Bonjour à toutes et tous, cher(e)s abonné(e)s,
L’Hebdo juridique est de retour après quelques vicissitudes techniques !
Ce numéro couvre les trois dernières semaines du JO et comprend un commentaire d'arrêt rédigé par Julie Mulateri : qu'il nous soit ici permis de la remercier pour son investissement au sein du CERISC.
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Bonne lecture à chacun.
Le Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles la responsabilité de l’État peut être engagée dans le cadre d’une convention portant mise à disposition des départements des services déconcentrés du ministère de l’équipement.
En l’espèce, la propriété des époux F… avait subi divers dommages à la suite de travaux de voirie réalisés pour le département de l’Isère sur une portion de route départementale. Ils avaient alors demandé réparation au juge administratif, lequel avait condamné le département et les sociétés participant au chantier. En appel, le juge avait accueilli l’appel en garantie formé par l’une d’elles et condamné l’État à garantir 25 % de sa condamnation. En effet, la direction départementale de l’équipement (DDE) avait assuré, dans le cadre de ces travaux, des missions de maîtrise d’œuvre.
Le Conseil d’État précise tout d’abord « qu’en application des dispositions de l’article 6 de la loi [n° 92-1255] du 2 décembre 1992, les conventions portant mise à disposition des départements des services ou parties de services déconcentrés du ministère de l’équipement sont conclues à titre onéreux ; que, si elles prévoient que l’intervention de ces services est de droit si ces collectivités le demandent, elles ne mettent toutefois pas à la charge des départements une obligation d’y recourir, ceux-ci restant libres de faire appel à d’autres prestataires pour assurer la maîtrise d’œuvre de leurs travaux ; que, dès lors, ces conventions constituent des contrats de louage d’ouvrage dont l’inexécution ou la mauvaise exécution est susceptible d’engager la responsabilité de l’État selon les conditions de droit commun applicables à de tels contrats ».
En l’espèce, estime la haute assemblée, les services de la DDE « auxquels le département a décidé, alors qu’il n’y était pas tenu, de confier la maîtrise d’œuvre des opérations litigieuses, ont été mis à sa disposition […] dans le cadre d’une convention prévoyant une rémunération des prestations fournies ». Partant, « en cas de mauvaise exécution par ses services des missions qui leur avaient été confiées, l’État pouvait, à ce titre, être appelé en garantie par les parties condamnées solidairement à la réparation des dommages causés par les travaux litigieux ».
Saisies par Amaris, les directions générales de la prévention des risques (DGPR) et de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) précisent la notion d’ERP difficilement évacuables. Une occasion pour évoquer quelques initiatives prises en matière de sécurité dans les écoles.
Par principe, les établissements recevant du public (ERP) difficilement évacuable sont soustraits à des niveaux d’aléas trop élevés. Ainsi, dans le cadre des PPRT, les guides méthodologiques précisent que les nouvelles constructions d’ERP sont interdites dans les zones M pour les effets toxique et thermique et, dans les zones Fai pour l'effet de surpression. Ces mesures sont plus contraignantes que pour d’autres constructions.
Amaris a alerté les pouvoirs publics et expliqué que, pour certaines communes, cette règle signifie qu’aucune école, collège, etc. n'est autorisé. Ici, il est question d'inégal accès au droit à l’éducation, de difficulté de maintien de bassins de vie voire de désertification des territoires. Ces arguments ont incité les pouvoirs publics à tenir compte de certaines situations critiques sans pour autant remettre en cause la sécurité.
Une note, éditée ce mois-ci, introduit des cas d’exception envisageables sous réserves :
Les écoles sont concernées. Indispensables à la vie des quartiers, ces équipements de proximité pourraient être maintenus si les obligations visant à garantir un niveau de sécurité équivalent pour les enseignants et les élèves sont satisfaites.
Les plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) doivent-ils être lus à l'aune du principe de précaution ? C'est ce que semble admettre le Conseil d'Etat, qui a décidé qu'une "zone de précaution" est susceptible de devenir une "zone rouge", donc inconstructible, dans une affaire concernant l'Ile de Jatte jugée en décembre 2011.
