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La veille de l'ENSOSP (n°2020-11 )

Editée par l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers

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Chères abonnées, chers abonnés,

Depuis le passage au stade 3 de l'épidémie de Covid-19, les mesures ne cessent d'évoluer vers un dispositif toujours plus restrictif des libertés individuelles impactant de manière significative le quotidien des personnes. Désormais, le confinement a été instauré à l'ensemble de la population et ce pendant 15 jours, mais le gouvernement envisage déjà une prorogation de la mesure.

De plus, trois projets de loi sont actuellement en discussion devant le Parlement réuni en nombre restreint pour des raisons d'hygiène et de sécurité :

- 1° le projet de loi simple d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 ;

- 2° le projet de loi organique d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 ;

- 3° le projet de loi de finances rectificative pour 2020.

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La veille juridique est proposée par le Centre d'études et de recherches interdisciplinaires sur la sécurité civile (CERISC).

Au sommaire cette semaine :

Les textes de la semaine

La chronique de l'expert par Alexia Touache, Elève-avocate - CERISC

L’actualité jurisprudentielle en matière de sécurité civile

Présentation :

Cinq arrêts d'espèces sont présentés et concernent un contentieux récurrent de la sécurité civile : la responsabilité pour faute, la contestation des permis de construire, les marchés publics mais aussi le temps de travail effectif

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LÉGALITÉ ADMINISTRATIVE

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Acte administratif

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Permis de construire

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Une société s'est vu accorder un permis de construire portant sur la reconstruction de bâtiments sinistrés. Une propriétaire a contesté l'arrêté municipal du 6 novembre 2015 devant le Tribunal administratif de Marseille lequel a été annulé.

Le projet doit respecter un certain nombre de normes et notamment il ne doit pas porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique (article R.111-2 du code de l'urbanisme).

La propriétaire a soutenu "en première instance que le projet porte atteinte à la sécurité publique en ce que la société pétitionnaire ne peut aménager et sécuriser l'accès prévu sur [une rue] dès lors qu'elle-même serait l'unique propriétaire du passage pavé constituant l'accès et que cet accès ne serait pas accessible". Or, elle n'a pas démontré qu'elle était également propriétaire de ce chemin privé.

La juridiction d'appel a constaté par ailleurs "qu'il existe un second accès sur la rue du Bon Pasteur et que les commissions de sécurité et d'accessibilité ont rendu des avis favorables sur le projet portant sur un établissement recevant du public les 19 octobre et 6 novembre 2015".

Ensuite concernant les dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, "il ressort des pièces du dossier que le projet portant sur un établissement recevant du public est, comme il a été dit précédemment, desservi par la rue du Bon Pasteur et l'impasse de Lacamp, dont les caractéristiques sont suffisantes pour permettre l'accès des véhicules de lutte contre l'incendie et de secours, comme l'a considéré la commission de sécurité le 6 novembre 2015".

La cour administrative d'appel a considéré que c'est à tort que le juge des référés a annulé l'arrêté municipal.

(CAA Marseille 5 mars 2020, n° 19MA03044 – 19MA03045, commune de Marseille c/ Mme E...)

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Une SARL a relevé appel du jugement du 12 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête en annulation dirigée contre l'arrêté du 30 mars 2016 par lequel le maire de la commune de Le Tignet a refusé de lui délivrer un permis de construire.

Aux termes de l'article UC 3 du règlement du plan d'occupation des sols, "les caractéristiques des accès et des voies privées doivent être adaptées à l'opération et satisfaire aux exigences de sécurité et défense contre l'incendie".

Il est ressorti des pièces du dossier que "le terrain d'assiette du projet est desservi par le chemin du Font du Rouve qui est une voie publique", "d'une largeur moyenne de 4 mètres, avec des accotements relativement plats, offre des possibilités de croisement des véhicules et présente des caractéristiques suffisantes pour desservir en toute sécurité le projet en litige limité à six nouvelles constructions". A ce titre, le conseil départemental et le SDIS avaient rendu des avis positifs.

Or de l'avis du conseil départemental et des photographies produites, "le débouché du chemin du Font du Rouve sur la route départementale 2562 est extrêmement dangereux".

Pour la juridiction d'appel, c'est à bon droit que les premiers juges ont pu estimer que ce motif justifiait le refus d'accorder un permis de construire.

