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Synthèse du rapport

A propos du rapport de l'IGA, Le financement des services d’incendie et de secours : réalisations - défis - perspectives

03/02/23

Ce rapport de l’IGA – datant du mois d’octobre – a été rendu public fin du mois de janvier. Il fait un état des lieux du financement complexe des services d’incendie et de secours (à l’exclusion des unités militaires) en application de l’article 54 de la loi Matras. Ce texte oblige le gouvernement à remettre « au Parlement, avant le 1er janvier 2023, un rapport portant sur le financement des services départementaux et territoriaux d'incendie et de secours ». Ce rapport est divisé en deux volets, un volet rétrospectif avec pour point de départ la départementalisation et un volet prospectif avec des propositions. Au regard de sa densité et de sa technicité, nous ne proposons ici qu’un bref résumé qui synthétise les points les plus intéressants à retenir.

I – Rétrospective : Une préservation de la qualité du service au prix d’une augmentation des dépenses

Dans la partie rétrospective, les rapporteurs mettent en lumière plusieurs données. Les dépenses des SIS, durant la période de 2002 à 2021, sont d’abord passées au crible dans la première des cinq parties du rapport. Les dépenses des SIS constituent les principales dépenses de la sécurité civile même si elles ne sauraient être exclusives (il ne faut pas oublier le rôle de l’Etat et des unités militaires, BMPM et BSPP). C’est la raison pour laquelle les rapporteurs se focalisent sur ces établissements publics territoriaux. Les dépenses des SIS ont fortement augmenté : de 3,2 Md€ en 2002, elles sont passées à 5,4 Md€ en 2021, soit une progression de plus de 66%. Pour autant, cette évolution n’est pas homogène ou constante ; il est observé une nette progression durant la période de 2002 à 2011 (+ 50%). La plus grande dépense pour un SIS est, sans surprise, celle liée au personnel (SPP et PATS) laquelle a considérablement augmenté pour une double raison : une augmentation de l’effectif et une augmentation des rémunérations. A côté de la dépense de personnel, les rapporteurs ont souligné l’important effort d’investissement réalisé par les SIS et la nouvelle dynamique entreprise depuis 2017. Cette catégorie de dépenses a vocation à « mettre à niveau » les équipements tels que les infrastructures, les matériels de secours, les véhicules. En dépit d’une réelle progression (+ 35%) liée là-encore à la départementalisation, sa proportion dans les dépenses totales n’a cessé de reculer (20,2% en 2002 et 16,5% en 2021). Cette progression a été rendue possible grâce aux financeurs publics que sont les départements et l’emprunt.

Ensuite, les rapporteurs se sont intéressés aux causes extérieures qui ont entraîné une augmentation des dépenses (partie 2). Il est constaté qu’au cours de ces vingt dernières années, une augmentation de plus de 28,8% de l’activité des SIS ; celle-ci est étroitement liée au secours à personne (+ 74,8%). Cette dynamique varie d’un territoire à un autre. Par ailleurs, ils ont relevé une certaine dérive dénoncée par les intéressés depuis de plusieurs années. Le secours à personne (SAP) dès lors qu’il repose sur un critère d’urgence relève d’une des missions des sapeurs-pompiers. Très souvent, les sapeurs-pompiers sont appelés pour compenser les indisponibilités des ambulances privées ou pour intervenir pour des soutiens divers tels que le relevage de personne. Comme il est indiqué dans le rapport, le secours à personne est la partie visible de l’activité des SIS. Les sapeurs-pompiers et plus précisément les officiers préventistes ont un rôle majeur dans la prévention ; cette activité est en légère croissance durant la période 2012-2021.

Malgré toutes ces contraintes (intérieures comme extérieures) qui mettent la capacité opérationnelle des SIS sous tension, ils ont remarqué que le système résistait. La qualité des services rendus demeuraient. Pour les auteurs, le système maintient son efficience grâce à une modernisation menée à trois niveaux :

  • Modernisation de la formation exigée à l’égard des SPP et SPV et de l’encadrement (création du cadre des emplois de conception et de direction) : une montée en gamme dans les compétences à tous les niveaux hiérarchiques.
  • Modernisation et réactualisation des deux documents phares des SIS que sont les SDACR et RO : une meilleure couverture des risques.
  • Modernisation de la direction départementale : développement des SSSM (sous-direction de la santé) et création d’un organigramme composé de la direction, de sous-directions, de groupements et de centres de secours.

