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Le Premier ministre a présenté, mardi 28 avril, le plan de déconfinement à l'Assemblée nationale, lequel a été suivi d'un débat et d'un vote approuvé des députés. La « stratégie nationale » après le 11 mai est axée autour de la triptyque « protéger, tester et isoler » ; six thèmes ont été abordés successivement : la santé, l’école, le travail, le commerce, les transports et les rassemblements.
On notera également que la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 a été adoptée pour prendre en compte notamment le plan de relance qui s’élève à 110 milliards d’euros.
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Présentation :
Les décisions ont trait à la discipline, aux congés, à la légalité et la responsabilité administrative.
De manière assez discrète (l’ordonnance a vite intégrée la base de donnée sans publicité), le CE a rejeté la demande d’un syndicat de suspendre les dispositions relatives aux congés imposés dans la fonction publique.
A l’inverse, le CE a acquiescé la requête de la FFUB d’enjoindre au gouvernement de publier un communiqué autorisant expressément l’utilisation du vélo comme moyen de déplacement.
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DISCIPLINE
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Sanctions
Exclusion temporaire
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Une infirmière-anesthésiste affectée au service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) du CHU de Brest a été exclue temporairement de ses fonctions pour une durée de six mois dont trois mois avec sursis.
A la demande de l'infirmière, le Tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du CHU de Brest. Le CHU de Brest a relevé appel du jugement.
Il est reproché à l'encontre de la soignante, lors d'une opération de secours, « de ne pas avoir participé à l'armement de l'hélicoptère, d'avoir remis en cause la stratégie d'intervention et les moyens y ayant été affectés, d'avoir débranché l'oxygénation du patient transporté sans en référer préalablement au médecin accompagnateur et d'avoir fait courir ainsi un risque à ce patient ».
Les pièces du dossier ont fait ressortir que si la soignante « a effectivement débranché l'oxygénateur de l'hélicoptère sans en avoir expressément et préalablement référé à un médecin, ce geste n'a été accompli qu'une fois l'hélicoptère posé à proximité d'une ambulance où l'oxygénation du patient allait se poursuivre sans délai et sans risque particulier pour celui-ci, ce geste étant nécessaire pour pouvoir opérer le transfert hélicoptère-ambulance, et étant très habituellement pratiqué, dans des conditions identiques, par des infirmières-anesthésistes ».
En revanche, il est démontré que l’infirmière « a délibérément pris une initiative non conforme aux consignes médicales reçues [déplacer la patiente allonger sur un brancard] et s'est soustraite à celles-ci [mettre en place une perfusion sanguine], tout en mettant en danger la santé des patients ». Pour les juges d’appel, ces faits caractérisent une faute « d'autant plus qu'ils ont été commis dans un contexte d'urgences médicales qui nécessite un respect scrupuleux des consignes pour éviter toute désorganisation du service préjudiciable aux patients en situation d'urgence vitale ».
Si une sanction se justifiait, une exclusion temporaire a été jugée disproportionnée au regard des faits reprochés. De plus, c’était la première fois que l’infirmière faisait l’objet d’une procédure disciplinaire.
La requête du CHU de Brest est une nouvelle fois rejetée.
(CAA Nantes 2 avril 2020, n° 19NT00097, CHU de Brest)
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STATUT
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Congés
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Trois SPP ont sollicité chacun auprès de leur employeur, le SDIS, l'octroi d'un jour de congé supplémentaire au titre des congés dits de " fractionnement ".
L'article 1er du décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux prévoit qu'un « jour de congé supplémentaire est attribué au fonctionnaire dont le nombre de jours de congé pris en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre est de cinq, six ou sept jours ; il est attribué un deuxième jour de congé supplémentaire lorsque ce nombre est au moins égal à huit jours » (in fine).
Le Tribunal administratif de Grenoble a annulé les deux décisions du SDIS de rejet. Le SDIS et les deux SPP ont relevé appel.
Les juges administratifs d’appel ont fait observer que le décret du 26 novembre 1985 s’applique à tous les fonctionnaires territoriaux, y compris les sapeurs-pompiers.