La requête a été à nouveau rejetée.

(CAA Marseille 5 mars 2020, n° 18MA02819, SARL Présence c/ commune de Le Tignet)

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Règlement opérationnel

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Le syndicat CFDT Interco a sollicité la modification des règlements de formation du SDIS afin notamment que le temps de trajet des agents en formation soit considéré comme du temps de travail effectif. Cette demande a été rejetée aussi bien devant le conseil d'administration du SDIS que devant le Tribunal administratif Caen.

Le syndicat a interjeté appel.

L'article 1.12 du règlement de formation relatif aux sapeurs-pompiers professionnels et personnels administratifs et techniques spécialisés stagiaires prévoit que " (...) le décompte du temps de travail est forfaitairement fixé à 8 heures par journée de stage (4 heures pour une demi-journée) (...) ".

L'article 1.13 du même règlement ajoute que " (...) La participation à un stage sur le territoire du département n'ouvre droit à aucune prise en compte de temps de travail au-delà des 8 heures journalières fixées forfaitairement (4 heures pour une demi-journée) ".

Sans oublier, l'article 3.20 du règlement de formation du SDIS précise que : " (...) Le temps de déplacement, calculé forfaitairement entre le lieu d'affectation et le lieu de formation, est ajouté au temps d'encadrement des stagiaires pour la détermination du temps de travail (...) Sauf organisation ou tâches particulières, le temps de travail décompté sur la base du temps d'encadrement est donc de : / 8 heures + durée forfaitaire de trajet aller-retour pour une journée d'encadrement, / 4 heures + durée forfaitaire de trajet aller-retour pour une demi-journée d'encadrement ".

Pour les juges d'appel, "aucune des dispositions citées au point 3 que ce décompte forfaitaire, qui tient compte d'une moindre intensité du travail fourni par les stagiaires durant les trajets notamment, serait erronée en droit ou entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'amplitude maximale de la journée de travail des personnels concernés n'excède pas douze heures comme le prévoit l'article 3 du décret du 25 août 2000 cité au point 3".

De plus, la différence de traitement entre le stagiaire et le formateur ne rend pas la décision illégale.

La requête du syndicat est à nouveau rejetée.

(CAA Nantes 10 mars 2020, n° 18NT00490, Syndicat CFDT Interco c/ SDIS)

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Contrat administratif

Marchés publics

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Le 8 août 2013, le SDIS a lancé, suivant la procédure adaptée, une consultation en vue de l'achat d'appareils d'analyses médicales destinés à l'évaluation de l'aptitude physique des sapeurs-pompiers.

Lorsqu'une administration souhaite réaliser un achat dont la valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée, elle peut recourir à une procédure dite adaptée (ou Mapa).

Dans ce cas, il peut déterminer librement les modalités de la procédure dans le respect des principes de la législation en matière de marchés publics (liberté d'accès, égalité de traitement des candidats et transparence des procédures).

Le SDIS a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la société désignée attributaire du lot à lui verser une certaine somme, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en raison de la livraison d'un matériel cassé et inutilisable.

La première juridiction a reconnu la responsabilité de la société et l'a condamnée à indemniser le SDIS.

La société a relevé appel du jugement. Celle-ci a rappelé les clauses du contrat. Dans l'article 1.3. du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché stipule que "la durée du marché se confond avec le délai d'exécution indiqué à l'acte d'engagement et au présent CCAP ". Ce délai d'exécution "est de douze mois à compter de la notification du marché au titulaire du lot dont les " prestations " doivent commencer en premier" et s'applique également aux prestations de maintenance préventive.

Les juges administratifs d'appel ont estimé qu'en refusant d'assurer la maintenance des deux appareils d'analyses sanguines, la société n'a pas contrevenu à ses obligations contractuelles.

Le jugement a donc été annulé.

(CAA Nantes 6 mars 2020, n° 19NT00854, société Planète Médicale c/ SDIS)

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RESPONSABILITÉ

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Responsabilité administrative

Responsabilité administrative pour faute

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Deux sociétés ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Tourettes à leur verser respectivement une certaine somme d'argent en réparation des préjudices nés de l'incendie d'un bâtiment à usage de location de matériels de BTP et de jardinage.

Le Tribunal administratif a rejeté leur requête.

