M. André Trillard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, la violence s'insinue quotidiennement partout en France. Il ne se passe plus un jour sans que des dégâts inacceptables soient commis sur la voie publique, voire des agressions inadmissibles, qui ont valu d'ailleurs une hospitalisation en urgence à un fonctionnaire de police. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
À Nantes, les casseurs « zadistes » du centre-ville brûlent des voitures, les commerçants sont terrorisés, le Go Sport de la place de Bretagne a été entièrement dévalisé.
Ces casseurs, on les retrouve à Paris, où vous avez abandonné pendant cinq semaines la place de la République à la pagaille. Vous vous êtes fait complice de cette violence, sous couvert de bons sentiments. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. David Assouline. Calomnies !
M. André Trillard. Tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes, nous a répondu mardi dernier le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Quel manque de lucidité !
La fatalité vous rattrape. Vous avez dû discrètement faire évacuer la place de la République, où, sous couvert de réinventer la démocratie, on a dépavé un espace réaménagé à grands frais et où une bouche de métro a été incendiée ! Avez-vous pensé un instant à ce que vivent la nuit les riverains ?
Vous soumettez les personnels de police et de gendarmerie à une situation intenable. Ils subissent, avec ordre de ne pas intervenir, des insultes, des crachats et de la violence. Leurs nerfs sont quotidiennement mis à l'épreuve, après des mois d'extrême tension liée à l'état d'urgence.
Les Français attendent d'être protégés et les fonctionnaires d'être dirigés. L'État n'a plus aucune autorité dans un pays où le laxisme invite à toujours plus de violence. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. C'est très modéré !…
M. André Trillard. Quand allez-vous cesser de prêcher les bons sentiments pour prendre la vraie mesure des choses ? Quand allez-vous rétablir l'autorité de l'État ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l'UDI-UC. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, lorsque, dans un pays, des tensions peuvent conduire à des violences extrêmes, la responsabilité de ceux qui portent une parole publique consiste à convoquer, avec la plus grande rigueur, la vérité.
Pour ce qui concerne les consignes données par mes soins à ceux qui sont en charge du maintien de l'ordre, c'est-à-dire les policiers et les gendarmes, elles l'ont été par télégramme. À plusieurs reprises, avant les manifestations, j'ai rendu publics ces télégrammes ; pour ceux qui sont à venir, je les adresserai aux présidents des commissions des lois des deux assemblées.
Que disent ces télégrammes ? Tout d'abord, lorsqu'il y a des casseurs, il doit y avoir des interpellations pour que le droit soit respecté avec la plus grande sévérité.
Depuis le début des manifestations, monsieur le sénateur, les forces de l'ordre ont procédé à mille interpellations. Vous parliez des manifestations qui ont eu lieu à Nantes jeudi dernier : trente-neuf personnes ont été interpellées, vingt-quatre gardées à vue, quatre condamnées à des peines de prison, dont des peines de prison ferme, quatre personnes ont été mises en examen, une personne a été écrouée et les procédures judiciaires se poursuivent.
Dire, comme vous venez de le faire à l'instant, que des consignes ont été données pour ne pas faire preuve de fermeté est une contrevérité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
Ensuite, monsieur le sénateur, on peut évoquer la situation des forces de l'ordre, mais si des interpellations ont lieu, c'est bien parce que ces forces sont en première ligne. Quand des policiers sont blessés par des pavés, quand l'un d'entre eux, auquel j'ai rendu visite, est victime d'une fracture au crâne, parce que des violences inacceptables ont été commises, on ne fait pas des théories vaseuses en avançant des contrevérités sur l'autorité de l'État : on leur rend hommage en raison de l'action qu'ils conduisent ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) C'est ma responsabilité de le faire.
Enfin, je voudrais insister sur un dernier point. Nous sommes dans un État de droit. On peut considérer, dans un État de droit, que peuvent être interdites des manifestations en contravention avec le droit,...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. ... mais je vous rappelle que le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel se sont prononcés en février dernier et ont défini le cadre de droit qui préside aux interdictions de manifestations. Je me conforme rigoureusement à ce qu'est l'état du droit, parce que c'est ainsi qu'un républicain se comporte quand il est responsable ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour la réplique. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. David Assouline. Il ose répondre !
M. André Trillard. Je ne dirai qu'une seule phrase : vous savez mieux que moi, monsieur le ministre, qu'il n'y a pas de démocratie dans le désordre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)