Mme Émilienne Poumirol appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'exposition des sapeurs-pompiers aux substances toxiques et sur la reconnaissance de certains cancers comme maladies professionnelles.
Elle lui rappelle que des études menées par des chercheurs indépendants sur une cohorte de pompiers viennent de mettre en lumière les risques de l'exposition professionnelle des sapeurs-pompiers aux fumée d'incendies et plus particulièrement aux retardateurs de flammes.
Il est ainsi démontré que tous les pompiers français sont exposés aux retardateurs de flammes - substances reprotoxiques et cancérigènes reconnues - à des niveau tels que la contribution de l'exposition professionnelle doit être questionnée.
En effet, près de 4 % des sapeurs-pompiers seraient ainsi victimes de cancers liés à ce type de polluants.
Or, en France, il n'existe pas de données officielles précises sur le nombre de pompiers professionnels atteints de cancer.
Pourtant, dès 2003, un rapport rendu au ministre de l'intérieur d'alors concluait à la nécessité de mettre en place une véritable veille sanitaire des sapeurs-pompiers afin d'élaborer une politique de prévention.
Mais, vingt ans plus tard, aucune étude épidémiologique ou effort de suivi médical coordonnée n'a été mis en oeuvre.
En juin 2022, le centre international de recherche sur le cancer a publié une étude démontrant qu'il existait suffisamment de preuves chez l'homme pour établir la cancerogénicité de l'exposition professionnelle des pompiers. Ainsi, cette étude avait établi un lien entre l'exposition professionnelle des pompiers et le mésothéliome et le cancer de la vessie. Il démontrait également des associations positives avec notamment les cancers du colon, de la prostate et des testicules.
Pour autant, aujourd'hui en France, seul un type de cancer, le carcinome du nasopharynx, est reconnu comme étant en lien avec l'exposition des pompiers à la fumée des incendies alors qu'en Australie, 12 types de cancers, au Canada, 19 types de cancers et aux États-Unis d'Amérique, 30 types de cancers, le sont.
En conséquence, elle lui demande s'il entend prochainement élargir la liste des cancers reconnus comme maladies professionnelles chez les sapeurs-pompiers et instaurer un véritable suivi médical des pompiers.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, auteure de la question n° 960, adressée à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Mme Émilienne Poumirol. Une équipe de journalistes d'investigation vient de démontrer, dans la série documentaire Vert de Rage, que tous les sapeurs-pompiers français étaient exposés aux retardateurs de flammes, ces substances reconnues comme reprotoxiques et cancérigènes, et ce à des niveaux tels qu'il est indispensable d'étudier le lien entre l'exposition professionnelle à ces substances et les maladies recensées.
Dès 2003, l'alerte avait pourtant été donnée. En effet, un rapport remis au ministre de l'intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, concluait à la nécessité de mettre en place une véritable veille sanitaire des sapeurs-pompiers, en vue d'élaborer une politique de prévention efficace. Mais, vingt ans plus tard, aucune étude épidémiologique, aucun effort de suivi médical coordonné n'a été mis en oeuvre.
En juin 2022, le Centre international de recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la santé a publié une étude précisant qu'il existait suffisamment de preuves chez l'homme pour établir la cancérogénicité de l'exposition professionnelle des pompiers. Cette étude a ainsi établi un lien entre l'exposition professionnelle des pompiers et le mésothéliome ou le cancer de la vessie.
Comme vous le voyez, les études et les alertes ne manquent pas.
Cela étant, aujourd'hui en France, seul un type de cancer, le carcinome du nasopharynx, est reconnu comme étant lié à l'exposition à la fumée des incendies. Aux États-Unis, jusqu'à vingt-huit cancers sont reconnus comme maladie professionnelle. Au Canada, il y en a dix-neuf, en Australie douze.
Comment expliquer une telle différence ? Les pompiers français ne sont-ils pas exposés aux mêmes risques ? Les considère-t-on dans notre pays comme des surhommes ?
Agnès Buzyn, ancienne ministre de la santé, avait annoncé la révision du tableau des maladies professionnelles. Qui plus est, la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) est chroniquement excédentaire - j'imagine que, pour la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), il en est de même.
Alors, madame la secrétaire d'État, quelles mesures comptez-vous adopter pour, enfin, favoriser la reconnaissance des maladies professionnelles, la prévention et le suivi de la santé de nos sapeurs-pompiers professionnels comme volontaires ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Madame la sénatrice Poumirol, dans le cadre de leur mission, les sapeurs-pompiers sont en effet exposés à de nombreux risques. S'agissant de la toxicité des fumées, composées à la fois de gaz et de particules, cette exposition est bien identifiée et prise en compte au travers de plusieurs dispositifs.
Les sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires, sont soumis à des conditions d'aptitude physique et médicale particulières et suivis par une médecine d'aptitude lors de leur entrée en fonction et tout au long de leur carrière ou engagement.
Le contrôle de l'aptitude des sapeurs-pompiers est défini par l'arrêté du 6 mai 2000, dont la refonte fait actuellement l'objet d'une réflexion. L'enjeu est que la pratique s'adapte aux évolutions de la médecine, notamment pour tenir compte, au travers de dépistages, des risques de cancer.
En fin de carrière, le décret n° 2015-1438 du 5 novembre 2015 ouvre droit à un suivi médical post-professionnel pour les agents de la fonction publique territoriale, incluant les sapeurs-pompiers professionnels, qui en bénéficient après la cessation définitive de leurs fonctions. Ce suivi est pris en charge par les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis).
Par ailleurs, les Sdis ont mis en place différentes mesures de prévention collective et individuelle : d'une part, chaque procédure d'intervention peut donner lieu à un soutien en matière de santé ; d'autre part, les sapeurs-pompiers disposent d'équipements de protection individuelle, comme l'appareil respiratoire isolant pour la protection des voies respiratoires.
Au-delà des études menées par le Centre international de recherche sur le cancer, de nombreux travaux de recherche sont effectués à l'échelle nationale, notamment par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur. Ces travaux devraient permettre d'établir plus précisément le lien éventuel entre les risques professionnels auxquels sont exposés les sapeurs-pompiers et l'apparition des maladies.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.
Mme Émilienne Poumirol. Merci, madame la secrétaire d'État. Je sais bien qu'il existe un suivi des sapeurs-pompiers par la médecine d'aptitude, qui se poursuit même à l'issue de leur carrière. Mais, en l'occurrence, je m'étonne qu'en France il n'y ait jamais eu de reconnaissance des maladies professionnelles des sapeurs-pompiers en raison de leur exposition professionnelle - c'est ce que nous demandons.
Vous avez évoqué les études du Centre international de recherche sur le cancer : celles-ci ont démontré qu'il existe un lien étroit entre les fumées et les maladies des pompiers ; pourquoi ce lien serait-il reconnu aux États-Unis, au Canada ou en Australie, mais pas en France ?
Il n'est plus temps de tergiverser : il faut désormais mettre en place cette reconnaissance pour les plus de 2 000 sapeurs-pompiers qui seraient concernés en France.
J'ai été moi-même confrontée, en tant que présidente de Sdis, mais aussi en tant que médecin, à un certain nombre de cas, dans lesquels il est impossible de faire jouer cette reconnaissance, parce que les pathologies ne sont pas inscrites au tableau des maladies professionnelles.