Les deux sociétés ont reproché à la commune de Tourettes les conséquences de l'aggravation du feu en raison "de la défaillance des moyens de lutte contre l'incendie mis à la disposition des pompiers par la commune".

Les secours se sont déroulés de la manière suivante :

"Il résulte de l'instruction qu'à 19h48 l'alarme incendie du bâtiment s'est déclenchée, suivie d'une intervention sur place pour vérifier la réalité de l'alerte par la vue de fumées, et que le service d'incendie et de secours a été appelé à 19h59. Les pompiers qui sont arrivés à 20h08 ont dû faire face à un feu déjà monté en puissance se propageant verticalement par rapport à
son environnement immédiat. A 20h10, une lance alimentée par un engin mobile est mise en batterie pour ne plus être alimentée à 20h14, faute d'eau. A 20h18, une lance est activée par alimentation sur le poteau d'incendie. En raison de la présence d'un seul poteau d'incendie sur
le secteur, des engins supplémentaires sont demandés à 20h18, alors qu'à 20h23 est posé le constat du percement de la toiture d'une partie de la mezzanine et du bâtiment nord.
Sont finalement mises en oeuvre quatre lances à incendie. Il est constaté à 20h37 une brusque chute de pression et de débit d'eau, qui a pour effet de réactiver l'incendie. Les moyens de lutte contre le feu sont alors réorganisés en fonction de l'eau disponible à partir des engins présents. A 20h40, l'eau arrive normalement à nouveau, et le feu est circonscrit à 20h48-20h49 pour être éteint à 21h52, les opérations étant terminées à 00h44. L'origine du feu est déclarée accidentelle sans avoir pu être caractérisée."

Les juges administratifs d'appel ont également rejeté la demande indemnitaire au motif que les deux requérantes n'ont pas suffisamment démontrer le quantum exact de leur préjudice.

Néanmoins le jugement est annulé pour avoir accueilli "la fin de non-recevoir opposée en défense par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Var tirée de la tardiveté des conclusions indemnitaires de la requête".

(CAA Marseille 3 mars 2020, n° 19MA03476, société d'Exploitation des Etablissements Coltam et société Swiss Life Assurances de biens c/ commune de Tourettes)

 

La chronique de l'expert par Audrey Morel Senatore, Responsable du CERISC

Le cadre juridique des pouvoirs de crise : du cadre général à l'état d'urgence sanitaire due au Covid-19

Du point de vue juridique, la notion de crise, instaurant des régimes d’exception autrement appelée état d’urgence1, état de siège2, pleins pouvoirs3, appelle l’exercice de pouvoirs exorbitant du droit commun afin de la « gérer » avant le retour à la normale. A côté des pleins pouvoirs que le pouvoir constituant 1958 a offert au Président de la République, seul le législateur, parce qu’il a pour mission de protéger l’exercice des libertés publiques et individuelles (art. 34 de la Constitution) peut octroyer des pouvoirs exorbitant du droit commun aux autorités administratives qu’il aura expressément désignées : pas de prérogatives de puissance publique exorbitantes du droit commun sans texte.

Le droit public, constitutionnel et administratif particulièrement, couvre les règles juridiques encadrant ces pouvoirs. Les notions de pouvoirs de crises à l’échelle nationale font régulièrement débat : sous la Vème République depuis des années 60 jusqu’aux émeutes des banlieues en 2005 et a fortiori avec les déclaration et prorogations successives du régime de l’état d’urgence entre 2016 et 2017 au regard de la menace terroriste. Il s’agit durant une période limitée dans le temps de suspendre les gardes fous classiques (l’autorité judiciaire en étant le principal acteur) de l’usage des forces de sécurité publique et, demain sanitaire, pour un retour plus rapide à la normale pendant lesquelles des libertés non seulement publiques mais aussi individuelles ne sont plus protégées par l’État (ex : atteinte à la vie privée et perquisitions).

En dehors de ces trois régimes d’exception, la théorie des circonstances exceptionnelles permet à l'administration, sous le contrôle du juge, lorsque les événements l'exigent et pour assurer la continuité des services publics, de ne pas respecter la légalité ordinaire.