Le SDIS a soutenu que ses agents « disposent de trente-deux jours de congés annuels augmentés de quatre jours supplémentaires accordés par le président ainsi que de douze jours de récupération de temps de travail ». Pour les juges, « même à supposer exactes les affirmations du SDIS [...] selon lesquelles les pompiers professionnels disposent de quarante-huit jours de congés, cette seule circonstance ne permet pas de considérer que ces jours incluent les deux jours dits de fractionnement dont l'octroi dépend uniquement des conditions susmentionnées ».
Les trois agents sont donc fondés à réclamer leur jour supplémentaire de congé.
La requête du SDIS a une nouvelle fois été rejetée.
(CAA Lyon 9 avril 2020, n° 18LY00827, SDIS et MM. D…, H… et E…)
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La Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière a demandé au juge des référés du Conseil d’État « d'ordonner la suspension de l'exécution de l'ordonnance n° 2020-430 du 15 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale au titre de la période d'urgence sanitaire ».
L’article 1er de l’ordonnance oblige en particuliers « les fonctionnaires et agents contractuels de droit public de la fonction publique de l’État, […] en autorisation spéciale d'absence entre le 16 mars 2020 et le terme de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020 susvisée ou, si elle est antérieure, la date de reprise par l'agent de son service dans des conditions normales » de prendre, sous certaines conditions, dix jours de réduction du temps de travail ou de congés annuels au cours de cette période. L’article 2 du même texte prévoit également que « le chef de service peut imposer [à ses agents], de prendre cinq jours de réduction du temps de travail ou, à défaut, de congés annuels au cours de cette période ».
Le juge des référés a observé que le gouvernement était habilité par le Parlement pour adopter de telles mesures alors même qu'il disposait de la compétence. Par conséquent, le Président de la République « compétemment, sans habilitation du législateur, fixer les règles litigieuses, en faisant obligation aux agents de prendre des jours de congés pendant une période déterminée, cette période débutant le lendemain de l'entrée en vigueur de l'ordonnance ».
En outre, ces mesures ne concernent pas les autorisations d'absence liées à la parentalité et à l'occasion de certains évènements familiaux. Le requérant ne pouvait soutenir que les dispositions portaient atteintes à l'article 21 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
La requête a ainsi été rejetée.
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LÉGALITÉ ADMINISTRATIVE
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Acte administratif
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Une société a contesté une partie de l’arrêté du 23 avril 2018 qui « fixe les exigences techniques et les modalités générales du balisage des obstacles à la navigation aérienne ». Elle a reproché à cet arrêté d’imposer « un balisage lumineux permanent des éoliennes, sans autoriser le recours à des technologies de balisage dit " circonstanciel ", intermittent, qui permet de n'identifier ces obstacles par des feux lumineux qu'en cas de localisation d'un aéronef à proximité ».
Le Conseil d’État a rappelé que l’article 3 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ne s’applique pas à l’égard des plans et programmes destinés uniquement à des fins de défense nationale et de protection civile.
Par conséquent, « les dispositions attaquées de l'arrêté du 23 avril 2018, qui ont pour objet, par l'établissement de règles de balisage des obstacles à la navigation aérienne telles les éoliennes, de garantir la sécurité de la circulation aérienne civile et miliaire ainsi que la protection des populations survolées, ne sont, en tout état de cause, pas soumises à la procédure d'évaluation environnementale ».
Ensuite, les conseillers d'état ont écarté l'argument selon lequel l'arrêté attaqué aurait été adopté à la suite d'une procédure irrégulière. En effet, les règles de balisage des éoliennes n'ont pas « une incidence directe et significative sur l'environnement » justifiant la participation du public dans l'élaboration de l'acte.
Enfin, ils ont estimé que les règles étaient proportionnées dans la mesure qu’elles « sont nécessaires pour assurer la sécurité en matière de circulation aérienne, sans qu'elles soient susceptibles d'entraîner des inconvénients excessifs pour la tranquillité des riverains, le maintien de la biodiversité ou le développement de l'énergie éolienne ».
Pour toutes ces raisons, la requête a été rejetée.