Au-delà, cette décision pose la question de la force obligatoire d'un PPRI: générale et absolue, ou adaptable au cas par cas ?
En l'espèce, un particulier conteste le refus de permis de construire opposé par le maire de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Selon le maire, le terrain d'implantation des immeubles se situeraient en zone rouge du PPRI de la Seine.
Mais, selon le requérant, ce terrain n'est pas submersible, car il est situé à une cote supérieure à la cote de référence retenue par le plan, soit la cote maximale atteinte par le niveau des eaux lors de la crue centennale de 1910.
Marge d'incertitude
Dans un premier temps, le Conseil d'Etat rappelle le régime des PPRI: ces documents, élaborés à l'initiative de l'Etat, définissent des zones exposées à des risques naturels. A l'intérieur de celles-ci s'appliquent donc des "contraintes d'urbanisme importantes". Les PPRI ont pour effet de déterminer des prévisions et règles opposables aux personnes, publiques ou privées, au titre de la délivrance des autorisations d'urbanisme qu'elles sollicitent.
Dans un second temps, le juge constate que le PPRI litigieux a entendu préserver l'état des berges du fleuve et des îles, à la fois en raison des risques d'inondation auxquels elles sont exposées, mais aussi en vue de conserver des zones d'expansion des crues.
En outre, selon le juge, il faut tenir compte non seulement de la "marge d'incertitude qui s'attache nécessairement aux prévisions quant aux inondations qui résulteraient d'un événement de même ampleur" que la crue centennale de 1910, mais aussi des "changements de circonstances" intervenus depuis cette date et de leurs effets.
Dans ces conditions, rien ne s'oppose à ce qu'une même zone d'un PPRI regroupe des secteurs correspondant à une zone de danger, mais aussi d'autres secteurs correspondant à une "zone de précaution". En l'espèce, le refus du maire ne relève pas d'une erreur d'appréciation.
Sans doute faut-il voir dans cette lecture extensive des effets du classement d'un terrain en PPRI une conséquence des événements tragiques de La Faute-sur-Mer (Vendée). Mais pourra-t-on se passer d'un critère objectif comme celui du repère de la crue centennale ?
M. Michel Vergoz. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Il n'est jamais là !
M. Michel Vergoz. Qu'à cela ne tienne, l'un de ses ministres fera l'estafette ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
La Réunion glisse vers le chaos depuis deux nuits. Celle d'hier a vu les violences urbaines commises dans trois villes monter d'un cran encore.
La Réunion s'enflamme, s'embrase, brûle, une fois de plus, hélas !
La nuit dernière, la contestation contre la vie chère et le racket des monopoles a atteint un niveau grave et alarmant.
M. Alain Gournac. Quel ton dramatisant ! C'est vraiment affreux !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C'est un expert qui parle ! (Sourires.)
M. Michel Vergoz. Cette situation est le résultat de la politique d'abandon et de mépris conduite par le Gouvernement depuis 2007. (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Gaudin. Évidemment ! (Sourires.)
M. Michel Vergoz. Les injustices sont devenues de plus en plus inacceptables, car définitivement insupportables pour les ultramarins frappés par des taux de chômage sans commune mesure avec ceux des régions de l'Hexagone. (Brouhaha persistant sur les travées de l'UMP.)
Je vous demande quelques secondes d'attention, mes chers collègues ; j'ai aussi besoin de vous.
M. Alain Gournac. Quand vous serez correct !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il ne fallait pas commencer votre intervention de cette manière !
M. Michel Vergoz. Depuis 2007, le chômage a explosé comme jamais, avec une augmentation de 37 % dans l'ensemble des outre-mer et de 49 % chez les jeunes de moins de 25 ans.
M. Alain Gournac. Oh là là !
M. Michel Vergoz. Il n'y a vraiment pas de quoi rire, monsieur Gournac !
M. Alain Gournac. Vous ne me faites pas rire !
M. Michel Vergoz. À La Réunion, plus de 10 % de la population est au RSA, plus de 30 % au chômage…
M. Alain Gournac. Et alors ? (Huées sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Éliane Assassi. « Et alors ? » ! Ces chiffres vous laissent indifférent ? (Brouhaha sur toutes les travées.)
