Un joueur de football professionnel d’un club de ligue 1 porteur d’un défibrillateur automatique implanté (DAI) a été autorisé par la Fédération Française de Football (FFF) à reprendre son activité, selon des prérequis et des conditions.
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Le 13 février 2025, la FFF après l’avis de sa commission médicale, a autorisé une reprise à un homme de 30 ans joueur de football professionnel au LOSC (Lille) et porteur d’un DAI, dispositif dont il bénéficie à la suite d'un arrêt cardiorespiratoire dont il a été victime en juin 2024 pendant un match (indication de prévention secondaire). L’avis de la commission médicale de la FFF se base sur la pathologie d’origine (un foyer myocardique ventriculaire arythmogène) et sur une épreuve d’effort maximale ayant permis une programmation adaptée du DAI.
Les DAI sont également des stimulateurs cardiaques pouvant être mono, bi ou triple chambre. La mission d’un DAI est d’identifier puis de réduire les arythmies ventriculaires potentiellement dangereuses, soit par ATP («Anti Tachycardia Pacing», stimulation à une fréquence supérieure à la tachycardie décelée) soit par choc électrique interne.
En effet, certaines tachyarythmies peuvent rétrocéder par une stimulation ventriculaire (habituellement de 10 complexes).
La FFF assortit les autorisations d’activités à des prérequis (pathologie sous-jacente, réglage spécifique du DAI) et à des précautions habituellement liées au port d’un DAI (mais aussi d’un stimulateur cardiaque) notamment vis-à-vis des traumatismes susceptibles d’altérer le boîtier.
Outre l’indication de l’implantation d’un DAI à visée rythmique, celui-ci peut être indiqué en cas d’insuffisance cardiaque par dysfonction systolique ventriculaire gauche sévère. Le mode DAI est alors parfois couplé avec une stimulation multisite (oreillette droite, ventricule droit, ventricule gauche).
Le bénéfice du DAI sur la mortalité a été démontré en prévention primaire et secondaire de la mort subite. Le port d’un DAI requiert un suivi cardiologique régulier spécifique (avec utilisation d’un programmateur) qui peut être complété par une télésurveillance.
Il faut souligner qu’un grand nombre de patients porteurs d’un DAI n’auront pas à bénéficier d’un choc électrique interne.
Peut-on envisager une aptitude opérationnelle différenciée chez un sapeur-pompier porteur d’un DAI ?
Il est généralement placé en position d’inaptitude opérationnelle totale.
Cependant, la décision médicale d’aptitude doit se faire au cas par cas sur la base des activités telles que précisées dans la fiche de poste de l’intéressé, du contexte de service et bien sûr avec l’appui de l’expertise du cardiologue rythmologue référent.
Que se passe t’il en cas de choc délivré par le DAI ?
Source : Fédération Française de Cardiologie
https://www.fedecardio.org/wp-content/uploads/2022/01/Brochure-Defibrillateur-DAI-DEF.pdf
Le choc est le plus souvent décrit comme une sensation soudaine, un sursaut, un coup dans la poitrine ou une douleur. Il peut arriver que plusieurs chocs soient délivrés. L’énergie délivrée est relativement faible et localisée, sans aucune conséquence ni aucun risque si une personne vous touche au moment du choc, même en contact direct, en dehors d’un effet de surprise (perception de l’électrisation).
En cas de choc, il est recommandé au patient de s’assoir ou de s’allonger quelques minutes, de se calmer si nécessaire puis éventuellement de reprendre une activité calme.
Un choc isolé efficient n’est pas véritablement une urgence. L’appareil a vraisemblablement rempli son rôle en rétablissant le rythme cardiaque antérieur. Par mesure de sécurité il faut appeler son cardiologue rythmologue au plus vite (analyser la cause d’un choc approprié, plus rarement, déceler un choc inapproprié).
Si plusieurs chocs se succèdent, le patient doit s’allonger et ne plus bouger. C’est une urgence qui doit être prise en charge comme toutes situations d’aide médicale urgente.
Comment analyser les risques pour un sapeur-pompier porteur d’un défibrillateur implanté ?
L’analyse au cas par cas par le médecin sapeur-pompier du poste de l’agent doit rechercher les risques que la mission entraine pour lui-même, et les risques que son état de santé entraine pour ses collègues, pour la population prise en charge et consécutifs à l’interruption de la mission.
1. Sur le plan médical
En premier lieu il faut tenir compte de la pathologie à l’origine de la pose. Celle-ci a pu être effectuée à titre préventif (prévention primaire) ou après un malaise ou une syncope par trouble rythmique ou une mort subite ressucitée (prévention secondaire).
Mais le DAI implique également des contraintes. Le patient sapeur-pompier doit adhérer à son suivi spécialisé.
Aujourd’hui, pour les sapeurs-pompiers, la référence au SIGYCOP, qui est une aide à la décision, oriente vers une aptitude médicale limitée puisque « Stimulateurs et/ou défibrillateurs cardiaques implantés, quelle qu'en soit l'indication = G 4 à 6 » [index 102 - Arrêté du 29 mars 2021 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale]. La cotation G4 s’inscrit dans le profil E (S4 I4 G4 Y4 C0 O5 P2) qui correspond à une activité non opérationnelle. Il faut évaluer les risques acceptables eu égard aux contraintes et limitations imposées par le DAI. Le port d’un DAI entraîne des situations de prudence et d’interdiction, telles que : une proximité avec certains champs électromagnétiques, un risque de chutes ou de chocs contre le DAI, et surtout une mise en danger en cas de perte de connaissance (possible avant et pendant le déclenchement du DAI).
Arrêté du 28 mars 2022 fixant la liste des affections médicales incompatibles ou compatibles avec ou sans aménagements ou restrictions pour l'obtention, le renouvellement ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée
Le permis de conduire les véhicules du groupe léger est supprimé temporairement dès lors que l’indication de pose de DAI est posée, puis peut être autorisé 4 semaines après la pose du DAI en prévention primaire ou 12 semaines en prévention secondaire, et en fonction de la cause initiale de pose, sous réserve d’une surveillance spécialisée régulière.
Le permis de conduire les véhicules du groupe lourd est supprimé dès lors que l’indication de pose de DAI est posée.
2. En ce qui concerne les postes et activités :
En conséquence des restrictions d’aptitude seront à envisager dans les cas suivants :
Une réflexion préalable avec la hiérarchie est nécessaire. L’organisation de la garde doit être compatible avec les restrictions d’aptitude.
Si la prévention médicale reste prioritaire pour le sapeur-pompier, un des objectifs du suivi de santé en service est aussi le maintien dans l’emploi. Le dialogue entre le médecin d’aptitude et le cardiologue rythmologue traitant est une nécessité. La possibilité d’aménager un poste avec des restrictions précises y compris opérationnelles est à envisager après évaluation documentée des bénéfices/risques.
L’évolution des connaissances scientifiques, des thérapies médicamenteuses, des matériels et des méthodes d’évaluation de la santé, notamment à l’effort, pourront peut-être élargir les perspectives d’emploi pour les sapeurs-pompiers porteurs de DAI.
Pr Bernard PIERRE
Cardiologue
Président de Cœur et Travail
Membre du CA de la FFC
et
Dr Jean-Marie STEVE
Médecin du travail
Référent santé en service de l’ENSOSP
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