(CE 13 mars 2020, n° 425161, société InnoVent)
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Police administrative
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Le maire de Walheim a édicté un arrêté « anti-pesticide », en interdisant l’utilisation des produits phytopharmaceutiques « à une distance inférieure à 100 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d'habitation ou professionnel et en réduisant cette distance à 70 mètres dans certains cas ».
Le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande du préfet du Haut-Rhin tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de cet arrêté.
Le préfet a interjeté appel.
La Cour administrative d’appel de Nancy a cité le Conseil d’État pour réaffirmer que « s'il appartient au maire, responsable de l'ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale qu'en cas de danger grave ou imminent ou de circonstances locales particulières ».
Et d’ajouter : « à supposer même que cette carence temporaire des autorités détentrices de la police spéciale de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques fût de nature à justifier, en raison d'un danger grave et imminent, l'intervention en urgence du maire sur le fondement de ses pouvoirs de police générale, l'arrêté attaqué ne mentionne aucun élément qui, à Walheim, caractériserait l'existence d'un tel péril imminent pour la population de cette commune, ce que ne peuvent constituer les seules indications contenues dans l'arrêté relatives au manque d'études et à l'absence d'informations sur la toxicité et l'écotoxicité des particules employées dans les produits phytopharmaceutiques ».
De plus, « la présence dans la commune de nombreuses habitations situées à proximité immédiate de terres agricoles cultivées, dont certaines sous le vent de parcelles agricoles cultivées, et d'une inquiétude des habitants de la commune, qui demanderaient des mesures de protection au maire » ne constituent pas des circonstances locales justifiant l’intervention de l’élu.
Le jugement a donc été annulé.
(CAA Nancy 10 avril 2020, n° 20NC00487, Préfet du Haut-Rhin)
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L’association a demandé au juge des référés « d’ordonner, la suspension de l’exécution de la décision du 24 avril 2020 prise par le maire de la commune de Cholet ayant pour objet d’interdire de 22 heures à 5 heures sur la voie publique ou l’espace public de l’ensemble du territoire communal, à compter du 24 avril 2020 toute circulation ».
Le juge des référés fait observer que « le législateur a institué une police spéciale donnant aux autorités de l’État mentionnées aux articles L.3131-15 à L.3131-17 la compétence pour édicter, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les mesures générales ou individuelles visant à mettre fin à une catastrophe sanitaire telle que l’épidémie de covid-19, en vue, notamment,d’assurer, compte tenu des données scientifiques disponibles, leur cohérence et leur efficacité sur l’ensemble du territoire concerné et de les adapter en fonction de l’évolution de la situation ».
Dès lors si le maire demeure compétent, y compris en période d’état d’urgence sanitaire, de prendre des mesures de police générale, il ne peut user de ce pouvoir lutter contre l’épidémie de Covid-19.
Pour le juge, le maire de Cholet n’a pas démontré de « raisons impérieuses, propres à la commune » justifiant son intervention. Il a estimé que cet arrêté compromettait la cohérence et l’efficacité des mesures prises au niveau national.
Cet arrêté avait déjà été suspendu par une ordonnance du 24 avril 2020. Pour autant, l’élu local avait, par voie de communiqué de presse, renouvelé l’arrêté en réduisant la durée de l’interdiction de circuler qui s’appliquerait désormais de 22 heures à 5 heures du matin.
Le juge administratif considère que ce communiqué doit être considéré comme « une décision verbale, qui n’a donc pas fait l’objet d’une publication officielle et a été portée à la connaissance des administrés par voie de presse, qui n’est pas motivée et qui édicte, à compter du vendredi 24 avril 2020, une interdiction générale de circuler entre 22 heures et 5 heures sur l’intégralité du territoire de la commune de Cholet et ce pour une durée indéterminée ».
Cette décision a été suspendue car elle « porte une atteinte immédiate à la liberté d’aller et venir et à la liberté personnelle des personnes appelées à se déplacer sur l’ensemble du territoire de la commune de Cholet ».
(
, n° 2004501, Ligue des droits de l’Homme)
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RESPONSABILITÉ
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Responsabilité administrative
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Faute
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Un propriétaire a engagé la responsabilité administrative du maire de la commune de Saint-Ambroix après s’être vu annulé son permis de construire par un jugement du 20 septembre 2013 du Tribunal administratif de Nîmes à la demande du Préfet du Gard.