M. le président. Mes chers collègues, veuillez écouter M. Vergoz.
M. Michel Vergoz. Le compte rendu intégral de nos débats reproduira ces propos, qui constituent une insulte à l'égard de l'outre-mer et qui sont vraiment significatifs de l'état d'esprit des membres de l'opposition sénatoriale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je vous le dis les yeux dans les yeux, mes chers collègues : près de 60 % des jeunes Réunionnais n'ont aucun rendez-vous utile le matin lorsqu'ils se réveillent. Vous les avez exclus du travail, monsieur le Premier ministre, en leur imposant le « développement endogène », c'est-à-dire le « débrouillez-vous vous-mêmes »,...
M. Alain Gournac. Arrêtez-le !
M. Michel Vergoz. ... mais aussi en les culpabilisant, en assimilant les « contrats aidés » à de l'assistanat !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et vous, qu'est-ce que vous faites au juste ?
M. François Grosdidier. C'est du cinéma !
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Michel Vergoz. La révolte gronde !
M. Alain Gournac. La question !
M. Michel Vergoz. Monsieur le président, mes chers collègues, à aucun moment, ces dernières semaines, je n'ai cru que La Réunion connaissait une récréation dont il fallait siffler la fin, pour reprendre une expression employée par le préfet. J'ai bien vu que le mal-être allait crescendo. (Oh ! sur les travées de l'UMP.)
M. Roland du Luart. Et le temps de parole ?
M. Michel Vergoz. Monsieur le Premier ministre, au-delà des forces de l'ordre déjà envoyées en renfort, que préconisez-vous pour répondre aux angoisses et à la désespérance de tout un peuple d'une région qui fait partie intégrante de la nation française ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'outre-mer n'intéresse pas le Gouvernement. C'est bon pour aller se promener !
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée de l'outre-mer.
M. Didier Boulaud. Chargée de quoi ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur Vergoz, votre question me permet effectivement de faire le point sur la situation de La Réunion devant la représentation nationale.
Au départ, il s'agissait d'un mouvement des transporteurs routiers revendiquant une baisse des prix du carburant.
Nous avons toujours privilégié la concertation, et c'est précisément dans ce cadre que le conseil régional a proposé de diminuer le prix du gazole pour les professionnels, de même que celui de la bouteille de gaz. (M. Michel Vergoz s'exclame.) Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que les collectivités ultramarines disposent d'une fiscalité locale spécifique et que, si les prix des carburants y sont administrés par l'État, ce dernier ne perçoit aucune taxe sur les produits pétroliers.
En outre, dans le prolongement de cette discussion, le préfet organise demain une table ronde avec l'ensemble des acteurs.
M. Didier Boulaud. Une de plus ! Vous êtes vraiment les chevaliers de la table ronde !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Cette discussion s'appuiera sur le travail réalisé par l'Observatoire des prix et des marges, dans le cadre du dispositif de fixation des prix mis en place en 2010 pour garantir plus de transparence et de réactivité.
Mais, comme vous le savez, monsieur le sénateur, et comme vient de l'indiquer Mme Pécresse, porte-parole du Gouvernement, en raison de la conjoncture économique, les prix des carburants sont structurellement hauts, aussi bien en métropole qu'outre-mer.
M. Michel Vergoz. Et vous n'avez rien fait pour lutter contre cette hausse !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. D'ailleurs, à la Réunion, ces prix sont voisins de ceux de la métropole, et même inférieurs pour le gazole.
Outre les revendications sur le prix des carburants,...
M. Michel Vergoz. Et plus généralement sur la « vie chère » !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. ... on assiste aussi, depuis deux jours, en marge de ce mouvement, au développement de phénomènes de violences urbaines.