C’est ainsi qu’au plan national, le Gouvernement a pu adopter une série de décrets (rapportés dans l’Hebdo juridique de l’Ensosp) pris en conseil des ministres pour instaurer des mesures attentatoires aux libertés individuelles telles que la liberté d’aller et venir et la liberté de se réunir pour lutter contre épidémie devenue pandémie du Covid-19. Cette théorie, œuvre du Conseil d’Etat – le droit administratif étant essentiellement un droit prétorien – durant la Première Guerre Mondiale admet que la puissance publique puisse disposer de pouvoirs exceptionnellement étendus en matière d'ordre et de sécurité en cas de circonstances anormales et inhabituelles (CE 28 juin 1918, n° 63412, Heyriès ; CE 28 février 1919, n° 61593, Dames Dol et Laurent). Cette théorie a été par la suite étendue à toutes les périodes de crises, de troubles graves (exemple, mai 1968) ou encore de catastrophes naturelles (CE 18 mai 1983, n° 25308, Rodes : éruption du volcan de la Soufrière à la Guadeloupe). L'administration se dote, au nom de la nécessité, d’importants pouvoirs, essentiellement en matière de police, sous réserve de respecter deux conditions cumulatives : il faut d'abord que les circonstances révèlent une situation véritablement exceptionnelle, autrement dit qui revêt un caractère de gravité, d'anormalité et d'imprévisibilité (cas des guerres, d'émeutes ou de cataclysmes naturels). Il faut également que le respect de la légalité normale soit rendu inenvisageable par ces circonstances.

L’épidémie, devenue pandémie, de Covid-19 rempli malheureusement ces conditions et permet à l’exécutif de prendre des mesures qui relèvent normalement du pouvoir législatif, en dehors de tout texte : les règles de compétence et la hiérarchie des normes sont bouleversées. Aujourd’hui, la situation exceptionnelle a basculé en état de crise sanitaire : un régime d’exception doit alors être déclaré mais lequel ? Le législateur doit œuvrer.

Des circonstances exceptionnelles à l’état d’urgence sanitaire

Comme évoqué plus haut, l’état d’urgence est un véritable régime d’exception institué par une loi. Ce régime, organisé par la loi du 3 avril 19554, modifiée notamment par l'ordonnance n° 60-372 du 15 avril 1960 et profondément remaniée par la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 a été appliqué six fois depuis la guerre d'Algérie (entre 1955 et 2015). Il est proche de celui de l'état de siège qui diffère par l’investiture de l’autorité militaire. Déclaré par décret en Conseil des ministres sur tout ou partie du territoire en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public ou d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique, ce régime peut être prorogé au-delà de douze jours par le législateur qui fixe sa durée définitive. C'est ainsi que l'état d'urgence a été déclaré à compter du 14 novembre 2015 et prorogé jusqu'au 1er novembre 2017. Ce régime, guidé par la protection face à la menace terroriste et la sécurité, étend les pouvoirs de l’administration, non seulement pour restreindre la liberté d’aller et venir et interdire certains rassemblements mais aussi pour assigner à résidence des personnes, pour effectuer des perquisitions de domicile, pour dissoudre des associations susceptibles de porter une atteinte grave à l’ordre public, sans contrôle a priori du juge.

La situation de crise sanitaire que nous vivons appelle un régime d’exception différent et inédit, guidé par le droit à la santé pour tous, la solidarité, le soutien économique.

La création d’un état d’urgence sanitaire, calqué sur le modèle de l’état d’urgence régi par la loi du 3 avril 1955, est la mesure phare du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

Un projet de loi organique5 d’urgence pour faire face à l’épidémie du covid-19 qui suspend les délais de procédure des questions prioritaires de constitutionnalité, un projet un projet de loi de finances rectificative permettant la prise en compte des coûts liés à l’épidémie et une loi du même objet que la loi organique sont en discussion au parlement.

L’état d’urgence sanitaire est la seule mesure pérenne du projet de loi ordinaire. Il serait déclaré par décret en conseil des ministres et prorogé par la loi au bout d’un mois "en cas de catastrophe sanitaire, notamment d'épidémie mettant en jeu par sa nature et sa gravité, la santé de sa population" (article 4) par un décret pris en conseil des ministres à la suite "du rapport du ministre chargé de la santé" (article 5). Cette déclaration permet au "Premier ministre de prendre [...] les mesures générales limitant la liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberté de réunion et permettant de procéder aux réquisitions de tout bien et services nécessaires afin de lutter contre la catastrophe sanitaire mentionnée à l'article 4" (article 9).

