M. Jacques Gillot. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
La semaine dernière, bientôt trois mois après le séisme qui a ravagé Haïti, la solidarité internationale des pays donateurs a chiffré les promesses de dons à près de 10 milliards de dollars.
Monsieur le ministre, pouvez-vous, premièrement, nous apporter des précisions sur la façon dont la France entend participer à cette reconstruction, et sur la place qui lui sera réservée dans les instances de pilotage et de coordination ? Pouvez-vous nous dire aujourd'hui de quelle manière les engagements français vont s'articuler avec ceux de l'Union européenne et des autres pays donateurs ?
Deuxièmement, au lendemain de la catastrophe, les départements français d'outre-mer, notamment la Martinique et la Guadeloupe, se sont immédiatement mobilisés pour apporter les premiers secours à leurs frères haïtiens, en raison de la proximité non seulement géographique, mais également historique et culturelle liant ces territoires créolophones.
Face à cette proximité, au savoir-faire local et à l'expertise de nos territoires domiens vis-à-vis d'Haïti, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que la France a intérêt à profiter de sa situation stratégique aux Antilles, en mobilisant activement et fortement ses départements d'outre-mer ? En effet, dans la continuité de nombreux micro-projets que nous avons financés pour la reconstruction du pays, d'une mission pour un diagnostic portant sur les bâtiments historiques et de l'estimation des infrastructures routières, en étroite collaboration avec la Banque mondiale, nous souhaiterions nous impliquer fortement dans cette stratégie de reconstruction.
Troisièmement, monsieur le ministre, en ce qui concerne les procédures d'adoption d'enfants haïtiens, qui ont relancé le débat sur l'adoption internationale et sur les trafics d'enfants, ne faut-il pas assouplir les procédures d'adoption tout en renforçant la protection et la dignité des enfants ?
Enfin et pour finir, depuis la catastrophe, les collectivités antillaises ont accueilli un certain nombre d'enfants mineurs, isolés ou en transit, présentant de graves traumatismes. Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour rappeler que le conseil général de Guadeloupe attend toujours que l'État respecte ses obligations légales de prise en charge en ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mmes Gélita Hoarau et Éliane Assassi applaudissent également.)
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le sénateur, je vous rappelle tout d'abord qu'à New York 9,9 milliards de dollars ont été récoltés sur dix ans, dont 5,6 milliards pour les seules années 2011 et 2012, alors que les Haïtiens réclamaient 3,9 milliards. Par conséquent, ce fut non pas un succès et la fin d'une opération, mais le début d'un processus.
La première des trois questions que vous me posez, monsieur Gillot, concerne la manière dont notre pays entend y participer. L'aide de la France s'élèvera à 326 millions d'euros, tout compris, ou à 180 millions d'euros si l'on retranche de ce montant l'aide au développement, les mesures d'urgence et l'annulation de la dette. Toutefois, 5 millions d'euros seront débloqués dès ce mois-ci, et 20 millions d'euros avant la fin de l'année, notamment pour permettre à l'État haïtien de payer ses fonctionnaires.
En matière de redressement de l'État, les Haïtiens doivent nous indiquer les grandes lignes. C'est le cas, par exemple, lorsque le président René Préval décide de créer une école publique obligatoire, alors que l'école était traditionnellement privée en Haïti, et que très peu d'enfants en bénéficiaient. Ce processus prendra un certain temps, et nous sommes à leur disposition pour former les maîtres, les fonctionnaires, mais aussi pour parler du cadastre, en profitant évidemment de l'avantage linguistique. Les pistes sont nombreuses.
Mais n'oublions pas que des efforts restent à faire dans le domaine de l'aide d'urgence, notamment envers les populations qui continuent d'être hébergées sous des tentes, à la merci de la pluie, mais surtout des infections. Nous n'avons pas encore trouvé le moyen de les protéger à l'aide de structures plus rigides et plus appropriées.
Il faut aussi fournir un appui économique, notamment en envoyant des semences et des engrais, ainsi qu'en dispensant des formations agricoles. Nous devons également nous préoccuper de la bonne gestion de l'aide et de sa coordination. Plus la concurrence des charités est forte, plus cela devient difficile.
J'en viens à votre deuxième question. La France coprésidait la Conférence des donateurs. Nous coprésiderons également la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti, en attendant le plan de développement que les Haïtiens nous promettent dans dix-huit mois. En attendant, l'ONU, M. Clinton et les bailleurs internationaux coprésideront cette structure. Nous les rencontrerons deux ou trois fois par an, quels que soient les progrès enregistrés. Il faudra voir également quel rôle jouera le fonds de reconstruction…
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre. Il n'est pas aisé de conclure rapidement sur la délicate question des orphelins. Ces derniers doivent être considérés individuellement, mais aussi dans leur rapport avec leur famille. En général, monsieur le sénateur, ils ne sont pas orphelins. Nous en avons accueilli cinq cents ; nous avons également envoyé des pédopsychiatres en Haïti ; enfin, nous avons mis en place ce que l'on appelle un « sas » en Guadeloupe,…
M. le président. Concluez, monsieur le ministre !
M. Bernard Kouchner, ministre. … et nous développons l'aide médicale qui les concerne dans ce département ainsi qu'en Martinique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)