Il est certain que les appels répétés de certains responsables professionnels ou associatifs, largement relayés par les médias, créent malheureusement un climat propice à ces débordements. (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. - M. Jean-Pierre Michel lève les bras au ciel.)
Ces violences ne sont pas acceptables.
M. Didier Boulaud. Envoyez donc l'armée, comme en Nouvelle-Calédonie !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Elles pénalisent d'abord ceux qui vivent dans les quartiers.
Le premier devoir de l'État est de maintenir l'ordre public, et je tiens à rendre hommage aux forces de l'ordre, qui assurent, sous l'autorité du préfet, leur délicate mission de protection des biens et des personnes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Près de cinquante personnes ont été interpellées dans ce cadre.
Je tiens également à saluer l'attitude de certains responsables et élus, qui, actuellement, sont sur le terrain, au côté du préfet, pour ramener le calme.
Il est vrai que, derrière cette violence, il y a une revendication contre la vie chère.
M. Michel Vergoz. Contre les monopoles et le racket !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Mais, en réalité, les vrais problèmes sont la précarité et le chômage, qu'il faudra régler par l'emploi.
M. Didier Boulaud. Il faut surtout changer de gouvernement !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. C'est la raison pour laquelle l'État soutient la commande publique : j'en veux pour preuve le financement de 30 % de logements sociaux supplémentaires ou l'augmentation du nombre de contrats aidés.
M. Michel Vergoz. C'est de la provocation ! C'est un mensonge !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Monsieur le sénateur, même si la tentation est grande en cette période préélectorale, je vous mets en garde contre toute tentative de récupération politique. Au bout du compte, ce sont les Réunionnais qui paieront. Alors, de grâce, cessez d'allumer le feu ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UCR. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Michel Vergoz. Vous provoquez la population réunionnaise ! C'est honteux !
M. Didier Boulaud. La grotte d'Ouvéa, cela vous rappelle quelque chose ? Vous devriez recommencer ! Vous êtes vraiment des champions...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ma question s'adressait au Premier ministre, mais Mme Pécresse…
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget. ... fera l'affaire ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vous qui l'avez dit !
Mme la ministre du budget est tout à fait habilitée à me répondre. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Gaudin. Quelle élégance ! Il est vrai que Mme la ministre a toutes les qualités requises pour être Premier ministre ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J'en viens à ma question.
La Grèce, victime essentiellement d'une terrible spéculation facilitée par l'incurie des partis au pouvoir, va être mise sous tutelle et son peuple à genoux.
Voilà deux jours, une aide de 237 milliards d'euros, dont 107 milliards d'annulation des dettes privées, a été décidée.
Comment se fait-il, madame la ministre, que les 350 milliards d'euros concédés antérieurement se soldent par une régression sans précédent pour le peuple grec ? Je vais vous le dire : parce que cet argent sert non pas à relancer la croissance et le développement social, mais pour une bonne part à rembourser les créanciers, les banques en premier lieu, qui ont mis le feu à ce pays ! (Mme Bariza Khiari applaudit.)
Mme Éliane Assassi. Des usuriers !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aujourd'hui, avec le traité MES, c'est l'ensemble des peuples européens que vous tentez de soumettre définitivement.
Ce mécanisme européen de stabilité engage la France dans un processus d'abandon de souveraineté budgétaire au profit d'une règle d'or européenne.
Avec cette nouvelle mise en cause de souveraineté, avec l'absence de modalités de contrôle sur le devenir des fonds publics engagés, la question de la conformité de ce dispositif à la Constitution est manifestement posée.
Madame la ministre, je souhaiterais vous interroger sur deux points.
En premier lieu, pouvez-vous nous dire pour quelle raison le Président de la République ou le Gouvernement n'ont pas saisi en amont le Conseil constitutionnel sur la conformité de ce traité à notre Constitution, alors que cette saisine a été utilisée chaque fois depuis 1992 ?
En second lieu, le Président candidat a annoncé des consultations par voie de référendum sur les chômeurs et les immigrés. Nous ne pouvons que nous étonner de cette frénésie référendaire de sa part, lui qui n'a pas consulté les Français sur le traité de Lisbonne et qui n'a même pas cru bon de rendre applicable son timide référendum d'initiative populaire !
