L’adjudant T., sapeur-pompier professionnel âgé de 49 ans, est encadrant au centre départemental de formation et participe également à des activités opérationnelles (régime d’astreinte poste de commandement).
Le responsable hiérarchique adresse un courrier au médecin sapeur-pompier habilité en charge du suivi des agents pour un avis sur sa santé mentale, à la suite de plusieurs conflits l’ayant opposé à ses collègues de travail ainsi que de plaintes de plusieurs stagiaires en formation. Il précise que depuis plusieurs semaines il a un comportement agressif avec violences verbales à l’encontre de son entourage professionnel. Il souhaite que le service de santé lui apporte un aide.
La dernière visite médicale périodique date de 8 mois. Il est noté un état de stress avec plaintes multiples sur les conditions de travail, l’ambiance, les missions confiées, les collègues et stagiaires. Un entretien auprès d’un psychologue sapeur-pompier volontaire a été proposé et récusé.
Monsieur T. est vu en consultation médicale. Il estime être persécuté par la hiérarchie, ce qui, d’après lui a justifié une hospitalisation d’un mois en service psychiatrique pour « stress et dépression ». Il allègue ne pas prendre de médicaments. Il déclare qu’il n’a pas de problème avec ses collègues ni les stagiaires. Mais il évoque tout de même « de la jalousie et de l’hypocrisie de certaines personnes ». Par ailleurs, il vit seul depuis son divorce et n’a pas d’activités de loisir.
Réponses aux questions :
1. Doit-il être convoqué par le service de médecine professionnelle ?
Oui, il s’agit d’une visite médicale à la demande de l’employeur. Cette convocation peut être formalisée par un courrier à son responsable hiérarchique en cas de difficulté.
2. L’histoire clinique évoque-t-elle une pathologie psychiatrique ou un simple conflit relationnel au travail ?
L’anamnèse évoque plutôt une pathologie de type « délire de persécution » à laquelle son hospitalisation et ses difficultés relationnelles ne sont peut-être pas étrangères.
3. L’adjudant T. est-il victime d’un harcèlement moral professionnel ?
Le médecin sapeur-pompier n’a pas à se prononcer sur ce point car le harcèlement moral n’est pas un diagnostic mais une décision de justice. Cependant les critères caractérisant un harcèlement moral ne sont pas clairement identifiés : pas de répétition retrouvée des faits à son encontre, conditions de travail non dégradées, droits et avenir conservés, pas d’atteinte de sa dignité ni d’humiliations retrouvées. Les plaintes sont formalisées sans acrimonie par son entourage et par sa hiérarchie.
4. Quels éléments vous permettent de vous prononcer sur son aptitude ?
Dans un premier temps, il s’agit de lui proposer de l’aide et de mettre éventuellement en place des mesures de prévention : suivi par son médecin traitant, généraliste et/ou spécialiste, suivi psychologique par un psychologue du servie ou extérieur, conseils managériaux et de comportements. L’évaluation clinique sera attentive à la recherche de facteurs exogènes : alcool, stupéfiants en s’appuyant également sur les examens paracliniques.
Cependant un avis d’aptitude doit être émis et communiqué au supérieur hiérarchique, avec rédaction du certificat médical. Il concerne l’aptitude opérationnelle et au travail. Il sera temporaire si un avis médical auprès d’un psychiatre est nécessaire. En cas d’inaptitude au travail il est impératif d’obtenir un congé maladie ordinaire par son médecin traitant.
5. Quels éléments permettent à l’employeur de prendre une décision ?
En cas de déni de l’intéressé, de refus de soins et surtout d’aggravation des troubles du comportement, l’administration pourra demander l’avis d’un psychiatre agréé puis saisira le Comité Médical Départemental.
6. Un mois plus tard, à l’issue d’une nouvelle altercation professionnelle, Mr T. se défenestre du 2ème étage. Cet accident peut-il être considéré comme étant d’origine professionnelle
Il s’agit bien d’un accident de service car survenu dans le temps et le lieu du travail. Une enquête centrée sur les circonstances devra confirmer l’imputabilité ou apportera les éléments de preuve l’infirmant.
Médecin Colonel Jean-Marie STEVE
Référent santé en service du CERISC