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La veille de l'ENSOSP (n°2021-04)

Editée par l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers

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Chères abonnées, chers abonnés,

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Une fois n'est pas coutume, la lutte contre la propagation du coronavirus est une nouvelle fois au cœur de l'actualité juridique.

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Un arrêt intéressant les sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre des sapeurs-pompiers a été rendu par la Cour administrative d'appel de Bordeaux.

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La veille juridique est proposée par le Centre d'études et de recherches interdisciplinaires sur la sécurité civile (CERISC).

Au sommaire cette semaine :

Les textes de la semaine

La chronique de l'expert par Manon Mazzoli, Elève-avocate

L'actualité jurisprudentielle en matière disciplinaire

DISCIPLINE

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SANCTIONS

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Exclusion temporaire

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Le 16 novembre 2015 à midi, dans le cadre du deuil national déclaré par le premier ministre en hommage aux victimes des attentats commis le 13 novembre 2015 à Paris et en Seine-Saint-Denis, le directeur d'un SDIS a demandé à l'ensemble du personnel de se rassembler au pied du drapeau français afin de respecter une minute de silence. Par un arrêté du 28 juin 2017, le président du conseil d'administration du SDIS a prononcé l'exclusion temporaire d'un sergent-chef de sapeur-pompier professionnel (le requérant), pour un an, dont six mois avec sursis, au motif qu'il a refusé de participer à cet évènement.

Le requérant a sollicité devant le tribunal administratif l'annulation de cet arrêté. Ce dernier ayant rejeté sa demande par un jugement du 18 juin 2018, le requérant a interjeté appel et demande l'annulation à la fois de ce jugement et de l'arrêté du 28 juin 2017.

La Cour administrative d'appel (CAA) annule le jugement du tribunal administratif sur une simple question de procédure : en effet, l'arrêté nommant la Présidente du conseil de discipline du SDIS n'avait pas été communiqué au requérant, qui en contestait l'existence, en violation de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. La Cour conclue à une violation du caractère contradictoire de la procédure, cet arrêté n'étant pas dépourvu de portée pour la solution du litige. Elle prononce donc l'annulation du jugement du tribunal administratif du 18 juin 2018.

La CAA évoque l'affaire afin d'étudier la légalité de l'arrêté du 28 juin 2017.

En matière de légalité externe, la Cour contredit les conclusions du requérant estimant que la procédure disciplinaire était entachée d'irrégularité. En effet, elle considère, sur le fondement notamment du Décret n°89-677 du 18 septembre 1989 :

  • que le délai de deux mois dans lequel le conseil de discipline doit rendre un avis après avoir été saisi, n'était pas prescrit à peine de nullité et qu'il avait été respecté dans le cas présent,
  • que la présidente titulaire du conseil de discipline était une magistrate administrative, et avait été désignée à ce poste dès 2011,
  • que l'ampliation de l'avis du conseil de discipline communiquée au requérant n'avait pas à être signée par la président de ce conseil, l'original ayant été signé.
  • que le fait que le requérant ait été invité deux fois à consulter le rapport et les documents lui étant annexés ainsi que son dossier individuel, et que la lettre de saisine ne figurait pas dans le bordereau de pièce de son dossier, n'entachaient pas la procédure disciplinaire d'irrégularité,
  • qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne prévoit le fait que le requérant puisse discuter le jour de la séance du conseil de discipline de certains documents fondant la procédure disciplinaire.

Sur la question de savoir si le requérant avait commis une faute en se soustrayant à la minute de silence organisée en mémoire des victimes des attentats du 13 novembre, la CAA a rappelé les dispositions du statut général des fonctionnaires et notamment les articles 28 et 29 de la loi du 13 juillet 1983, qui disposent respectivement que "Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public (...)" et que "Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale (...)".

Il apparaît que suite aux attentats du 13 novembre 2015, le Président de la République avait décidé d'un deuil national de trois jours, par un décret du 14 novembre 2015, et le Premier ministre avait institué, dans ce cadre, un hommage national de l'ensemble des services publics le lundi 16 novembre à 12 heures en laissant le soin aux autorités compétentes d'en définir les modalités. En application de ces instructions, le directeur départemental du SDIS a ordonné que les drapeaux soient mis en berne et qu'une minute de silence soit observée par l'ensemble du personnel du SDIS le 16 novembre 2015 à midi. Pour l'exécution de cet ordre hiérarchique, le chef de pôle du centre de secours a demandé que les sapeurs-pompiers de ce centre se rassemblent au pied du drapeau national à 11h55 afin de se recueillir et de respecter une minute de silence en hommage aux victimes.

La Cour précise tout d’abord que le chef de pôle a bien pu rendre obligatoire la minute de silence alors même que le décret pris par le Président de la République et la circulaire d’application avaient laissé aux services le soin d’organiser ce moment de recueillement. Elle estime également que cet ordre ne présentait pas le caractère d’un ordre manifestement illégal et n’était pas de nature à compromettre gravement un intérêt public au sens de l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983. Aussi, le fonctionnaire devait obéir à l’ordre donné, quand bien même il ne se rattacherait à aucune de ses attributions professionnelles.

D’autre part, la Cour précise que la liberté d’opinion de l’agent ne s’efface pas devant l’obligation hiérarchique, sauf dans le cas prévu par l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983, c’est-à-dire en cas d’ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Même si l’acte de désobéissance reproché à l’agent a été revendiqué pour des motifs personnels d’ordre politique et qu’il a été commis alors que l’intéressé était en service, celui-ci devait respecter l’ordre qui lui était donné.

En ne le faisant pas, l’intéressé a commis une faute justifiant la sanction disciplinaire prise à son encontre.

(CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 17/12/2020, 18BX03147, Inédit au recueil Lebon)

 

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Lucienne ERSTEIN Conseiller d'Etat honoraire

Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 21/01/2021, 429956, Inédit au recueil Lebon

 

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