Le ministre de la santé pourrait prendre les autres mesures générales et individuelles par arrêté (article 10).

Ces mesures doivent être proportionnées au regard des risques encourus et le comité scientifique rendrait des avis publics sur le dispositif.

Des sanctions sont également prévues en cas d'irrespect des mesures de confinement lesquelles sont nettement supérieures à celles introduites par l'arrêté du 17 mars 2020.

Des habilitations à légiférer assez étendues

Le projet de loi comporte 23 articles et vise à permettre en cas de crise sanitaire d'instaurer des mesures très variées : le report des municipales, les mesures d'urgence sanitaires, le soutien à l'économie et au travail. En effet, le titre III donne au gouvernement de très vastes habilitations à prendre par ordonnance6 des mesures législatives provisoires. Il pourrait ainsi modifier le droit du travail et le droit de la fonction publique, notamment en matière de congés et de consultation des instances du personnel. Il pourrait également adapter les règles de délai, d’exécution et de résiliation des contrats de la commande publique. Pour faire face aux conséquences sur l’administration et les juridictions, est envisagée l’adaptation des règles relatives au dépôt et au traitement des demandes présentées à l’administration. Les délais, la compétence territoriale ou encore le recours à la visioconférence devant les juridictions administratives et judiciaires pourront aussi être provisoirement modifiés. Des dérogations aux règles de fonctionnement des collectivités territoriales et des établissements publics ou encore aux modalités de délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur seraient aussi rendues possible.

Parallèlement à l’adoption de ces trois textes, la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles restent de mise au plan territorial. Inspirée des pouvoirs de crise à l’échelon national pour contrôler les mesures de police administrative adoptées dans les territoires. Une extension exceptionnelle des pouvoirs de l'administration en découle, puisque « dans des circonstances exceptionnelles, les autorités administratives peuvent prendre des mesures d'extrême urgence en vue de pourvoir aux nécessités du moment » (CE 4 juin 1947, Entreprise Chemin, req. n° 79511). La liberté étant le principe et la restriction l’exception, toute mesure de police administrative qui aurait pour conséquence de porter atteinte à l’exercice des libertés publiques doit être limitée dans le temps et dans l’espace. A ce propos, le juge administratif a une conception très territoriale et casuistique des circonstances de temps et de lieux pouvant justifier une interdiction d’aller et venir, ou une fermeture de site. Ainsi, limiter l’épidémie du covid-19, les maires, par leur pouvoir de police générale, peuvent-ils aggraver les restrictions décrétées par l’Etat, en limitant ou en interdisant les marchés maraichers, en envisageant un couvre-feu, en fermant l’accès à certains espaces vert. Toujours sous le contrôle du juge administratif, ces restrictions doivent être proportionnées (identifier un objectif et les moyens les moins dommageables pour l’atteindre), justifiées (encadrer par écrit en motivant la décision qui doit être limitée dans le temps), nécessaires (aucune alternative ne doit exister pour exécuter les missions de

Cette approche territoriale de l’ordre public demeure et il sera intéressant à observer lorsqu’on pense à la responsabilité administrative des maires et des préfets en tant de crise, aujourd’hui des directeurs généraux des ARS, le réflexe judiciaire étant ce qu’il est désormais dans notre société. La responsabilité pénale n’est par ailleurs pas exclue concernant les acteurs de la crise et ceux qui se doivent de la prévenir (cf. l’affaire de la Faute-sur-Mer).

1  L. 3 avril 1955.

2  Art. 36 de la Constitution.

3  Art. 16 de la Constitution.

4  C. défense, art. L. 2131-1.

5  Loi prévue par la Constitution qui a pour objet de préciser ou de compléter certains articles de la Constitution. Adoptée selon une procédure particulière (Const. 58, art. 46), elle est obligatoirement soumise au Conseil constitutionnel avant sa promulgation (Const. 58, art. 61).

6  L'article 38 de la Constitution de 1958 permet au Gouvernement de demander au Parlement l'autorisation de prendre par voie d'ordonnance des mesures qui relèvent normalement du pouvoir législatif.

 

Autres informations pouvant vous intéresser

Préfecture
 
Désignation du préfet coordonnateur
 
Projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19
Source : senat.fr

Ce projet de loi est débattu d'abord par le Sénat (jeudi 19 mars), puis par l'Assemblée nationale (le lendemain). Cette dernière doit d'abord se prononcer sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020.

