M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Joël Guerriau. Monsieur le secrétaire d'État chargé du numérique, les Français confinés utilisent massivement le numérique pour travailler à distance, pour faire leurs achats, pour se divertir ou encore pour échanger avec leurs proches. La géolocalisation peut être par ailleurs un outil pour traquer les déplacements et endiguer la diffusion du Covid-19.
Tout cela pose des problèmes d'éthique, de liberté individuelle et de respect des données personnelles, mais soulève aussi le problème de la souveraineté numérique française.
La situation actuelle révèle et renforce notre dépendance aux Gafam. Ces géants prennent une part de plus en plus prépondérante dans notre économie, sans payer d'impôts à la hauteur de leurs profits.
Les entreprises françaises souffrent pendant que ces géants gagnent des parts de marché. Il serait normal que les entreprises qui, en définitive, bénéficient de cette crise contribuent financièrement à aider celles qui en pâtissent.
Le confinement agit en réalité comme le révélateur de nos faiblesses en matière d'approvisionnement en équipements – cela vient d'être dit – et en médicaments, mais aussi concernant la maîtrise d'internet. Nous devons penser cette crise comme une occasion de modifier notre modèle de développement, trop dépendant d'autres nations dans des domaines majeurs.
Monsieur le secrétaire d'État, comment comptez-vous bâtir la souveraineté française et européenne dans le domaine des hautes technologies du numérique ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Guerriau, je ne sais que vous dire, si ce n'est que le Gouvernement et moi-même partageons bien évidemment votre préoccupation.
Je ne puis que m'interroger, et même m'inquiéter, quand je vois que, en cette période, l'ensemble des Français, mais aussi les institutions, ont massivement recours aux outils numériques des entreprises américaines. Même l'État, dès lors qu'il s'agit par exemple d'organiser des visioconférences, décide instantanément – c'est peut-être le cas ici aussi – d'utiliser une application américaine, qui, certes, fonctionne très bien, mais qui pose énormément de questions.
Ce que vous dites est totalement fondé. Ce sujet intéresse d'ailleurs beaucoup la Haute Assemblée, qui a mis sur pied une commission d'enquête sur la souveraineté numérique, présidée par M. Montaugé et dont le rapporteur est M. Longuet.
La question de l'émergence de solutions et de champions numériques, français et européens, est au cœur du problème de l'indépendance et du respect des valeurs – vous en avez parlé – de la France et de l'Europe, ce qui corrobore la stratégie qui a été celle du Gouvernement depuis trois ans, parfois un peu raillée sous le terme de « start-up nation » : faire émerger des champions du numérique est indispensable.
On le voit en particulier dans certains secteurs ; je pense à la télémédecine ou à la façon dont, lorsqu'il est devenu nécessaire pour l'éducation nationale de déployer son espace numérique de travail en direction d'un nombre beaucoup plus important d'élèves, la disponibilité de serveurs français a été extrêmement appréciée.
En France, aujourd'hui, sept entreprises sont des « licornes », c'est-à-dire valent plus d'un milliard d'euros. Quatre d'entre elles ont émergé au cours de l'année dernière, en partie grâce à la politique menée par le Gouvernement.
Néanmoins, nous devons accélérer, et la question que vous posez est absolument essentielle en vue de l'après-crise – nous n'y sommes pas encore. Parmi les éléments qui devront fonder la réflexion économique et souveraine de la France et de l'Europe dans l'après-crise figure notre capacité à travailler notre souveraineté dans le domaine sanitaire, tout d'abord et évidemment, puis dans le domaine numérique.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.
M. Joël Guerriau. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, et je me réjouis que vous partagiez cette orientation. Le fait même de l'existence d'un secrétariat au numérique nous donne d'ailleurs, à cet égard, de l'espoir.
J'y insiste d'autant plus que la question se pose dans d'autres domaines, notamment la défense nationale. Nos forces armées et notre police doivent pouvoir disposer d'outils leur permettant de se prémunir contre une attaque terroriste ou de réagir à des cyberattaques. Dans ce domaine, il faut absolument que nous devenions souverains.
J'ai confiance en notre capacité à y travailler tous ensemble et à créer, pour notre pays, un nouveau modèle de développement nous permettant de faire face, en toute indépendance, à des crises comme celle que nous vivons.