Le requérant a relevé appel du jugement qui a rejeté sa demande d’indemnisation.
La Cour administrative d’appel de Marseille a considéré que le maire, en accordant les permis de construire sans tenir compte du risque d’inondation, avait fait une mauvaise application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, constituant une faute de nature à engager sa responsabilité.
La juridiction administrative a toutefois retenue une exonération partielle de la responsabilité de la commune.
En effet, « eu égard à la localisation des parcelles à proximité immédiate de cours d'eau et à l'information sur le caractère inondable du terrain faisant l'objet de mentions sur le compromis de vente et l'acte de vente, il appartenait [au propriétaire] de s'assurer de l'évolution ou non du niveau du risque d'inondation du terrain convoité afin d'être informé de l'aléa évalué à fort par le PPRI opposable à la date de la régularisation de l'acte notarié et dont le règlement applicable à la zone F-U où est classé le terrain, interdit les constructions nouvelles ».
Par contre, le maire ne pouvait soutenir que les services de l’État ont été négligeant en transmettant de manière tardive l'avis défavorable de la direction départementale des territoires et de la mer du Gard.
De même, le préfet était en droit d'agir, l'action contre les décisions n'étaient pas prescrites.
La requête a malgré tout été rejetée une nouvelle fois car le requérant « ne fait état que d'un préjudice futur et purement éventuel ».
(CAA Marseille 24 mars 2020, n° 18MA05471, M. C...)
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Référé-liberté
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La Fédération française des usagers de la bicyclette a demandé au juge des référés du Conseil d’État d’enjoindre au gouvernement de publier un communiqué autorisant expressément l’utilisation du vélo dans le cadre des déplacements autorisés.
Le juge des référés a constaté que « plusieurs autorités de l’État continuent de diffuser sur les réseaux sociaux ou dans des réponses à des « foires aux questions », l’information selon laquelle la pratique de la bicyclette est interdite dans le cadre des loisirs et de l’activité physique individuelle « à l’exception des promenades pour aérer les enfants où il est toléré que ceux-ci se déplacent à vélo, si l’adulte accompagnant est à pied », ainsi qu’un pictogramme exprimant cette même interdiction ».
Il a estimé que ces contradictions de communication par les autorités publiques constituent des incertitudes « portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».
Le juge de l’évidence fait donc droit à la demande de la Fédération.
En revanche, les autres demandes (enjoindre au préfet de rouvrir les pistes cyclables, interrompre les procédures engagées contre les cyclistes) ne relèvent pas de la compétence du juge des référés.
(CE 30 avril 2020, n° 440179, Fédération française des usagers de la bicyclette)
Décret du 23 avril 2020 portant nomination du sous-préfet de Fontenay-le-Comte - M. LECRU (Grégory) (NOR: INTA2009606D)
Les auteurs font un constat bien connu : la production industrielle européenne tant manufacturière classique que sanitaire s'est délocalisées au profit de pays à moindre coût tel que la Chine.
Plusieurs exemples sont cités qui témoignent de la désindustrialisation progresse qu’a connu la France durant ces dernières années : la fermeture du groupe américain Honeywell, frabriquant de masques de protection, la fermeture de l’entreprise Luxfer, fabriquant de bouteilles d’oxygène, ou encore l’usine Famar, seul site de production de nivaquine, actuellement en redressement judiciaire.
Aujourd'hui, l'Europe est incapable, selon eux, « de répondre aux besoins essentiels des populations en termes de masques de protection notamment ».
La crise actuelle à la fois sanitaire et économique constituent, pour ces députés, une occasion unique de replacer « le principe de l’État stratège au rang des priorités ». En d’autres termes, « l’État doit pouvoir définir ce qu’est une entreprise indispensable à notre santé et en dresser la liste », afin d’être en mesure de produire et de fournir à la population masques, blouses, charlottes, appareils respiratoires et oxygène médical « de manière localisée ».
Ils proposent ainsi de mener des nationalisations stratégiques à l’égard d’entreprises clés « afin de planifier la production en fonction du seul besoin humain, et non d’un impératif financier ».