Pouvez-vous nous dire si nos concitoyens seront consultés par référendum sur cette nouvelle aliénation de souveraineté nationale et populaire en matière budgétaire ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, à l'origine de notre incompréhension mutuelle, il y a une vraie divergence.
Mme Éliane Assassi. C'est certain !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Pour nous, il n'est pas de France forte sans une Europe forte ! Pour nous, sauver l'euro et l'Europe, c'est protéger la France ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Depuis que vous êtes aux affaires, tout a changé ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a l'Europe des banques et l'Europe des peuples !
Mme Valérie Pécresse, ministre. À partir de là, tout est différent ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Notre vision, c'est que nous devons mettre en place un mécanisme européen de stabilité qui permette à la solidarité, à l'intérieur de la zone euro, de s'exercer pleinement.
Nous ne voulons pas laisser tomber la Grèce. La meilleure preuve de ce soutien au peuple grec, c'est la mise en place de ce mécanisme.
Mme Nicole Bricq. Arrêtez de dire des bêtises !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous me dites qu'il s'agit d'un abandon de souveraineté. Ce n'est pas le cas, et je vais vous expliquer pourquoi : simplement parce que le fonctionnement du mécanisme européen de stabilité sera rigoureusement identique à celui des grandes banques internationales de développement qui existent aujourd'hui. Je pense par exemple à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la BERD. Ces mécanismes d'appels à capitaux pour aider des pays qui en ont besoin existent déjà. Ce n'est pas nouveau !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La règle d'or, c'est tout à fait autre chose !
Mme Valérie Pécresse, ministre. D'ailleurs, en 2010, quand nous avons voté le collectif budgétaire, nous avons mis en place un tel mécanisme pour la BERD.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons refusé la règle d'or !
Mme Valérie Pécresse, ministre. À l'époque, vous n'aviez d'ailleurs rien trouvé à y redire, et le Conseil constitutionnel ne l'a pas censuré.
C'est la raison pour laquelle nous estimons que notre démarche est tout à fait constitutionnelle et qu'il n'y a pas, en la matière, abandon de souveraineté.
J'ajoute que l'Assemblée nationale a amélioré le texte du Gouvernement afin de le rendre encore plus respectueux du pouvoir et des compétences de la représentation nationale, et ce sur trois points qui, je l'imagine, vous tiennent à cœur : tout d'abord, l'information renforcée des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat ;...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On informe les commissions ! Quelle nouvelle ! Chapeau !
Mme Valérie Pécresse, ministre. ... ensuite, le rapport trimestriel sur les opérations financières et le résultat des opérations du MES ; enfin, l'information dont chaque décision importante du Conseil des gouverneurs fera l'objet.
C'est la raison pour laquelle, à nos yeux, le MES est à la fois cohérent et équilibré : c'est le fruit d'un compromis auquel sont parvenus les États nations pour sauver la zone euro. De surcroît, je le répète, la méthode adoptée associe très étroitement le Parlement.
C'est pourquoi, à notre sens, tous les Européens devraient, aujourd'hui, voter en faveur du MES ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR.)
Mme Aline Archimbaud demande à M. le Premier ministre de prendre en compte la situation intolérable des victimes de l'amiante.
A la suite d'un imbroglio juridique, la cour d'appel de Douai a condamné le 27 octobre 2011 des victimes de l'amiante à rembourser au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) une partie importante de leur indemnisation. Des sommes pouvant aller jusqu'à 28 000 euros leur sont ainsi réclamées à chacun, ce qui les plonge bien évidemment dans la détresse à la fois financière et psychologique. Comble de l'inhumanité, un huissier s'est même rendu au domicile d'un malade mort depuis un an pour saisir les meubles de sa veuve.
Le Président de la République avait fait campagne en 2007 sur la valeur travail. Or on ne peut pas demander aux travailleurs de s'engager davantage et les laisser tomber quand ils paient cet engagement de leur santé et de leur vie.
