Mots clés : DSM (Directeur des Secours Médicaux); premier médecin ; ACEL (Accident Catastrophique à Effet Limité) ; catastrophe ; NOVI (Nombreuses Victimes); ORSEC (Organisation de la Réponse de Sécurité Civile).
Fournir une aide cognitive au médecin d’astreinte DSM face à une situation NOVI
Médecin DSM d’astreinte départementale
- Instruction interministérielle relative à l’élaboration du dispositif ORSEC « secours à de nombreuses victimes » dit NOVI.
- Carli P, Pons F, Puidupin A, Philippe JM, Albarello S; vade -mecum Agressions collectives par armes de guerre, conduite à tenir pour les professionnels de santé ; ouvrage publié sous l’égide des ministères Solidarité et Santé, Intérieur, Armées en 2018.
- Les actions de la première équipe médicale sur les lieux d’un évènement avec de nombreuses victimes. D. Pons – PNRS – ENSOSP
Le médecin DSM d’astreinte départementale est le plus souvent déclenché sur une situation avec de nombreuses victimes avec un délai par rapport à l’engagement des premiers secours. Il intervient donc sur une situation en cours d’organisation, où des actions ont été mises en place par les premières équipes secouristes et/ou médicales (cf : fiche pratique « Les actions de la première équipe médicale sur les lieux d’un évènement avec de nombreuses victimes »).
Cette fiche est le fruit d’une réflexion collective et d’échanges avec les intervenants participant au diplôme interministériel de Directeur des Secours Médicaux. Cette fiche pratique n’a absolument pas vocation à se substituer à l’ordre initial du COS ou aux fiches de tâches existantes, elle n’est certainement pas exhaustive, son seul objectif est de fournir une aide cognitive au médecin Directeur des Secours Médicaux afin de l’aider dans l’analyse d’une situation NOVI pour mettre en place une stratégie de prise en charge des victimes et des idées de manœuvres.
Lors de la prise de contact avec le Commandant des Opérations de Secours (COS), ou lors de sa présentation au Poste de commandement, le DSM recueille des informations qui seront complétées par la reconnaissance (le « tour du feu ») faite au mieux avec le COS et par un échange (relève) avec le premier médecin sur les lieux.
Nous utiliserons l’acronyme « D-S-M » afin d’illustrer et proposer un mode de réflexion pouvant s’appliquer à une situation avec de nombreuses victimes.
1- D comme dénombrer
a. Les victimes
- Le nombre de victimes
- Leur gravité définie selon la catégorisation : DCD, UA (Urgences Absolues), UR (Urgences Relatives), impliqués.
- La typologie des victimes revêt une importance stratégique : l’âge (places pédiatriques rares), le type de blessés (brulés ? traumatismes pénétrants ? intoxiqués ? contaminés ?), leur localisation (difficultés d’accès ?), leur nationalité (pression hiérarchique), le mécanisme lésionnel (pression médiatique).
b. Les moyens de secours
- Quels sont les moyens sur place ?
- Quelles actions ont été initiées ? (Un ou des PRV, le PMA sont-ils définis ?)
- Quels moyens ont déjà été demandés ou sont en transit ? un bilan a-t-il été passé au Centre 15 ?
- Le nombre et la typologie des moyens demandés est à préciser (SMUR, SMUR pédiatriques, VSAV, PMA, lots PSM, PRV NRBC, chaines de décontamination, CUMP…).
c. Les structures pouvant accueillir les victimes
- Quels sont les établissements receveurs, leur niveau (1 trauma center, 2, 3) et leurs localisations géographiques,
- Les places spécifiques (pédiatriques, brulés, caisson, hôpital de référence NRBC…),
- Les centres d’Accueil des Impliqués possibles.
2- S comme stratégie
Il faut définir puis proposer au COS la stratégie de prise en charge et d’évacuation des victimes en fonction : de critères vus à l’étape précédente (D), du milieu dans lequel on se situe et d’enjeux particuliers identifiés par le DO, le COS et/ou le Commandant des Opération de Police et Gendarmerie (COPG).
a. Définir un ou plusieurs Points de Regroupement des Victimes (PRV)
b. Faut-il évacuer des Extrêmes urgences (urgences chirurgicales hémorragiques) et vers où ?
c. Faut-il mettre en place un PMA et quel sera sa localisation ? (le PRV peut-il devenir PMA ?).