Ce projet comporte 23 articles et vise à permettre en cas de crise sanitaire d'instaurer des mesures très variées : le report des municipales, les mesures d'urgence sanitaires, le soutien à l'économie et au travail.

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"Dispositions électorales"

Plusieurs options étaient possibles. Il est proposé de maintenir les résultats municipaux du premier tour.

Les conseillers municipaux et communaux élus dès le premier tour pourront siéger immédiatement sauf dans les communes de moins de 1 000 habitants.

En revanche, les élections municipales du second tour, initialement prévues pour le 22 mars, sont reportées en juin 2020. Un décret devra préciser le jour.

Les mandats des élus sont donc prorogés dans les communes où le conseil n'a pas été renouvelé dès le premier tour.

Le gouvernement est habilité à prendre, par ordonnance (article 38 de la Constitution), certaines mesures relatives aux élections municipales.

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"L'état d'urgence sanitaire"

L'état d'urgence sanitaire devrait constituer un nouveau cadre d'exception qui concernerait un cas bien précis : les catastrophes sanitaires telles que les épidémies.

L'état d'urgence sanitaire est inspirée directement de l'état d'urgence tel que définit par la loi du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence et en déclarant l'application en Algérie.

La déclaration d'état d'urgence sanitaire permettrait aux autorités administratives de "prendre [...] les mesures générales limitant la liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberté de réunion et permettant de procéder aux réquisitions de tout bien et services nécessaires afin de lutter contre la catastrophe sanitaire mentionnée à l'article 4" (article 9).

Néanmoins, ces mesures doivent être proportionnées aux risques encourus.

Des sanctions sont également prévues en cas d'irrespect des mesures de confinement lesquelles sont nettement supérieures à celles introduites par l'arrêté du 17 mars 2020.

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"Mesures d'urgence économique et d'adaptation à la lutte contre l'épidémie de covid-19"

L'épidémie de covid-19 ne constitue pas seulement une crise sanitaire de grande ampleur, elle fragilise également l'économie française mais de manière générale mondiale.

Le gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi, toutes les mesures utiles afin de soutenir l'économie française. Plusieurs mesures sont dores-et-déjà envisagées : recours au chômage partiel, report du versement des charges sociales et fiscales, possibilité pour les établissements bancaires d'accorder des délais de paiement sans contrepartie, adapter les conditions de travail pour les entreprises dont le secteur est particulièrement sollicité, modifier les règles de procédure collective, alléger le droit des société, etc.

 
Projet de loi organique d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19
Source : senat.fr

Ce projet de loi suspend les délais prévus concernant la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) devant le Conseil constitutionnel et ce jusqu'au 30 juin 2020 en raison de l'épidémie de Covid-19.

 
Projet de loi de finances rectificative pour 2020
Source : assemblee-nationale.fr

L'épidémie due covid-19 a un impact élevé sur l'économie française. Il est attendu un déficit de 3,9 % du PIB et une récession avec un recul de 1 % du PIB sur l'année.

Incité par l'Union européenne, le gouvernement a décidé de soutenir au mieux l'économie française en déployant des moyens massifs :

- 45 milliards d'euros de mesures de soutien immédiates, portées par les deux projets de loi ;

- 300 milliards d'euros de prêts garantis par l’État en vertu du présent projet de loi de finances rectificative ;

- 1 000 milliards d'euros de garanties de prêts bancaires par les puissances publiques européennes.

 
Proposition de résolution n° 2753 pour assurer la transparence dans l'état des lieux réel des stocks de masques et autres matériels médicaux contre le Covid-19
Source : assemblee-nationale.fr

Les députés signataires considèrent qu'il y a plusieurs questions en lien l'état des lieux des matériels médicaux utiles contre le Covid-19 qui demeurent en suspens alors même que les professionnels de santé se questionnent.

Ils prennent le soin de relayer les questions qui sont les suivantes :

- Pourquoi les médecins et les soignants libéraux n’ont pas les mêmes protections que lors de l’épidémie de H1N1 ?

- Pourquoi votre plan de protection des personnels soignants ne suit pas l’avis de référence du Haut Conseil pour la santé publique (HCSP) ?

- Quel est l’état réel des stocks réellement à disposition de l’État et des moyens de production français ?

- Quels sont les ordres de grandeur des commandes du Gouvernement ?