 

II – Prospective : le futur du financement des SDIS

La départementalisation entamée depuis 1996 a donc placé le département au cœur du financement des SDIS. La loi de 2002 sur la démocratie de proximité et celle de 2004 sur la modernisation de la sécurité civile n’ont fait qu’aggraver cette tendance. Pour les départements, en moyenne, le fonctionnement des SDIS représentent 5% de leurs dépenses, autant que le fonctionnement des collèges et beaucoup moins que la politique sociale, de loin le principal poste de dépense (62% du budget en moyenne)

Le rapport détaille avec précision les sources de financement des SDIS, rappelant que les départements et les EPCI supportent l’essentiel des dépenses. Dans le détail, des quelques 4,9 milliards d’euros perçus par les SDIS pour leur fonctionnement, 51% (2,5 milliards) sont versés par les 101 départements, 1,3 milliards (26%) par les EPCI. Tout réuni, la participation du bloc communal n’atteint pas le milliard d’euros et se maintient à 726 millions. Et cet écart tend à se creuser depuis 20 ans puisque, comme le souligne le rapport, « sur la période 2002-2021, en euros courants, la participation des départements a plus que doublé (+122 %), tandis que celle des communes et des intercommunalités a augmenté de 37% ». Autre enseignement à tirer de ces chiffres : la montée en puissance des EPCI dans le financement des SDIS : la part des financements par le bloc communal assuré par les EPCI dépassant 50% - encouragé en cela par l’article 97 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République de 2015. C’est là l’une des pistes évoquées dans le rapport qui retiendra notre attention : encourager cette dynamique d’augmentation de la participation du bloc communal –intercommunalités notamment – au financement des SDIS.

La quatrième partie du rapport est de loin la plus intéressante. Elle se subdivise en deux scénarios desquels dépendront les financements futurs des SDIS : soit un horizon constant sans changement majeur qui n’implique qu’un maintien en l’état des moyens humains et matériel, soit un environnement dégradé qui pousserait le système actuel dans ses ultimes retranchements.

Plus confortable, le premier scenario nécessite surtout d’assurer un renouvellement régulier du matériel et des moyens humains. L’essentiel des investissements a en effet déjà été effectué, le parc immobilier des SDIS est suffisamment dense et les besoins en constructions onéreuses, limités. Alors que la valeur flotte de véhicules actuelles est estimée à 3,3 milliards d’euros, son rajeunissement annuel est estimé à « seulement » 160 millions d’euros. Actuellement, d’après le rapport, l’état de la flotte laisse entrevoir des disparités d’âges en fonction du type de véhicule ; ainsi, les achats « sont proches du renouvellement théorique pour les VSAV, les VSR-CCR, les échelles et bras élévateurs, mais assez nettement en dessous pour les engins de lutte CCF et FPT ». Pire, « l’approche par la comptabilité fait apparaître des taux de vétusté en croissance régulière pour le matériel mobile d’incendie (compte 21562), passant de 51 % en 2011 à 61 % en 2021 ; la vétusté du matériel non mobile d’incendie serait de 74 % ». Plus largement, conclut le rapport sur cette question du renouvellement du matériel, « le maintien à niveau des moyens matériels des SIS exige certainement au moins une continuité de l’effort et plus vraisemblablement un accroissement de l’investissement ; on observe en effet que la dépense moyenne annuelle d’investissement est relativement stable depuis 2002, ce qui équivaut une relative dégradation compte tenu de l’évolution des prix ».

Voilà pour le scénario où le système actuel de sécurité civile ne but pas de grave choc. Cependant, il existe des hypothèses le remettant en cause profondément. Trois facteurs peuvent le bouleverser en profondeur.

Premièrement, la crainte la plus évidente est celle de l’accroissement des tâches à accomplir en raison de risques aggravés. Accroissement lié d’abord au réchauffement climatique lequel, en augmentant le risque feu de forêts, entrainerait des dépenses en équipements nouvelles pour certains SDIS jusqu’ici épargnés par ce phénomène. Ainsi, « remonter le parc national actuel de CCF (3 845) au niveau de 2005 (4 942) représenterait une dépense supplémentaire d’au moins 200 M€, avec une hypothèse basse de coût du CCF autour de 200 000 € », dépense inégalement répartie puisque certains départements n’alignant que quelques CCF devraient investir massivement pour combler ce retard. Enfin, le réchauffement climatique aggraverait considérablement les catastrophes naturelles, des inondations aux tempêtes, ce qui mettrait plus fréquemment en difficulté les hommes et les matériels actuellement disponibles. Le réchauffement climatique ne serait pas seul en cause dans l’accroissement futur des taches des SIS : ces derniers devront faire face au vieillissement de la population et à une augmentation signification des missions SAP parfois évitables – carences ambulancières. Le rapport propose plusieurs pistes pour éviter que cette charge ne pèse trop sur les SIS comme l’abandon de certains missions (les carences et les relevages par ex.) au profit d’un service dédié, le recrutement de SPP ou la redéfinition, à la baisse, des moyens engagés pour certaines missions SAP. A cela s’ajoute d’autres risques plus spécifiques et plus ciblés : la survenue d’une crise sanitaire type Covid-19, la protection du patrimoine (Incendie de Notre Dame de Paris) et les incendies de véhicules électriques dans les parkings souterrains.

