Mme Laurence Rossignol attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée de l'Europe sur le report de la révision du règlement « enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques » REACH (en anglais : Registration, Evaluation, Authorization and restriction of CHemicals) sur les substances chimiques.
Nous avons appris le 19 octobre 2022 que, malgré des attentes fortes, la révision de la réglementation européenne sur les produits chimiques REACH risque d'être repoussée probablement fin 2023. Cela risque fort, dans les faits, de la reporter après les élections européennes de 2024, avec le haut niveau d'incertitude politique que cela implique.
C'est à la fois une déception et surtout une source d'inquiétudes car cela signifie que des décisions visant à exclure du marché européen des familles de produits chimiques dangereuses seront également reportées d'autant.
Pourtant, depuis son entrée en vigueur en 2007, les nombreuses faiblesses du règlement REACH ont été régulièrement pointées du doigt, notamment la complexité et la lenteur des processus d'évaluation, limitant considérablement l'efficacité du règlement à restreindre et substituer les substances les plus dangereuses.
La révision de ce règlement est donc cruciale, elle doit permettre notamment : l'évaluation des produits chimiques non plus substance par substance mais par famille de produits, ce qui améliorerait grandement l'efficacité et la rapidité des procédures d'évaluation, comme dans le cas des perfluorés, grande famille de plus de 4000 composés ; l'identification des perturbateurs endocriniens (les données nécessaires à cette identification ne sont pour le moment pas demandées) ; la possibilité de prendre en compte l'exposition à des mélanges de substance en vue de limiter le risque d'effets cocktail ; et enfin la possibilité d'interdire certains usages grand public et professionnel des substances les plus dangereuses.
Ces mesures sont indispensables à la protection des citoyennes et des citoyens européens et de leur environnement. Le report de cette réforme est donc dramatique d'un point de vue sanitaire et environnemental.
Le fait que la Commission européenne, semble-t-il sous pression de certains acteurs économiques, ait renoncé à avancer sur ce dossier est très inquiétant.
Nous nous inquiétons également de la position de la France sur ce dossier et n'avons vu aucune position officielle sur le sujet. La France, autrefois en pointe sur ces questions de santé environnementale, aurait-elle abandonné cette ambition ?
Une clarification est nécessaire sur ce point. Elle lui demande si elle peut lui indiquer si le Gouvernement est prêt à soutenir clairement une révision de ce règlement REACH fin 2022 ou au plus tard début 2023, dans l'intérêt de l'environnement et de la santé publique en France et en Europe.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 243, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée de l'Europe.
Mme Laurence Rossignol. Nous avons appris voilà deux mois que, malgré des attentes fortes, la révision de la réglementation européenne sur les produits chimiques dite Reach pourrait être repoussée, probablement à la fin de l'année 2023. Dans les faits, elle risque fort d'être reportée après les élections européennes.
Cette annonce nourrit de grandes inquiétudes. Cela signifierait en effet que des décisions visant à exclure du marché européen des familles de produits chimiques dangereuses seront reportées d'autant.
Pourtant, depuis son entrée en vigueur en 2007, les nombreuses faiblesses du règlement Reach ont été régulièrement dénoncées, notamment la complexité et la lenteur des processus d'évaluation.
La révision de ce règlement est donc indispensable. Il s'agit notamment de permettre d'évaluer les produits chimiques non plus substance par substance, mais par famille de produits, d'identifier les perturbateurs endocriniens – un sujet important –, de prendre en compte l'exposition à des mélanges de substances en vue de limiter le risque d'effet cocktail, ou encore d'interdire certains usages par le grand public et les professionnels de substances dangereuses.
Il semblerait que la Commission européenne ait renoncé à faire avancer ce dossier sous la pression de certains acteurs économiques. De son côté, la France est bien silencieuse : à notre connaissance, elle n'a pris aucune position officielle sur le sujet, alors qu'elle était autrefois en pointe sur la question de la santé environnementale.
Monsieur le ministre, quelle est la position de la France ? Le Gouvernement est-il prêt à soutenir une révision rapide du règlement Reach ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame la sénatrice, la France s'est clairement positionnée sur le report de la révision de Reach. Dès le 4 octobre dernier, le ministre Christophe Béchu s'est joint à six ministres européens de l'environnement pour rédiger un courrier, consultable en ligne me semble-t-il, appelant la Commission à réviser rapidement le règlement.
Le 2 novembre, lors d'une audition au Sénat, mon collègue a clairement souligné la nécessité d'adopter un cadre plus contraignant avant les prochaines élections européennes, rappelant l'urgence de durcir nos règles, y compris pour que l'industrie chimique puisse se préparer, alors que les modifications du règlement ne prendront effet que cinq ans après la révision.
Le Gouvernement est conscient du caractère essentiel de cette révision pour la santé de nos concitoyens, préoccupés par la pollution chimique, et pour la protection de l'environnement. Il connaît également les inquiétudes de certains secteurs à l'égard des modifications qui pourraient être décidées et l'importance pour ces derniers d'avoir une visibilité sur le cadre à venir.
Soyez-en assurée, madame la sénatrice, la France continuera de plaider auprès de la Commission européenne et de ses partenaires européens, comme elle le fait déjà depuis des mois, pour une révision rapide du règlement Reach.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Je vous remercie, monsieur le ministre. Il n'est pas suffisant que la France plaide, en se contentant d'une obligation de moyens. Il faut maintenant passer aux résultats.
La France n'est pas n'importe quel pays européen : elle pèse au sein de l'Union, notamment dans le domaine de la santé environnementale. Les ministres peuvent en outre compter sur le soutien des associations et des parlementaires engagés sur ces sujets.
Il est indispensable que la révision du règlement intervienne le plus tôt possible. Dans l'intervalle, les substances se diffusent et leur toxicité gagne un nombre toujours plus important d'habitants de nos pays.