Les commandants BRUISSON Christophe (SIS 73), GUIMARAES Eric (SIS 74), CROMBOIS Olivier (SIS 38) et CHAMAGNE Christophe (SDMIS) ont rédigé leur mémoire dans le cadre de leur formation initiale de sapeur-pompier professionnel, année 2020, sur le "L’identité du sapeur-pompier : du courage au dévouement ?".
Du courage au dévouement, l’intitulé que nous avons souhaité donner à notre mémoire s’appuie sur la devise de nombreux corps de sapeurs-pompiers qui associe la valeur courage à celle du dévouement. Dans sa formulation, ce titre évoque également une notion d’évolution traduisant notre volonté de remettre en cause des représentations et des repères traditionnels mis à mal par des mutations de la société et de l’activité du sapeur-pompier. Enfin, il reflète une partie de nos recherches dans la mesure où la valeur de courage semble s’estomper au profit de celle du dévouement qui apparaît comme étant la valeur cardinale des soldats du feu. Faut-il dès lors remettre en cause la devise du sapeur-pompier ? Au gré de nos recherches, cette question nous a paru dans un premier temps légitime. Mais en fin d’étude, nous proposons de considérer les choses d’une manière différente : l’augmentation de la part consacrée au secours à personne ne remet pas en cause la devise des sapeurs-pompiers, elle en change la représentation.
Nous en avons désormais la conviction, interroger la notion de l’identité du sapeur-pompier s’avère aujourd’hui nécessaire compte tenu de l’évolution de la société et de l’activité. Cette « quête d’appartenance et de reconnaissance » constitue indéniablement une dimension fondamentale pour redonner du sens à un métier, dont les fondamentaux sont actuellement remis en cause, et s’impose comme un paramètre de la qualité de vie au travail à ne pas négliger.
Dans un premier temps, nous sommes partis du principe de l’existence d’un socle commun à tous les sapeurs-pompiers constitutif d’une identité collective. Nos recherches montrent une relative homogénéité des réponses et nous révèlent qu’au-delà des spécificités du poste occupé, les sapeurs-pompiers partagent une vision globalement commune que nous mettons en évidence quel que soit le grade, l’ancienneté ou l’origine. Ce socle commun se fonde dans « l’épreuve opérationnelle » et s’appuie sur des valeurs fortes. Les sapeurs-pompiers expriment des attentes en matière de reconnaissance que nous avons traduites par le besoin de considération envers autrui, son travail et son engagement. Dans notre étude, le sale boulot, qui renvoie généralement aux tâches considérées comme indues ou ingrates, s’apparente aux interventions sociales et aux carences ambulancières.
Dans un deuxième temps, nous avons posé la question d’une mutation de l’identité liée au développement des missions de secours à personne à caractère social. Chez les sapeurs-pompiers, l’omniprésence du « feu » dans l’image idéalisée est de nature à générer une certaine dissonance avec la réalité de l’activité composée en grande partie de secours à personne. A cette question, nous répondons que si la forte part de l’activité consacrée au secours à personne modifie la promesse qui a été faite aux soldats du feu, elle ne change pas pour autant l’identité du sapeur- pompier, elle en modifie la forme. En effet, que ce soit pour un feu d’appartement ou un arrêt cardiaque, le dénominateur commun est l’urgence d’une situation qui exige engagement et technicité. Ainsi se dégage la nécessité d’une maîtrise de nos activités, en particulier concernant les interventions non urgentes, car la forte part de l’activité consacrée au secours à personne impacte aussi bien la disponibilité des hommes et des matériels autant qu’elle structure et conditionne les capacités des SDIS. En la matière, force est de constater que les sapeurs-pompiers s’imposent comme le premier secours et le dernier recours.
Dans un troisième temps, nous nous sommes intéressés à la problématique de la transmission de l’identité chez les sapeurs-pompiers qui, à bien y réfléchir, s’avère tout à fait fondamentale : il ne peut y avoir d’identité sans capacité à transmettre aux autres.
Enfin, il reste un débat en suspens : les fondamentaux d’un SDIS reposent-ils, comme le formule la proposition de loi MATRAS, sur la notion d’urgence, ou bien, comme le suggère certains de nos grands témoins, sur la nécessité de « faire ce que les gens attendent de nous » dans le cadre d’un service public qui évolue ? Du courage au dévouement, nous conclurons par une phrase prononcée lors de nos rencontres avec notre directeur de mémoire, le colonel Bruno BEAUSSÉ : « à laisser notre identité en jachère, on y perdra notre âme ».
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