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Actualité Jurisprudentielle

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Florian TROMBETTA
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CERISC
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Texte du commentaire

Cette semaine un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille a été retenu, il s’agit d’un permis de construire qui a été délivré en zone inondable et dont la commune engage sa responsabilité pour faute. Le second arrêt émane de la chambre criminelle de la Cour de cassation et porte sur une discrimination indirecte retenue devant les juridictions administratives mais qui n’entre pas dans le champs d’application de l’article 225-2 du code pénal et ne peut donner lieu à une condamnation devant les juridictions pénales.

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LEGALITE ADMINISTRATIVE

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Acte administratif

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Permis de construire

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  • La Cour administrative d’appel de Marseille dans un arrêt du 8 juin 2021 a rendu un arrêt relatif à une ordonnance en référé relative à la délivrance d’un permis de construire en zone inondable.

En l’espèce, un maire a délivré un permis de construire pour une construction qui sera située en zone inondable. Le juge des référés du tribunal administratif a condamné la commune à verser à titre de provision une somme de 105 000 euros, ainsi que la somme de 11 867,23 euros au titre des frais de l'expertise. La commune interjette appel et demande l’annulation de cette ordonnance. Les bénéficiaires du permis de construire forment un appel incident demandant de condamner « solidairement la commune […] et l'Etat à leur verser, à titre provisionnel, une somme de 236 250 euros en réparation du préjudice lié à la perte de valeur vénale de leur bien après réalisation des travaux d'entretien et de mitigation, assortie des intérêts au taux légal, avec capitalisation à compter de leur réclamation du 10 mars 2020, [ainsi que ]de condamner solidairement la commune de […] et l'Etat à leur verser, à titre provisionnel, une somme de 40 000 euros en réparation du préjudice de jouissance et du préjudice moral, assortie des intérêts au taux légal, avec capitalisation à compter de leur réclamation du 10 mars 2020 ».

La Cour retient, en vertu de l’article R. 111-2 du code de l'urbanisme qui énonce que « le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. », « lorsqu’un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect ». Il résulte que « le terrain d'assiette du projet était classé en zone d'aléa fort en ce qui concerne les risques d'inondations ».

La commune engage sa responsabilité pour faute dès lors qu’elle a délivré un permis alors qu’il existe des informations claires et précises « dont elle aurait dû prendre connaissance et dont elle était en mesures d’apprécier la portée ». La commune ne peut transférer cette responsabilité à la communauté de commune qui instruit les dossiers de permis de construire, qui au moment des faits, cette communauté de commune ne disposait pas des informations.

Sur l’appel provoqué engageant la responsabilité de l’Etat, la Cour retient qu’il « résulte de ce qui précède qu'au terme de l'examen de l'appel principal formulé par la commune [...], [la] situation [des bénéficiaires du permis de construire] n'est pas aggravée par la présente ordonnance. Il y a lieu, dès lors, de rejeter leurs conclusions d'appel provoqué comme irrecevables ».

En ce sens la Cour rejette l’ensemble des requêtes de la commune qui a formé l’appel principal et les bénéficiaires qui ont formé un appel incident.

 

(CAA de MARSEILLE, 08/06/2021, 20MA04660, Inédit au recueil Lebon)

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RESPONSABILITE

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Responsabilité pénale

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Discrimination

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  • La chambre criminelle de la Cour de cassation, le 8 juin 2021, a rendu un arrêt relatif à une discrimination indirecte au sein d’un service départemental d’incendie et des secours.

En l’espèce, un directeur départemental d’un service d’incendie et de secours est poursuivi pour discrimination, à la suite d’une « note de service édictant pour la promotion au grade d’adjudant des sapeurs-pompiers, un critère tenant à la durée des services effectués au sein du seul SDIS en question à l'exclusion des autres SDIS ce qui revenait, selon la prévention, de fait à empêcher toute promotion à ceux qui avaient effectué tout ou partie de leur carrière hors de ce département et pouvaient ne pas en être originaires ».

Le prévenu a été condamné en première instance puis relaxé en appel.

La cour d’appel retient que « si des éléments de nature discriminatoire ont été retenus par la justice administrative pour annuler un arrêté du 4 mai 2016 portant tableau d'avancement au grade d'adjudant de sapeur-pompier professionnel au titre de l'année 2015, cela ne suffit pas à caractériser le délit pénal qui suppose de démontrer une intention ainsi qu'un pouvoir décisionnaire ». Il est ensuite expliqué que ce n’est pas le directeur du SDIS qui décide de l’avancement puisque le classement s’effectue après la réunion d’une commission administrative paritaire et dont le président du conseil d’administration du SDIS signe ce tableau d’avancement. La Cour d’appel explique que le directeur n’a fait qu’établir cette note et que le directeur n’était pas présent, il ne pouvait « entériner les promotions et donc la mise en œuvre réelle de la potentielle discrimination ».

La Cour de cassation conteste les motifs de la cour d’appel puisque l’article 225-1 du code pénal n’exige pas que la discrimination soit mise en œuvre directement. En effet, le directeur dispose d’un pouvoir de gestion administrative prévu par l’article L. 1424-32 du code général des collectivités territoriales et est susceptible d’engager à ce titre sa responsabilité pénale.

Néanmoins, la Cour de cassation use de son pouvoir de substitution de motif erroné ou inopérant pour le substituer par un motif de pur droit et retient qu’il « résulte de l'article 225-2 du code pénal que seules sont punissables les discriminations fondées sur l'un des critères limitativement énumérés aux articles 225-1 à 225-1-2. Ces textes, qui doivent être interprétés strictement, ne répriment que la discrimination directe ».

La Cour de cassation rappelle ce qu’est une discrimination indirecte en expliquant qu’il s’agit d’une « disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour un motif fondé, notamment, sur l'un des critères énumérés à l'article 225-1 du code pénal, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés ».

Elle revient ensuite sur le fait que les décisions fondées sur l’origines sont des discriminations directes mais que la durée d’emploi dans une région particulière n’en est point.

La Cour de cassation rejette le pourvoi en cassation et confirme la relaxe du directeur départemental du service d’incendie et de secours.

 

(Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 juin 2021, 20-80.056, Publié au bulletin)

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