Remarques :
- Attention à la distance entre le ou les PRV et le Poste Médical Avancé (PMA) qui peut générer une sollicitation importante de moyens matériels et humains et entrainer un retard de prise en charge des victimes.
- Nous rappelons que parmi les critères d’implantation d’un PMA (sécurité, proximité, ergonomie, accessibilité) l’accessibilité est le seul critère qui différencie un PRV d’un PMA ; l’accessibilité étant essentielle pour l’évacuation des victimes vers les établissements d’accueil.
d. Quels sont les établissements pouvant accueillir les victimes et quels sont les délais d’évacuation en fonction des vecteurs d’évacuation et du milieu où l’on se situe :
- Milieu urbain, mégalopole ?
- Milieu rural
- milieu particulier (montagne, mer…)
e. Autres enjeux :
- Enjeux de communication
- Enjeux sous la pression du Directeur des Opérations (DO) ou de la hiérarchie (nationalité des victimes, VIP, enjeux économiques ou médiatiques…)
f. Enjeux médicaux types :
- Les victimes brulées : possiblement évacuées dans des services de réanimation spécialisés souvent distants elles nécessitent un placement par le SAMU et des renforts de vecteurs aériens (Dropping zone (DZ) à définir avec le COS).
- Les intoxications aux fumées, au CO : renfort oxygène à évaluer, Oxygénothérapie hyperbare avec places de caissons hyperbares à demander, antidotes (Hydroxocobalamine…), vecteurs aériens ?
- D’autres intoxications ou contaminations peuvent nécessiter des antidotes spécifiques et des moyens spécifiques tels que des PRV NRBCe, des Unité Mobile de Décontamination (UMD) et la connaissance des hôpitaux référents…
- La Pédiatrie : les places de réanimations pédiatriques sont rares, le rapprochement avec le SAMU est primordial notamment pour le renfort d’équipes pédiatriques et la sollicitation de vecteurs aériens.
- Concernant les traumatismes pénétrants, les hémorragies : existe-t-il des Extrêmes Urgences (EU)? Des Evacuations rapides sont-elles possibles ? Faut-il faire une demande de produits sanguins ? (CGR, Plyo®, PFC, plaquettes…).
La stratégie de damage control nécessitera bien sûr l’identification des hôpitaux receveurs : niveau 1 ou au contraire hôpitaux de proximité pour stabiliser (en fonction des délais d’évacuation).
3- M comme moyens, messages et missions
a. Moyens
- Faire la balance entre moyens sur places et/ou déjà demandés et moyens (humains, matériels) nécessaires en fonction de la stratégie validée par le COS
b. Message
Passer un bilan complet au CRRA 15 :
- avec les éléments définis précédemment (dénombrement des victimes et des moyens sur place, stratégie),
demander les renforts définis avec le COS,
- spécifier les places nécessaires et demander les capacitaires au To (places contractuellement disponibles dans les établissements),
- préciser votre prise de fonction de DSM et les moyens de communication permettant d’être joignable à tout instant (téléphone, radio).
c. Missions
- Affecter les moyens, nommer les responsables, (penser à demander les officiers nécessaires à la mise en place et au fonctionnement de la chaîne de secours : officier évacuation, officier de liaison DSM, officier PMA, officier Ramassage),
- Tenir à jour les bilans victimes de chaque sous-secteur,
- Informer régulièrement (si possible de façon cadencée) le COS et Le SAMU de l’évolution de la situation,
- Vérifier, réévaluer, demander des bilans réguliers et cadencés aux différents sous-secteurs,
- Faire la balance des moyens,
- Faire faire, ne pas s’impliquer dans une tâche chronophage afin d’être disponible à toute demande ou toute évolution imprévue.
Auteur : Dominique Pons
Crédit photo : ENSOSP