant aux professionnels.

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PROCEDURE

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Contentieux administratif

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  • La 4e chambre de la Cour administrative d’appel de Paris, par deux arrêts, s’est prononcée sur l’application du désistement, faute de confirmation de maintien de la requête prévu par l’article. R. 612-5-1 du code de justice administrative (CJA).

Un service départemental d’incendie et de secours (SDIS) a demandé réparation « des désordres apparus sur le réseau d'assainissement lors de la construction du centre de secours », auprès de plusieurs sociétés qui ont réalisé des travaux. Le président de chambre a appliqué la procédure prévue à l’article R. 612-5-1 du CJA.

L’article R. 612-5-1 du CJA qui dispose que « Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, le président de la chambre chargée de l'instruction, peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions ».

En l’espèce, « le courrier de demande de confirmation de maintien de la requête a été réceptionné [..], et n'a été assorti que du délai minimum d'un mois ». A l’expiration de ce délai, aucune réponse n’a été transmise au tribunal administratif. Ainsi, le tribunal administratif, par ordonnance, a donné acte du désistement du SDIS.

Cependant la Cour administrative d’appel de Paris retient que les requêtes ont été réalisées en période de sortie de la crise sanitaire, que l’activité juridictionnelle reprenait seulement « un rythme normal après plusieurs mois de perturbations en raison » de cette crise. Et que de part ces conditions le président de chambre du tribunal administratif n’a pas fait « une juste application de la disposition prévue par l’article R. 612-5-1 du CJA », notamment de par « l’état du dossier » et « les sommes en jeu ». La Cour administrative d’appel rappelle le caractère d’exception de ces décisions à travers l’expression « dans ces conditions […] s’il aurait certes été opportun que le conseil du requérant fasse connaître, à la réception de cette demande, la difficulté à respecter ce délai et en sollicite le report ». La Cour administrative d’appel annule l’ordonnance et renvoie l’affaire devant le tribunal administratif.

Ces décisions impliquent donc que le président de la formation de jugement doit apprécier l’intérêt de la requête pour son auteur, donc de l’application de l’article R. 612-5-1 du CJA, même en l’absence de réponse du requérant dès lors que « l’état du dossier » et « notamment des sommes en jeu » sont suffisantes pour démontrer cet intérêt.

Ces deux décisions restent exceptionnelles puisqu’elles ont été rendues pour une affaire dans un contexte particulier qu’est la sortie de crise sanitaire.

(CAA de PARIS, 4ème chambre, 30/06/2021, 21PA00198, Inédit au recueil Lebon ; CAA de PARIS, 4ème chambre, 30/06/2021, 21PA00197, Inédit au recueil Lebon)

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LEGALITE ADMINISTRATIVE

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Police administrative

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  • La Cour administrative d’appel de Paris dans un arrêt, du 30 juin 2021, s’est prononcée sur un avis défavorable à la poursuite de l'occupation d’immeuble à la suite d’une commission sécurité, en rejetant la requête des habitants.

En l’espèce, une « commission de sécurité de la préfecture de Paris a émis, le 19 avril 2018, un avis défavorable à la poursuite de l'occupation de cet immeuble en raison notamment de l'existence de défauts d'isolement entre les différentes parties de l'immeuble mettant en cause la sécurité des personnes en cas d'incendie, de la particularité de la desserte des appartements par des circulations secondaires non isolées présentant un risque pour les occupants et de la difficulté pour les services de secours d'intervenir dans certains logements, retardant ainsi l'évacuation de leurs occupants ». « Le préfet de police a prescrit la réalisation des mesures préconisées par la commission de sécurité ».

Le juge du tribunal administratif a substitué un article d’un règlement par l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Cette substitution est possible dès lors que l’autorité de police municipale, qui à Paris et la petite couronne est le préfet de police (il s’agit du maire pour le reste de la France), dispose de ce pouvoir. D’autre part que cette substitution de base légale ne prive pas les intéressés d’une procédure contradictoire. Cette procédure est, par ailleurs, jugée équivalente à celle prévue à l’article « L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ». Enfin cette substitution de base légale dès lors que le préfet de police dispose du même pouvoir d’appréciation « pour appliquer l’une ou l’autre des deux dispositions ». Or, le préfet de police peut en ce qui le concerne appliquer la « réglementation des immeubles de grande hauteur, laquelle [peut] englober le cas échéant des mesures prises en vertu des pouvoirs de police administrative générale ».

