Cette fiche a pour but de montrer l'importance des notions d'éthique et de valeur au sein des organisations et des services publics.
Les sapeurs-pompiers.
« Traité des valeurs à l'usage des sapeurs-pompiers », Colonel Bruno BEAUSSE, Les Presses de l'ENSOSP.
Nous constatons depuis quelques années l’émergence de très nombreux discours faisant allusion aux valeurs. Cela est le cas dans la presse et dans le langage politique notamment mais au-delà, dans les organisations et les services publics.
Nous voyons se multiplier dans nos SDIS plus spécifiquement, les démarches de réflexion autour de l’éthique et des valeurs. C’est ainsi qu’une étude menée en 2016 [1] montre que presque 61% des SDIS ayant répondu [2] à une enquête les interrogeant sur la présence de valeurs partagées au sein de l’entité, répondaient que cela existait ou était en projet. Ce qui montre bien le besoin de ces réflexions au sein des SDIS.
Par ailleurs, la même étude démontre que cet élan est relativement récent parce que 70% des SDIS concernés s’y sont lancés depuis moins de 5 ans. Ce besoin si récent pourrait s’expliquer de manière multiple, mais je pense que
nous pouvons retenir 3 causes majeures sur lesquelles je ne m’étendrai pas [3], qui pourraient l’expliquer :
La réunion de ces causes génère inévitablement de l’anxiété poussant donc chacun à se recentrer individuellement sur ses bases et donc sur ses valeurs qui apparaissent concrètement comme le dernier « rempart » à l’angoisse, comme les dernières références solides sur lesquelles nous pouvons réellement nous appuyer.
Concernant les organisations, l’anxiété prend d’autres formes (mal-être au travail, mouvements sociaux, etc.), mais quelles que soient les formes prises pour exprimer ces angoisses, les organisations tentent de trouver des réponses soit en donnant du sens à l’action (démarches d’amélioration continue, démarches de conduite de projet, etc.), soit en travaillant sur les valeurs communes (charte, etc.). En tout état de cause, un besoin se ressent qui se concrétise par la multiplication des initiatives locales.
Par ailleurs, des éléments majeurs sont apparus qui ont considérablement renforcé cette situation d’angoisse généralisée qui sourdait dans nos sociétés depuis quelques années, ce sont les attentats de 2015 et de 2016. Non seulement l’anxiété s’est renforcée en donnant l’impression, à juste titre, que notre monde était encore plus dangereux, mais en plus, que ceux-là même qui le rendaient plus dangereux étaient issus de nos sociétés, de nos écoles, de nos rues.
La manifestation monstre du 11 janvier 2015, en réponse aux attentats à Charlie Hebdo, au-delà de la simple volonté collective d’exprimer notre attachement à la liberté de penser et de s’exprimer, était avant tout un besoin de faire front ensemble aux dangers nouveaux qui étaient soudainement apparus. Et pour ce faire, il y eut, pendant ces manifestations, une réappropriation notable des symboles républicains ainsi qu’une mise en débat tout aussi notable des valeurs républicaines. Nous avons pu voir foisonner dans les multiples cortèges les drapeaux tricolores accompagnés de la Marseillaise reprise à l’envie par l’ensemble des manifestants.
Est-ce à dire que l’apparition brusque d’un danger pousse l’ensemble des individus à se recentrer sur ses bases ? Sans doute. Mais au-delà de cette supposition, il est peut-être à considérer que les valeurs de base qui constituent nos valeurs républicaines furent trop longtemps laissées en jachère.
Pour illustrer cette hypothèse, je ne peux m’empêcher de vous narrer l’échange que j’eus le soir même de ce 11 janvier 2015 avec deux de mes enfants, jeunes adultes de 19 et 21 ans à l’époque, qui défilèrent dans deux grandes villes de France, Paris et Montpellier.
Le soir, la plus jeune me contacta par téléphone très énervée et outrée « - C’est scandaleux papa, me dit-elle, il n’y avait que des nationalistes dans la rue ! » « Comment cela ? » « Eh bien oui, me répondit-elle, ils étaient tous à
chanter la Marseillaise avec des drapeaux français à la main. ».
J’en restais stupéfait ! Je m’apercevais que j’étais convaincu du caractère quasiment « génétique » des valeurs, qu’il suffisait, somme toute, de naître en un lieu, dans un pays, pour que par une forme de mimétisme, dont je reconnais aujourd’hui l’absurdité, chacun intègre naturellement les valeurs de l’ensemble.
En fait, l’erreur était importante : les valeurs ne sont pas acquises, il faut les expliquer, il faut s’en emparer, il faut se les accaparer. Sinon le terrain que nous avons laissé en jachère sera envahi par les mauvaises herbes d’un nationalisme nauséabond et exclusif.
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[1] BRASSEUR S., ROUX S., TSALICHIS J.-C., SADDIER J.. Discerner l’organisation, transcender l’individu : vers
l’émergence de valeurs partagées chez les agents des SDIS. Aix-en-Provence : ENSOSP, Mémoire de chef de
groupement, 2016.
[2] 46 SDIS sur 104 sollicités.
[3] Expliquer très largement dans l’ouvrage S’il te plait, dessine-moi un officier !, BEAUSSÉ B., Éd. Les Presses
de l’ENSOSP, 2015.
[4] Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication.