M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Hervé Marseille. Monsieur le Premier ministre, à mon tour, je voudrais vous présenter mes vœux. Le Gouvernement en a bien besoin, en ce début d'année compliqué… (Rires.)
Il est vrai que, chaque fois qu'il a fallu prendre des mesures difficiles, le Sénat a répondu présent.
M. Jean-François Husson. Très juste !
M. Hervé Marseille. Nous avons fait nos observations et nos critiques ; nous avons, bien entendu, formulé des propositions – quelquefois, souvent même, en vain. Mais nous avons voté l'état d'urgence, le confinement, le couvre-feu, le passe sanitaire.
Comme l'indiquait à l'instant Bruno Retailleau, nous nous apprêtons, pour beaucoup d'entre nous, à aborder le texte portant sur le passe vaccinal avec le même état d'esprit : pour vous faire part de notre opinion, de nos critiques, de nos propositions, mais également – c'est mon intention – pour voter ce passe vaccinal.
Malheureusement, depuis quelques heures, l'exposé des motifs a changé. Dans l'exposé des motifs tel que je l'ai relu, il est question de protéger la population ; il n'y est pas employé un autre verbe, qui consiste à montrer du doigt, à stigmatiser une partie de la population française. (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Il est vrai que le Président parle souvent à la première personne. Mais il y a un Gouvernement ; il y a un Parlement ; et ce dernier, que nous constituons pour partie, n'a pas pour vocation à « ennuyer » une partie de la population française.
Il est regrettable que 10 % de la population française ne soit pas vaccinée.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Eh oui !
M. Hervé Marseille. Cela étant, ces personnes n'ont enfreint aucune loi, aucun règlement.
C'est une solidarité, c'est un problème moral, c'est un devoir que l'on peut s'assigner à soi-même vis-à-vis des autres, mais il n'y a pas de règle qui imposerait que l'on soit vacciné.
Dès lors, monsieur le Premier ministre, je vous le demande : la politique que vous conduisez – car c'est bien vous qui en avez la charge et nous qui devons la voter – évolue-t-elle ? Prend-elle une autre direction ?
On montre du doigt une partie de la population, alors que le Président est, normalement, celui qui garantit l'union nationale et le rassemblement. Lorsque des actes de terrorisme sont perpétrés, lorsque l'on se bat au Sahel, lorsque des discussions ont lieu en Nouvelle-Calédonie, le Président est l'homme du rassemblement, il est le dernier recours.
Le Gouvernement que vous conduisez modifiera-t-il sa politique pour passer d'une règle qui consiste à « tester, tracer et isoler » à une règle qui consiste à « ennuyer » les Français ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Marseille, la politique du Gouvernement est constante. (Exclamations et rires sur les travées du groupe Les Républicains.) J'ajouterai : elle est cohérente.
Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. J'ai entendu également la réplique du président Retailleau à ma réponse.
Mais je m'interroge : qui outrage la Nation ? Qui fracture la Nation ? (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Qui conduit, dans nos services d'urgence, les soignants à faire des choix éthiques dramatiques ?
Mme Laurence Cohen. Qui a fermé des lits ?
M. Jean Castex, Premier ministre. C'est une infime minorité. Vous dites qu'elle se conforme…
M. Jérôme Bascher. À sa liberté !
M. Jean Castex, Premier ministre. … à la loi, excusatoire. Non, monsieur le président Marseille, elle ne se conforme pas à ses devoirs de citoyens. (Protestations continues sur les travées du groupe Les Républicains.)
Être citoyen, c'est aussi avoir des devoirs. Et de le leur rappeler, c'est tout ce que nous faisons. Nous continuerons, cher président, à faire progresser la vaccination, à « aller vers » ces personnes. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cela produit d'ailleurs des résultats. Vous avez observé, avant même que vous ne le votiez – et j'espère bien que vous le voterez –, que l'annonce du passe vaccinal a relancé les primo-vaccinations.
Mme Sophie Primas. Et alors ?
M. Jean Castex, Premier ministre. On parle beaucoup, à bon droit, des doses de rappel, mais il ne faut pas oublier – vous le savez comme moi – les primo-vaccinations.
Nous approchons les 92 % de primo-vaccinés, c'est un record mondial. (Exclamations teintées d'ironie sur des travées du groupe Les Républicains.) Oui, c'est un record mondial !
Vous prétendez accompagner ma politique. Je me souviens, pour ma part, de toutes les critiques continûment émises sur la politique conduite par le Gouvernement pour gérer cette crise sanitaire. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. René-Paul Savary. Il ne faut pas injurier les Français !
M. Jean Castex, Premier ministre. À un moment donné, il faut appeler un chat un chat, responsabiliser nos concitoyens et nous donner, ensemble, les moyens de lutter contre cette pandémie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Emmanuel Capus, Pierre Médevielle et Pierre Louault applaudissent également.)