De plus, ils encouragent « le Gouvernement à développer des entreprises publiques dans les secteurs où des manques sont identifiés ».
Un autre groupe de députés a déposé, quelques jours plus tard, une proposition de loi assez similaire visant à fixer un taux minimal de production française et européenne des produits de première nécessité (produits alimentaires, d'hygiène et de santé essentiels au quotidien de tous.
Les auteurs proposent de « réorienter la commande publique afin de s’assurer que 75 % de la commande publique soit réservée aux entreprises produisant les médicaments et dispositifs médicaux en France et plus largement au sein de l’Union Européenne ».
Le Conseil national du numérique a rendu un avis favorable accompagné de 15 recommandations.
Pour le Conseil, il est nécessaire que cette application s’inscrive « dans une stratégie plus globale de santé publique ». Le dispositif ne peut constituer l’unique solution. Son efficacité va dépendre de plusieurs paramètres.
Il faut qu’au moins 60 % de la population ait recours à cette technologie, ce qui implique un accès large. Le Conseil suggère de « mobiliser les acteurs du terrain (collectivités, structures de médiation, associations) pour évaluer les besoins et accompagner les plus éloignés du numérique, voire participer à leur équipement » (recommandation n° 10).
Le Conseil insiste, par ailleurs, sur la souveraineté numérique qui est, selon lui, une condition fondamentale afin d’instaurer une confiance du citoyen en cette technologie. Il est souhaitée une seule application de ce type laquelle doit être « libre de tout soupçon d’intérêt économique sous-jacent » (recommandations n° 3 et n° 4).
La confiance ne peut aboutir sans un minimum de transparence. L’institution propose la création d’un comité de contrôle comprenant des parlementaires, des chercheurs et des citoyens-experts (recommandation n° 1).
Un cadre stricte doit permettre de préserver les droits et libertés fondamentaux. Un décret doit permettre de fixer les conditions de sa mise en œuvre, sa durée dans le temps et déterminer les garanties sur la protection des données (recommandation n° 2). Ce dispositif doit relever « de l’ordre public sanitaire et donc de l’intérêt général ».
(Avis Conseil national du numérique 24 avril 2020, StopCovid)
Le secrétaire d’état chargé du numérique a spontanément saisi la CNIL afin de vérifier que l’application mobile « StopCovid » que le Gouvernement entend mettre à disposition du public soit conforme en tout point au droit de la protection des données personnelles tant au niveau national qu’au niveau européen.
StopCovid est une application de « suivi de contacts » (« contact tracing »), utilisable sur un ordiphone (smartphone) ou autres équipements mobiles et destinée à avertir les usagers qu’ils « ont été à proximité, dans un passé proche, de personnes diagnostiquées positives au COVID-19 ».
Cette application fonctionnera sous les systèmes d’exploitation Android et iOS et « d’un serveur central qui assurera le stockage et la transmission d’un certain nombre de données nécessaires ».
La Commission, sans s’opposer à ce projet, a souligné combien il pose « des questions inédites en termes de protection de la vie privée ». Le risque est grand qu’une telle application entraîne « un phénomène d’accoutumance propre à dégrader le niveau de protection de la vie privée et doit donc être [selon elle] réservé à certaines situations exceptionnelles ».
Elle a constaté la mise en place de plusieurs garanties. Tout d’abord, l’utilisateur sera identifié par un pseudonyme, soit « une donnée non identifiante par elle-même ». Les données personnelles restent anonymes.
Ensuite, le dispositif est fondé sur le volontariat. Les personnes sont libres de télécharger ou pas l’application. Toutefois, la Commission précise que ce caractère volontaire devra être mentionné textuellement. Si une personne refuse de recourir à ce dispositif, elle ne devrait subir aucune conséquence négative (par exemple, « subordonner certains droits ou accès à l’utilisation de cette application »).
Un traitement de données à caractère personnel doit être fondé sur une base légale. Le gouvernement hésite entre le consentement de ses utilisateurs ou l’existence d’une mission d’intérêt public de lutte contre l’épidémie de COVID-19.