- Les gouvernements ont‑ils vraiment stoppé la constitution de stocks de masques pour les professionnels de santé de 2011 jusqu’aujourd’hui ?

- Les gouvernements entre 2011 et 2020 ont‑ils organisé la baisse des stocks pour raison financière contre l’avis des experts de la santé ?

- Pourquoi avoir commandé si tardivement des masques ? Qu’en est‑il de la commande du NHS britannique à l’entreprise Valmy ?

- L’envoi de 17 tonnes de matériel médical en Chine a‑t‑il fragilisé les stocks français ?

- Êtes‑vous sûr de la protection équivalente de 2 masques chirurgicaux simples avec un FFP2 ?

Face à ces questions, "les signataires invitent donc l’Assemblée nationale à exiger du Gouvernement la totale transparence dans la gestion des stocks de matériel de protection et de répondre aux différentes questions que cette résolution soulève".

 
Contrats et coronavirus : un cas de force majeure ? Ça dépend… par Ludovic Landivaux
Source : dalloz-actualite.fr

"En cette période inédite, où il est interdit à plus de cent personnes de se rassembler depuis le 13 mars 2020 et où, surtout, l’on ne peut plus se déplacer sauf rares exceptions2 depuis le mardi 17 mars à midi, il est utile de mesurer les effets juridiques du covid-19 sur l’activité économique et plus particulièrement sur le droit des contrats."

(la suite dans le lien)

 

Questions/Réponses

Pénurie de solutions hydroalcooliques
Question n° 27373 de M. Paul-André Colombani (Libertés et Territoires - Corse-du-Sud) publiée dans le JO Assemblée nationale en date du 10/03/2020

M. Paul-André Colombani alerte Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur la nécessité de saisir au plus vite l'ANSES au sujet d'une dérogation permettant une mise sur le marché de solutions hydro-alcooliques préparées en pharmacie, selon la formule préconisée par l'OMS. En effet, les solutions hydro-alcooliques sont des produits biocides désinfectants de type TP1 destinés à l'hygiène humaine au sens du règlement européen (UE) n° 528/2012, dont l'autorisation de mise sur le marché est délivrée par l'ANSES. Or, afin de faire face efficacement à la pénurie actuelle de ces solutions hydro-alcooliques et à la situation de spéculation qu'elle engendre, il est urgent de faciliter l'autorisation de mise sur le marché de ces produits dont l'efficacité et la praticité ne sont plus à démontrer et qui sont des alliés précieux et complémentaires au savon dans le cadre de la prévention de la propagation du coronavirus Covid-19. Ainsi, autoriser les pharmaciens à produire et commercialiser ces solutions hydro-alcooliques peu onéreuses et facilement réalisables en pharmacie, comme le réclame notamment la Fédération des syndicats pharmaceutiques, permettrait indéniablement d'aider à la reconstitution des stocks nécessaires à une campagne de prévention de propagation du virus de grande ampleur et ce alors que les laboratoires font déjà tourner leur production de solutions hydro-alcooliques à plein régime. Il l'interroge donc sur les modalités que son ministère peut déployer afin de faciliter la mise sur le marché de ces produits.

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Question similaire :

- n° 23375 de M. Christophe Naegelen (UDI, Agir et Indépendants - Vosges) publiée dans le JO Assemblée nationale du 10/03/2020.

Réponse du ministère de la transition écologique et solidaire publiée dans le JO Assemblée nationale du 17/03/2020

Les produits hydro-alcooliques font partie des solutions les plus efficaces pour l'inactivation rapide et efficace d'un large éventail de micro-organismes qui peuvent être présents sur les mains. En raison de la situation sanitaire, par arrêté du 6 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, les solutions hydro-alcooliques destinées à l'hygiène humaine peuvent être préparées, en cas de rupture de leur approvisionnement, par les pharmacies d'officine et les pharmacies à usage intérieur mentionnées aux articles L. 5125-1 et L.5126-1 du code de la santé publique. Cette décision va permettre de répondre à une demande forte de la population et aux besoins internes des établissements de santé et médico-sociaux, l'encadrement de la pratique par des professionnels de santé formés va également permettre de sécuriser l'accès à ce geste de prévention indispensable. Les solutions hydro-alcooliques sont préparées dans les conditions recommandées par l'Organisation mondiale de la santé.

 

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