La Cour administrative d’appel de Paris retient ainsi que le changement de base légale, procédé par le tribunal administratif, est légale.

La Cour administrative d’appel est amenée à se prononcer sur des « conclusions subsidiaires, présentées pour la première fois en appel ». Les requérants demandent l’application de l’article L. 2212-4 du CGCT qui dispose qu’en « cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances […] ». Cette demande, qui permettrait de mettre à la charge de la Ville de Paris, les travaux préconisés, a été rejetée par la Cour administrative d’appel. Les travaux de sécurisation préconisés portent sur des risques identifiés qui représentent un danger mais dont le caractère imminent au sens de l’article L. 2212-4 du CGCT n’est pas rempli.

En ce sens la Cour administrative d’appel de Paris rejette l’ensemble des demandes et confirme donc le jugement de première instance.

(CAA de PARIS, 4ème chambre, 30/06/2021, 19PA03586, Inédit au recueil Lebon)

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RESPONSABILITE

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Responsabilité pénale

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Homicide involontaire

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  • La chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu la semaine dernière un arrêt relatif à l’obligation de porter secours et qui condamne un médecin pour homicide involontaire car il n’a pas réalisé les gestes et actions adaptés à la situation.

Lors d’un combat de boxe, un boxeur est mis KO, l’arbitre a fait appel au « médecin de ring ». Le boxeur n’a pas repris connaissance et a été transporté par un véhicule des pompiers vers le centre hospitalier où le médecin urgentiste du service a constaté son décès.

Le médecin du sport « a été reconnu coupable d'homicide involontaire et condamné, par le tribunal correctionnel, à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis, à l'interdiction à titre définitif d'exercer la médecine du ring et la médecine du sport ».

Pour prononcer cette sanction il a été expliqué que la victime « était en coma prolongé aréactif, le docteur [..] savait nécessairement, compte tenu de sa qualification de médecin et de son expérience professionnelle, que celui-ci était dans un état très grave pouvant avoir une issue fatale dans un laps de temps très court, tandis qu'il n'a pas fait appeler le SAMU dès la constatation du prolongement de la perte de conscience, ni n'a réalisé les manouvres simples qu'un médecin même non spécialiste devait faire, telles qu'une traction sur le maxillaire inférieur pour éviter la chute de la langue en arrière, la pose de canule de Guedel, un enrichissement en oxygène de l'air inspiré par bouteille d'oxygène en délivrant un haut débit dès sa mise en place et qu'il n'a pas procédé à une surveillance régulière des paramètres simples dès le début de la prise en charge et jusqu'à l'arrivée de celui-ci à l'hôpital, perdant du temps à faire inutilement enlever les bandages sur les mains pour pouvoir mesurer l'oxymétrie du pouls au doigt, alors qu'il pouvait la mesurer à l'orteil qui était accessible, et qu'il n'a eu aucune autre action personnelle que celle de procéder à une examen neurologique succinct ».

Les juges déduisent que la non-pratique « des gestes est actions adaptés à l’état de santé » du boxeur, entre le « KO et son évacuation » constitue une faute caractérisée (prévue par l’article 121-3 alinéa 4 du Code pénal. Cette pratique des gestes et actions entrait dans la mission du médecin, dès lors que la qualification du médecin et son expérience lui permettait d’apprécier l’état de santé du boxeur. En effet, « l’arrêt cardio-respiratoire, 30 secondes après son départ du lieu de l'accident et que la perte d'une minute correspond à la perte de 10 % de chance de survie, [le docteur] a causé de manière indirecte mais certaine la mort de [la victime] ».

 

 

 (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 29 juin 2021, 19-84.011, Inédit)

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