Deuxièmement, la remise en cause du volontariat menacerait les capacités opérationnelles des SIS. Depuis 2002, la baisse du nombre de volontaires n’a été que 2% (et ce nonobstant que «la fermeture d’une partie des centres communaux non intégrés a conduit certains de leurs SPV à cesser leur engagement ») mais le nombre actuel de SPV (197 756) reste en deçà des objectifs fixés par la FNSP (250 000). Les causes de ce manque de dynamisme ? La modification de la notion de citoyenneté, qui ne s’entend plus aujourd’hui comme une participation à la vie de la Cité, l’urbanisation qui distend les liens sociaux et décourage l’engagement, la réticence de certaines entreprises à voir leurs employés s’engager, l’évolution de l’engagement vers des missions SAP moins attrayantes que la lutte anti-incendie. A cela s’ajoute des pratiques et des modalités d’emplois des SPV (et des SPP avec le système G24) qui, en plus d’être épuisantes pour les volontaires, sont aux limites de la légalité et sont aujourd’hui menacées par la jurisprudence Matzak de 2018 et, plus largement, par l’interprétation 2003/88/CE par la CJUE.

Troisièmement et dernièrement, les problématiques entrainées par la nécessaire recherches d’économies. En plus d’impliquer les SIS dans une culture de l’économie « dans le contexte actuel où aucun gestionnaire public n’est exempt de la contrainte budgétaire, aucune dépense ne devrait être présentée comme inéluctable et indiscutable », le rapport pose la question du paiement de la TICPE qui touche encore certains véhicules de secours ou l’assujettissement SDIS à la FIPHFP – laquelle s’applique aux services publics n’embaucha pas au moins 6% de personnes handicapés alors que la mission même des SDIS semble difficilement compatible avec le handicap. Une source considérable d’économie serait trouvable, d’après le rapport, dans la mutualisation. Depuis dix ans souligne le rapport « les SDIS ont accompli d’incontestables progrès. Alors que le taux d’achats mutualisés inter-SDIS de VSAV s’établissait à 11,3 % des achats totaux en 2012, ce taux était de 31 % en 2020 ». Cette logique aurait tout intérêt à s’étendre à la formation car celle-ci coute environ 1,1 millions d’euros par SDIS et qu’il n’existe pas de centre interdépartementaux de formation – du moins, les rapporteurs n’en ont pas eu connaissance.  Fait notable, « 92 % des participants à l’enquête estiment que ces actions communes pourraient être approfondies. Les fonctions support (commande publique, finances, gestion immobilière) sont celles qui sont le plus régulièrement citées comme axes d’approfondissement de la mutualisation ».

 

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En conclusion, qu’elles sont les ressources nouvelles dont pourraient bénéficier les SDIS en plus des économies évoquées plus haut ? Parmi les pistes de changement dans le mode de financement des SDIS, « plusieurs interlocuteurs de la mission [notamment les directeurs de SDIS et les syndicats, ndlr.] sollicitent le fléchage direct aux SDIS de la fraction de taxe spéciale sur les conventions d’assurance aujourd’hui versée par l’Etat aux départements, soit 1,2 Md€ d’euros en 2020 ». Les rapporteurs proposent une autre solution :

« La création d’un fonds d’intervention pour les SDIS, alimenté par une partie de la croissance de la TSCA, voire par une fraction additionnelle de la taxe, permettant de rétablir l’effort de l’Etat pour l’aide à l’investissement serait sans doute la meilleure façon de tenir compte des situations locales, des besoins et des risques, en proportion de l’effort des autres financeurs »

A cela pourrait s’ajouter aussi « une taxe additionnelle aux taxes locales (notamment la taxe d’enlèvement des ordures ménagères) » comme l’avait préconisé l’Assemblée nationale en 2009. Aussi, rappelle le rapport, l’article L1424-42 du CGCT « ouvre la possibilité de facturer différents types de mission ne relevant pas de ses missions obligatoires (service de sécurité, destructions d’hyménoptères, mise en sécurité d’ascenseurs …), et surtout les interventions par carence de transporteurs sanitaires privés ». De loin, c’est ce dernier qui est potentiellement le plus gros générateur d’économie humaine et matérielle. A cette fin, le rapport propose d’attendre les effets produits par les dernières mesures entrées récemment en vigueur, à savoir le décret du 22 avril 2022 portant réforme des transports sanitaires urgents et de leur participation à la garde ainsi que la hausse significative (+ 61,3%) du tarif d’indemnisation des interventions effectuées par les SDIS à la demande de la régulation médicale du SAMU.

Fabien Gallinella & Alexia Touache

Publié le 03/02/23 à 10:55