Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ma question s'adressait au Premier ministre, mais Mme Pécresse…
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget. ... fera l'affaire ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vous qui l'avez dit !
Mme la ministre du budget est tout à fait habilitée à me répondre. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Gaudin. Quelle élégance ! Il est vrai que Mme la ministre a toutes les qualités requises pour être Premier ministre ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J'en viens à ma question.
La Grèce, victime essentiellement d'une terrible spéculation facilitée par l'incurie des partis au pouvoir, va être mise sous tutelle et son peuple à genoux.
Voilà deux jours, une aide de 237 milliards d'euros, dont 107 milliards d'annulation des dettes privées, a été décidée.
Comment se fait-il, madame la ministre, que les 350 milliards d'euros concédés antérieurement se soldent par une régression sans précédent pour le peuple grec ? Je vais vous le dire : parce que cet argent sert non pas à relancer la croissance et le développement social, mais pour une bonne part à rembourser les créanciers, les banques en premier lieu, qui ont mis le feu à ce pays ! (Mme Bariza Khiari applaudit.)
Mme Éliane Assassi. Des usuriers !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aujourd'hui, avec le traité MES, c'est l'ensemble des peuples européens que vous tentez de soumettre définitivement.
Ce mécanisme européen de stabilité engage la France dans un processus d'abandon de souveraineté budgétaire au profit d'une règle d'or européenne.
Avec cette nouvelle mise en cause de souveraineté, avec l'absence de modalités de contrôle sur le devenir des fonds publics engagés, la question de la conformité de ce dispositif à la Constitution est manifestement posée.
Madame la ministre, je souhaiterais vous interroger sur deux points.
En premier lieu, pouvez-vous nous dire pour quelle raison le Président de la République ou le Gouvernement n'ont pas saisi en amont le Conseil constitutionnel sur la conformité de ce traité à notre Constitution, alors que cette saisine a été utilisée chaque fois depuis 1992 ?
En second lieu, le Président candidat a annoncé des consultations par voie de référendum sur les chômeurs et les immigrés. Nous ne pouvons que nous étonner de cette frénésie référendaire de sa part, lui qui n'a pas consulté les Français sur le traité de Lisbonne et qui n'a même pas cru bon de rendre applicable son timide référendum d'initiative populaire !
Pouvez-vous nous dire si nos concitoyens seront consultés par référendum sur cette nouvelle aliénation de souveraineté nationale et populaire en matière budgétaire ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, à l'origine de notre incompréhension mutuelle, il y a une vraie divergence.
Mme Éliane Assassi. C'est certain !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Pour nous, il n'est pas de France forte sans une Europe forte ! Pour nous, sauver l'euro et l'Europe, c'est protéger la France ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Depuis que vous êtes aux affaires, tout a changé ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a l'Europe des banques et l'Europe des peuples !
Mme Valérie Pécresse, ministre. À partir de là, tout est différent ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Notre vision, c'est que nous devons mettre en place un mécanisme européen de stabilité qui permette à la solidarité, à l'intérieur de la zone euro, de s'exercer pleinement.
Nous ne voulons pas laisser tomber la Grèce. La meilleure preuve de ce soutien au peuple grec, c'est la mise en place de ce mécanisme.
Mme Nicole Bricq. Arrêtez de dire des bêtises !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous me dites qu'il s'agit d'un abandon de souveraineté. Ce n'est pas le cas, et je vais vous expliquer pourquoi : simplement parce que le fonctionnement du mécanisme européen de stabilité sera rigoureusement identique à celui des grandes banques internationales de développement qui existent aujourd'hui. Je pense par exemple à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la BERD. Ces mécanismes d'appels à capitaux pour aider des pays qui en ont besoin existent déjà. Ce n'est pas nouveau !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La règle d'or, c'est tout à fait autre chose !
Mme Valérie Pécresse, ministre. D'ailleurs, en 2010, quand nous avons voté le collectif budgétaire, nous avons mis en place un tel mécanisme pour la BERD.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons refusé la règle d'or !
Mme Valérie Pécresse, ministre. À l'époque, vous n'aviez d'ailleurs rien trouvé à y redire, et le Conseil constitutionnel ne l'a pas censuré.
C'est la raison pour laquelle nous estimons que notre démarche est tout à fait constitutionnelle et qu'il n'y a pas, en la matière, abandon de souveraineté.
J'ajoute que l'Assemblée nationale a amélioré le texte du Gouvernement afin de le rendre encore plus respectueux du pouvoir et des compétences de la représentation nationale, et ce sur trois points qui, je l'imagine, vous tiennent à cœur : tout d'abord, l'information renforcée des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat ;...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On informe les commissions ! Quelle nouvelle ! Chapeau !
Mme Valérie Pécresse, ministre. ... ensuite, le rapport trimestriel sur les opérations financières et le résultat des opérations du MES ; enfin, l'information dont chaque décision importante du Conseil des gouverneurs fera l'objet.
C'est la raison pour laquelle, à nos yeux, le MES est à la fois cohérent et équilibré : c'est le fruit d'un compromis auquel sont parvenus les États nations pour sauver la zone euro. De surcroît, je le répète, la méthode adoptée associe très étroitement le Parlement.
C'est pourquoi, à notre sens, tous les Européens devraient, aujourd'hui, voter en faveur du MES ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR.)