- Aussi, elle lui demande, compte tenu de la situation très douloureuse vécue par les victimes concernées par l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 27 octobre, et puisque plusieurs ministères et administrations centrales siègent au conseil d'administration du FIVA, ce qu'il attend pour faire preuve d'humanité et demander au CA de renoncer au remboursement de la part des indemnités perçues relevant de la remise en cause de la linéarité ? Le simple échelonnement du remboursement, accompagné d'un examen des dossiers au cas par cas, n'est en effet pas une solution acceptable.
- Pour éviter que des centaines de personnes ne soient victimes d'une telle jurisprudence, elle lui demande s'il peut également enjoindre le FIVA de cesser de remettre en cause la linéarité entre incapacité et compensation devant les cours d'appel ? Il n'y a de toute manière pas eu, à sa connaissance, de vote du CA du FIVA permettant à la direction d'engager la responsabilité du fonds dans cette stratégie judiciaire.
- Enfin, plus généralement, elle lui demande s'il pense engager la réforme de la loi de 1898 sur la réparation des accidents de travail et des maladies professionnelles, afin de régler la question de l'indemnisation intégrale des préjudices des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
Mme Aline Archimbaud. À la suite d'un imbroglio juridique, la cour d'appel de Douai a condamné, le 27 octobre dernier, des victimes de l'amiante à rembourser au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, une partie importante de leur indemnisation. Des sommes pouvant atteindre 28 000 euros leur sont ainsi réclamées, ce qui les plonge dans une détresse à la fois financière et psychologique. Comble de l'inhumanité, un huissier s'est rendu au domicile d'un malade décédé depuis plus d'un an pour saisir les meubles de sa veuve.
Alors que l'amiante fait aujourd'hui dix morts par jour en France, de sorte que, selon les prévisions de l'Institut de veille sanitaire, elle aura malheureusement tué 100 000 personnes d'ici à 2025, ses victimes sommées de rembourser des sommes astronomiques subissent une triple peine.
Premièrement, alors qu'un rapport de l'inspecteur du travail Auribault avait évoqué, dès 1906, les poussières pernicieuses et mortelles de l'amiante dans une usine de Condé-sur-Noireau, et que les risques cancérigènes de ce minéral étaient connus depuis les années 1950-1960, il a fallu attendre 1997 pour que la France en interdise définitivement l'utilisation. La santé de millions de nos concitoyens a donc été sacrifiée aux intérêts de quelques multinationales françaises, du fait de l'immobilisme des industriels et de l'État, ce dernier ayant été la cible d'un lobbying intensif.
Deuxièmement, les victimes de l'amiante et leur famille ont dû, malgré leur affaiblissement physique, psychologique et financier, mener un combat long et douloureux contre le lobby industriel pour faire reconnaître leurs souffrances. Aujourd'hui, c'est un nouvel affront qui leur est fait avec cette demande de remboursement adressée, dans la froideur la plus totale, à dix-sept victimes, d'autant que cette demande pourrait, à terme, en concerner plusieurs centaines.
Troisièmement, alors que les malades et leurs proches s'épuisent à lutter contre les employeurs, la mise en examen des responsables français de cinq usines du groupe Eternit a été annulée le 16 décembre dernier.
En 2007, le Président de la République avait fait campagne sur la valeur travail. On ne peut pas demander aux travailleurs de s'engager davantage et les laisser tomber quand ils paient cet engagement de leur santé et de leur vie ! Je vous pose donc les questions suivantes, monsieur le ministre.
Tout d'abord, compte tenu de la situation très douloureuse vécue par les victimes concernées par l'arrêt de la cour d'appel de Douai et dans la mesure où plusieurs ministères et administrations centrales siègent au conseil d'administration du FIVA, qu'attendez-vous pour faire preuve d'humanité en demandant à ce conseil d'administration de renoncer à réclamer aux victimes le remboursement, du fait de la remise en cause de la linéarité, d'une partie des indemnités qu'elles ont perçues ? En effet, le simple échelonnement du remboursement accompagné d'un examen des dossiers au cas par cas ne constitue pas une solution acceptable.