La seconde hypothèse a les faveurs de la Commission car elle permet de « concilier en toute sécurité juridique le caractère volontaire de l’utilisation de cette application et les éventuelles incitations des pouvoirs publics à une telle utilisation, afin de promouvoir son utilisation la plus large possible ». Elle demande au gouvernement que ce dispositif soit doté « d’un fondement juridique explicite et précis dans le droit national ». Lorsque le gouvernement aura fait ses choix, celui-ci est invité « de la saisir à nouveau du projet de norme encadrant la mise en œuvre de l’application en cause ».
Les atteintes au respect de la vie privée ne sont admises uniquement si les mesures sont proportionnées, ce qui implique d’une part que « la collecte et le traitement de données opérées par l’application revêtent un caractère temporaire, d’une durée limitée à celle de l’utilité du dispositif au regard des finalités » et d’autre part que « les données soient supprimées dès le moment où l’utilité de l’application ne sera plus avérée ».
Le gouvernement doit garder en tête les limites intrinsèques d’un tel dispositif ; celui-ci doit donc être complété par des méthodes dites traditionnelles de recherche de contacts.
Afin de s’assurer l’efficacité de cette technologie, la Commission a livré trois principales recommandations :
1° Une partie suffisante de la population doit pouvoir accéder dans de bonnes conditions à l’utilisation de cette application.
2° L’effectivité du dispositif repose « sur un bon calibrage des algorithmes permettant d’identifier une interaction susceptible d’avoir engendré une contamination ».
3° Le gouvernement doit s’intéresser tout au long de « l’impact du dispositif sur la stratégie sanitaire globale ».
(Avis CNIL 24 avril 2020 n° 2020-046, portant avis sur un projet d’application mobile dénommée « StopCovid »)
La CNCDH a émis un avis négatif quant à l'application mobile StopCovid. Elle s'inquiète des dangers pour les droits fondamentaux notamment le droit au respect de la vie privée que cela pourrait entraîner.
Elle " met en exergue le caractère transversal des atteintes potentielles aux droits de l'homme pouvant résulter de telles mesures de suivi " (libertés individuelles et libertés collectives).
Par ailleurs, la Commission doute de l'efficacité d'un tel dispositif pour endiguer l'épidémie de Covid-19 qui constitue " une menace disproportionnée " sur les droits et libertés fondamentaux.
Elle souligne le risque que cette technologie d'abord circonscrite à l'identification des interactions sociales à des fins de santé publique puisse s'étendre vers d'autres objectifs. Elle fait allusion à l'effet criquet. L'enjeu ne se résume pas à l'utilisation d'un outil de suivi numérique, " c'est plus largement l'opportunité et la légitimité de l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) et des données personnelles à des fins plus larges de surveillance de la population et des contenus ".
(Avis CNCDH 28 avril 2020, sur le suivi numérique des personnes)
" L’adoption de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 le 23 mars 2020 a fait entrer la France dans un régime inédit : l’état d’urgence sanitaire. La loi du 23 mars habilite le Premier ministre à prendre, par ordonnance, des mesures qui restreignent gravement les droits et libertés des citoyennes et citoyens, dans de nombreux domaines.
La CNCDH s’interroge sur la nécessité de créer un nouveau régime d’état d’urgence, alors qu’il aurait été possible d’inscrire la situation exceptionnelle actuelle dans le cadre de loi de 1955 sur l’état d’urgence.
Elle relève une série de points d’inquiétude dans l’Avis adopté lors de l’Assemblée plénière du 28 avril, dans lequel elle rappelle que toutes les mesures prises au titre de l’état d’urgence sanitaire doivent répondre aux principes de stricte nécessité, d’adaptation et de proportionnalité et non-discrimination, et qu’il doit être mis fin à l’état d’urgence sanitaire, et à toutes les mesures restrictives libertés qui y sont liées, dès que la situation sanitaire ne le justifie plus. "
(Avis CNCDH 28 avril 2020, État d'urgence sanitaire et État de droit)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Joël Guerriau. Monsieur le secrétaire d'État chargé du numérique, les Français confinés utilisent massivement le numérique pour travailler à distance, pour faire leurs achats, pour se divertir ou encore pour échanger avec leurs proches. La géolocalisation peut être par ailleurs un outil pour traquer les déplacements et endiguer la diffusion du Covid-19.
