Formation professionnelle - Retour d'expérience - Organisation apprenante - Service d'Incendie et de Secours
En réalisant une thèse en sciences de gestion sur la pratique du retour d’expérience, il était essentiel de comprendre la manière dont les organisations apprennent de leurs expériences. Quels mécanismes elles mettent en œuvre pour tirer des enseignements des situations ? Comment valorisent-elles les leçons apprises dans leur mode de fonctionnement ? Si le questionnement est simple, la réalité est plus complexe car la pratique du retour d’expérience fait appel à des compétences spécifiques. Il est donc nécessaire de mettre en œuvre une formation dédiée à cette pratique si on souhaite l’institutionnaliser au sein de la profession des sapeurs-pompiers. C’est l’une des missions de l’ENSOSP aujourd’hui.
Anaïs GAUTIER, Responsable du pôle de recherche en management des organisations et RETEX, CERISC, ENSOSP
Le retour d’expérience permet de tirer un apprentissage des dysfonctionnements constatés mais aussi des bonnes pratiques observées. Cet objectif implique de mettre en œuvre des conditions favorables à la verbalisation des difficultés rencontrées par les intervenants et d’analyser les pratiques en intervention. Il importe alors de savoir faire la différence entre le jugement, qui n’a pas sa place dans un retour d’expérience, et l’analyse qui permet l’objectivité et la réflexivité. C’est dans cette logique que sont formés les lieutenants des FILT1C et 2C au moyen d’un module sur la sensibilisation au RETEX.
Le retour d’expérience ne consiste pas à rechercher, et encore moins à établir, des responsabilités mais bien à généraliser la portée des enseignements et à dépersonnaliser les situations. Dans un retour d’expérience, on part du principe que ce qui arrive à un agent peut arriver à beaucoup d’autres qui n’ont pas la connaissance et/ou l’expérience de certaines situations. De cette façon, la démarche RETEX s’inscrit dans un principe d’amélioration continue par la création de connaissances. A ce titre, la formation d’initiation au RETEX des lieutenants (FALT1C) permet de valoriser leur expérience et de la partager.
Le retour d’expérience permet de neutraliser la reproduction de certaines erreurs et de faire de chaque agent un apprenant, un lanceur d’alerte ou encore le vecteur d’une innovation dans les pratiques. Le sens donné à la formation à l’exploitation du RETEX permet aux capitaines (FAC) d’identifier des leviers d’amélioration pour leur organisation.
Le retour d’expérience ne doit pas se réduire à un document écrit mais se développer comme une démarche qui commence avec l’analyse de l’intervention et se termine par un plan d’action et la mise en œuvre des mesures correctives allant parfois jusqu’à la réactualisation de la doctrine et de la règlementation. Savoir implémenter le RETEX au sein de l’organisation relève d’une compétence propre aux chefs de groupement.
Enfin, le retour d’expérience est un concept qui présente de nombreuses vertus pour un colonel issu des emplois supérieurs de direction (ESD) :
- Éviter l’institutionnalisation de routines organisationnelles inadaptées et de pratiques dites déviantes dont la normalité s’ancre progressivement dans la non-conformité ;
- Favoriser l’apprentissage des erreurs et des situations mal vécues par les intervenants au moyen d’une analyse compréhensive des évènements car il est difficile de construire sa carrière sur des blessures et des incompréhensions ;
- Cibler les compétences individuelles et collectives à maintenir ou à développer par la réactualisation de la formation professionnelle ;
- Permettre la prospective et l’innovation dans les pratiques et les organisations car c’est en comprenant le passé et le présent que l’on peut mieux préparer l’avenir.