Ensuite, pour éviter que des centaines de personnes soient victimes d'une telle jurisprudence, pouvez-vous également enjoindre le FIVA à cesser de remettre en cause la linéarité devant les cours d'appel ? De toute manière, à notre connaissance, aucun vote du conseil d'administration du FIVA n'a autorisé la direction à engager la responsabilité du fonds dans cette stratégie judiciaire.
Enfin, plus généralement, avez-vous l'intention d'accomplir enfin la réforme de la loi de 1898 sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, afin de régler la question de l'indemnisation intégrale des préjudices des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles ? (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Madame Archimbaud, vous avez participé, le 14 février dernier, à une séance de questions cribles thématiques posées à Xavier Bertrand, au cours de laquelle la situation des personnes concernées par les arrêts de la cour d'appel de Douai a été largement abordée. Je me limiterai donc à rappeler ce qu'il vous a déjà clairement exposé.
Premièrement, à ce jour, aucun commandement de payer n'a été adressé aux personnes concernées par ces arrêts. Ce qui leur a été signifié par huissier, c'est la décision de la Cour de cassation sur la base de laquelle la cour d'appel s'est prononcée. Il me paraît normal que, lorsque la plus haute juridiction de notre pays se prononce sur un dossier, les personnes concernées en soient informées.
Deuxièmement, il a été demandé au FIVA de traiter ces situations au cas par cas avec le maximum d'humanité et, pour ce faire, de recevoir les avocats de ces personnes afin d'examiner les solutions les plus adaptées à leur situation.
Troisièmement, ces solutions consisteront soit dans l'octroi de larges délais de paiement, soit, pour les cas les plus difficiles, dans la remise totale ou partielle de la dette. Cependant, je le répète, chaque dossier sera réglé au cas par cas, parce que c'est ainsi que nous pourrons assurer une véritable équité dans le règlement des difficultés de ces personnes.
Je souhaite également rappeler que les arrêts de la cour d'appel de Douai font suite au choix de ces personnes, ou plus exactement de leurs avocats, de contester l'offre que leur avait faite le FIVA. Or cette offre était conforme à la doctrine arrêtée par le conseil d'administration du FIVA, qui a décidé que la réparation serait d'autant plus importante que le préjudice est grave.
S'agissant plus généralement de la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles, une réforme interviendra dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur la base des conclusions du groupe de travail présidé par Mme Ruellan, ancienne présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, qui a été désignée le 6 juin dernier pour diriger un groupe de travail chargé de formuler des propositions de modification.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, que j'ai écoutée attentivement.
Je tiens à souligner que, à ce jour, aucune victime condamnée à des remboursements n'a bénéficié ne serait-ce que d'un rééchelonnement. Pour l'instant, les victimes n'ont reçu aucune réponse, aucun signal. Cela devient difficile à vivre pour elles.
Je rappelle que les victimes ont bien indiqué qu'elles étaient prêtes à rembourser les sommes correspondant à la déduction de la rente. C'est la partie relative à la linéarité qui pose problème. Je n'ai pas le temps de développer ce point, mais les conséquences financières sont extrêmement graves pour les victimes. D'après les informations que nous avons, au sein du conseil d'administration du FIVA, les représentants de l'autorité de tutelle, c'est-à-dire du ministère, n'ont pas clairement renoncé à la stratégie judiciaire en cours, qui, je le répète, pourrait concerner plusieurs centaines de personnes.
Enfin, s'agissant du groupe de travail conduisant une réflexion sur la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles afin de mettre un terme aux injustices existantes, notre système traitant de manière inégale les différentes victimes, à ma connaissance, les principales associations partenaires ne sont pas informées. Nous nous étonnons donc de la lenteur avec laquelle ce groupe de travail est mis en route.
ENSOSP
Audrey MOREL SENATORE - Responsable du CERISC de l'ENSOSPou Marion MAILLARD, doctorante en droit public, CERISC-CERDACC, +33 (0)4 42 39 05 78
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