Tout cela pose des problèmes d'éthique, de liberté individuelle et de respect des données personnelles, mais soulève aussi le problème de la souveraineté numérique française.
La situation actuelle révèle et renforce notre dépendance aux Gafam. Ces géants prennent une part de plus en plus prépondérante dans notre économie, sans payer d'impôts à la hauteur de leurs profits.
Les entreprises françaises souffrent pendant que ces géants gagnent des parts de marché. Il serait normal que les entreprises qui, en définitive, bénéficient de cette crise contribuent financièrement à aider celles qui en pâtissent.
Le confinement agit en réalité comme le révélateur de nos faiblesses en matière d'approvisionnement en équipements – cela vient d'être dit – et en médicaments, mais aussi concernant la maîtrise d'internet. Nous devons penser cette crise comme une occasion de modifier notre modèle de développement, trop dépendant d'autres nations dans des domaines majeurs.
Monsieur le secrétaire d'État, comment comptez-vous bâtir la souveraineté française et européenne dans le domaine des hautes technologies du numérique ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Guerriau, je ne sais que vous dire, si ce n'est que le Gouvernement et moi-même partageons bien évidemment votre préoccupation.
Je ne puis que m'interroger, et même m'inquiéter, quand je vois que, en cette période, l'ensemble des Français, mais aussi les institutions, ont massivement recours aux outils numériques des entreprises américaines. Même l'État, dès lors qu'il s'agit par exemple d'organiser des visioconférences, décide instantanément – c'est peut-être le cas ici aussi – d'utiliser une application américaine, qui, certes, fonctionne très bien, mais qui pose énormément de questions.
Ce que vous dites est totalement fondé. Ce sujet intéresse d'ailleurs beaucoup la Haute Assemblée, qui a mis sur pied une commission d'enquête sur la souveraineté numérique, présidée par M. Montaugé et dont le rapporteur est M. Longuet.
La question de l'émergence de solutions et de champions numériques, français et européens, est au cœur du problème de l'indépendance et du respect des valeurs – vous en avez parlé – de la France et de l'Europe, ce qui corrobore la stratégie qui a été celle du Gouvernement depuis trois ans, parfois un peu raillée sous le terme de « start-up nation » : faire émerger des champions du numérique est indispensable.
On le voit en particulier dans certains secteurs ; je pense à la télémédecine ou à la façon dont, lorsqu'il est devenu nécessaire pour l'éducation nationale de déployer son espace numérique de travail en direction d'un nombre beaucoup plus important d'élèves, la disponibilité de serveurs français a été extrêmement appréciée.
En France, aujourd'hui, sept entreprises sont des « licornes », c'est-à-dire valent plus d'un milliard d'euros. Quatre d'entre elles ont émergé au cours de l'année dernière, en partie grâce à la politique menée par le Gouvernement.
Néanmoins, nous devons accélérer, et la question que vous posez est absolument essentielle en vue de l'après-crise – nous n'y sommes pas encore. Parmi les éléments qui devront fonder la réflexion économique et souveraine de la France et de l'Europe dans l'après-crise figure notre capacité à travailler notre souveraineté dans le domaine sanitaire, tout d'abord et évidemment, puis dans le domaine numérique.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.
M. Joël Guerriau. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, et je me réjouis que vous partagiez cette orientation. Le fait même de l'existence d'un secrétariat au numérique nous donne d'ailleurs, à cet égard, de l'espoir.
J'y insiste d'autant plus que la question se pose dans d'autres domaines, notamment la défense nationale. Nos forces armées et notre police doivent pouvoir disposer d'outils leur permettant de se prémunir contre une attaque terroriste ou de réagir à des cyberattaques. Dans ce domaine, il faut absolument que nous devenions souverains.
J'ai confiance en notre capacité à y travailler tous ensemble et à créer, pour notre pays, un nouveau modèle de développement nous permettant de faire face, en toute indépendance, à des crises comme celle que nous vivons.
ENSOSP
Audrey MOREL SENATORE - Responsable du CERISC de l'ENSOSPou Alexia Touache, élève-avocate, cerisc@ensosp.fr
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