M. Patrice Joly attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les différences de traitement, par rapport à d'autres agents publics territoriaux, entre les sapeurs-pompiers professionnels à temps partiel pour l'exercice d'une autre profession d'agent territorial au sein d'une collectivité.
À l'heure actuelle, les sapeurs et caporaux de sapeurs-pompiers professionnels constituent un cadre d'emploi de sapeurs-pompiers professionnels non-officiers de catégorie C, au sens des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code général de la fonction publique aux spécificités statutaires et fonctionnelles telles qu'il n'existe pas de cadre d'emploi (ou de corps d'accueil) homologue, ce qui présente un lourd inconvénient pour ces fonctionnaires lorsqu'ils exercent à temps ,partiel et qu'ils aspirent à travailler dans une collectivité.
Or, les territoires ruraux doivent faire face depuis plusieurs années à une baisse de la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires alors que se développe de manière nette l'activité de secours aux personnes (en lien avec la désertification médicale) et qu'il faut répondre aux urgences, au covid-19, aux feux, aux carences d'ambulances, etc.
Une des solutions pourrait consister à permettre à des agents de collectivité à temps partiel d'être recrutés à temps partiel par les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) comme sapeurs-pompiers professionnels et, le cas échéant, inversement.
C'est pourquoi il lui demande dans quelles conditions une telle solution pourrait être envisagée et mise en œuvre.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 083, adressée à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.
M. Patrice Joly. Madame la ministre, avec le réchauffement climatique, le risque d'incendie devrait malheureusement s'intensifier et s'étendre à l'ensemble du territoire national à l'avenir. C'est particulièrement vrai dans le département de la Nièvre, qui comporte de nombreux espaces forestiers, notamment dans le Morvan, dont la surface est couverte à 48 % par la forêt.
De plus, les sapeurs-pompiers – qu'ils soient volontaires ou professionnels – sont largement sollicités pour combler les insuffisances de la prise en charge sanitaire, qui s'expliquent par le manque de professionnels de santé et conduit les établissements hospitaliers à se retrouver en grande difficulté.
Aujourd'hui, le nombre de sapeurs-pompiers professionnels est en hausse et celui des sapeurs-pompiers volontaires est à peu près stable. On observe toutefois une baisse de la disponibilité de ces derniers. Afin de satisfaire les besoins, il convient de trouver des solutions renforçant la capacité opérationnelle des services d'incendie et de secours (SDIS) sur l'ensemble du territoire. L'une d'entre elles consisterait à autoriser les agents des collectivités locales qui le souhaitent à exercer leur activité à temps partiel pour s'engager en tant que sapeurs-pompiers professionnels. Ils auraient alors deux employeurs : leur collectivité et le SDIS. Cela renforcerait le maillage territorial des sapeurs-pompiers disponibles. En dehors de leur activité au sein du SDIS, ces personnes seraient susceptibles de s'engager comme sapeurs-pompiers volontaires.
D'après les échanges que j'ai eus avec eux, cette proposition pourrait recevoir l'aval des sapeurs-pompiers et des élus locaux, qui se préoccupent fortement de trouver la réponse adéquate aux besoins qu'il s'agisse de la lutte contre les incendies ou du secours aux personnes. Madame la ministre, seriez-vous favorable à la création d'un régime juridique favorisant une activité partagée entre les métiers de sapeur-pompier professionnel et d'agent de collectivité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Joly, votre question m'offre l'occasion de rendre de nouveau hommage au courage et au professionnalisme de nos soldats du feu, alors que cet été 2022 est particulièrement éprouvant sur le front des incendies. Je me suis déplacée à deux reprises sur le terrain.
De ce point de vue, il est essentiel que les SDIS disposent des ressources humaines nécessaires à l'accomplissement de leurs missions, de plus en plus complexes et nombreuses, et bien souvent extrêmement périlleuses. Le Gouvernement y est attentif, en lien avec les départements et les communes.
Comme vous le savez, un agent public doit consacrer l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut pas exercer, à titre professionnel, une activité lucrative. Le cumul simultané de deux emplois publics permanents à temps complet est, en principe, interdit.
Un fonctionnaire peut toutefois occuper plusieurs emplois publics permanents à temps non complet, dès lors que la durée totale de service qui en résulte n'excède pas de plus de 15 % celle d'un emploi à temps complet. Il est également possible pour un agent de cumuler un emploi permanent à temps non complet avec un emploi permanent à temps complet, en respectant toujours cette limite de 15 %.
Je rappelle cependant qu'un emploi à temps non complet n'est pas un emploi à temps partiel, dont la durée du temps de travail est réduite à la demande de l'agent, pour une période limitée qui peut être renouvelée. Cette demande ne peut être acceptée que sous réserve des nécessités de service.
Or, compte tenu des exigences et des sujétions associées à l'emploi de pompier professionnel, l'exercice d'un temps partiel ou d'un temps non complet ne paraît pas approprié aux nécessités des SDIS, ne serait-ce qu'au regard des contraintes de gestion de l'urgence, inhérentes à ce type de mission et de formation en continu.
Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. Certes, mais je n'ai pas terminé, madame la présidente.
Mme la présidente. Oui, mais vous avez épuisé votre temps de parole, madame la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. Avec l'adoption de la loi Matras du 25 novembre 2021, le volontariat et l'engagement citoyen sont encouragés : ces dispositions paraissent plus adaptées pour satisfaire la viabilité du fonctionnement des SDIS et, plus globalement, de notre dispositif de prévention et de secours.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.
M. Patrice Joly. Il faut essayer de sortir des cadres habituels pour renforcer ce maillage territorial. Il convient d'examiner la solution consistant à ce qu'un agent partage son temps entre une collectivité et le SDIS dans les territoires peu denses. J'entends bien que certaines catégories ne seraient pas satisfaites de cette décision. Pourtant, il me semble urgent de trouver une solution pour empêcher l'émergence de déserts de sécurité civile, comme il existe déjà des déserts sanitaires.
Madame la ministre, je vous demande de saisir ce problème à bras-le-corps.