L'intelligence artificielle (IA) révolutionne la gestion des crises de sécurité civile, notamment dans la lutte contre les feux de forêts. Au-delà de la simple détection des incendies, de la prévention et de l’utilisation en phase opérationnelle, l'IA ouvre de nouvelles perspectives économiques et juridiques, pouvant avoir des répercussions sur les missions et les budgets des services d’incendie et de secours.
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L'IA transforme aussi la gestion des crises de sécurité civile en exploitant des volumes massifs de données pour anticiper et répondre aux catastrophes. Pas de données, pas d’IA. L’arrivée massive de l’intelligence artificielle générative crée une nouvelle dynamique économique forte, où les données relatives aux crises de sécurité civile deviennent un atout stratégique. Les entreprises et les services d’incendie et de secours qui investissent dans des technologies capables de collecter, analyser et utiliser ces données pour améliorer la résilience et l'efficacité des interventions pourront se positionner en tant que plate-forme Tech impactant l’ensemble de l’organisation de la sécurité civile et de son industrie.
Les données de sécurité civile, notamment celles relatives aux feux de forêt, peuvent par exemple être utilisées pour développer de nouveaux produits et services assurantiels. Par exemple, les compagnies d'assurance peuvent utiliser des modèles prédictifs basés sur l'IA pour évaluer les risques et ajuster les primes d’assurance en temps réel. Cela vise à couvrir les risques supplémentaires liés aux conséquences du réchauffement climatique.
Les géants comme Google ont saisi cette opportunité en proposant une couche sur Google Maps des incendies de forêts dans le monde. Cette base de données influence déjà la variation des prix de certaines filières agricoles comme la sylviculture ou encore le prix des céréales. En 2023, les incendies de forêt ont eu des impacts sur les variations des prix du bois sur les marchés boursiers. La bourse de Chicago, référence pour les matières premières des filières agricoles, montre une importante volatilité. Les données sur les conséquences du réchauffement climatique sont précieuses car elles ont des répercussions économiques et sociales importantes.
La maîtrise des technologies d'IA spécialisées dans les données de sécurité civile devient une priorité. Les pays et les entreprises qui dominent ce secteur pourront non seulement améliorer leur propre sécurité, mais aussi exporter leurs technologies et services, créant ainsi des avantages économiques significatifs. La construction d’une stratégie d’innovation globale est donc indispensable pour éviter de se disperser dans de multiples micro-projets locaux, ce qui ne permet pas de développer une IA Factory de sécurité civile solide afin d’industrialiser des produits et des services avec les technologies issues de l'état de l'art.
Deux priorités se dégagent pour positionner la France comme leader en prévention et en lutte contre les feux de forêt en IA. Premièrement, disposer en France d’une base de données open-source pour améliorer et construire des algorithmes de détection. Deuxièmement, disposer d’une base de données connue uniquement par des organismes de certification ou une structure habilitée pour évaluer le niveau de fiabilité des solutions proposées. En effet, aujourd’hui, les taux de détection sont déterminés sur la base de données où les algorithmes ont été conçus, ce qui constitue un biais important.
France : L'association Pyronear a développé une solution open source basée sur l'IA pour détecter rapidement les débuts de feux de forêt. Ce système utilise des caméras intelligentes pour surveiller les zones à risque et alerter les autorités en cas de détection de fumée ou de flammes, permettant une intervention rapide. La société Midgard propose également un algorithme permettant de détecter rapidement les départs de feux et surveille 2 millions d’hectares en France en 2024. Ces deux solutions s’implantent de plus en plus pour la surveillance des forêts françaises. La société Keyros avec le SDIS du Var ont développé un modèle pour mieux identifier les obligations légales de débroussaillement.
États-Unis : Le réseau ALERTWildfire utilise des caméras PTZ (pan-tilt-zoom) et des réseaux micro-ondes pour surveiller les zones forestières. Il analyse les images en temps réel pour détecter les signes de feux de forêt et alerter les pompiers, permettant ainsi une réponse rapide et efficace.
Afrique du Sud : L'Université de Stellenbosch a développé un système utilisant des drones équipés de capteurs et d'IA pour surveiller les zones forestières. Ces drones peuvent détecter les changements de température et de fumée, permettant une détection précoce des incendies et une intervention rapide.
Inde : Le projet FireCast utilise des satellites et des algorithmes d'IA pour surveiller les forêts indiennes. Ce système analyse les images satellites pour détecter les anomalies thermiques et les signes de fumée, alertant les autorités locales pour une réponse rapide.
Australie : L'entreprise Exci utilise l'IA et l'apprentissage automatique pour détecter automatiquement les feux de brousse en quelques minutes après leur déclenchement. Le système analyse des images terrestres et satellitaires pour identifier les signes d'incendie et alerter les premiers intervenants.
Ces exemples montrent l’engouement pour l’utilisation de l’IA dans la lutte contre les feux de forêts. L’objectif maintenant est de ne pas se faire distancer dans le déploiement de ces technologies. Une structure supra-départementale est indispensable pour construire des technologies compétitives pour répondre aux enjeux environnementaux des prochaines décennies.
Pour maximiser les bénéfices de l'IA dans la gestion des crises de sécurité civile, il est essentiel de développer des cadres de collaboration et des stratégies intégrées.
La coopération entre les secteurs public et privé est indispensable pour développer des solutions innovantes et efficaces pour répondre aux évolutions des missions dans l’organisation singulière de la sécurité civile. Les partenariats peuvent accélérer la recherche et le développement, tout en garantissant que les technologies répondent aux besoins réels des intervenants sur le terrain.
Les personnels des SIS doivent être formés aux nouvelles technologies et aux enjeux éthiques et juridiques associés. Des programmes de formation continue peuvent aider à intégrer l'IA de manière responsable et efficace dans les opérations quotidiennes.
En complément, les régulateurs doivent adopter une approche proactive pour encadrer l'utilisation de l'IA pour les missions de sécurité civile. L’accent sur la transparence, la responsabilité et la protection des droits individuels continuera à se renforcer. La donnée, étant la matière première qui fera évoluer significativement les missions des SIS et permettra un pilotage plus efficace de la dépense publique, les SIS ont tout intérêt à investir dans la définition des cadres réglementaires et normatifs facilitant l'innovation tout en minimisant les risques de captation des données par des acteurs moins sensibles à ces aspects.
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L'intelligence artificielle offre des opportunités sans précédent pour améliorer la gestion des crises de sécurité civile, notamment dans la lutte contre les feux de forêt. Cependant, ces avancées technologiques s'accompagnent de défis économiques, juridiques et normatifs. En adoptant une approche intégrée et collaborative, il est possible de maximiser les bénéfices de l'IA pour améliorer la sécurité des citoyens. Les acteurs de la sécurité civile, les entreprises et les régulateurs doivent travailler ensemble pour construire un avenir résilient et innovant.
Julien FISCHER, spécialiste en stratégie et intelligence économique
Co-fondateur de l’association Atraksis
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