M. Olivier Cigolotti. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur chargé de la sécurité civile.
Le Premier ministre a rendu un hommage bien légitime aux qualités et à la détermination de nos sapeurs-pompiers,…
M. François Patriat. Il a bien fait !
M. Olivier Cigolotti. … mais nos sapeurs-pompiers volontaires et professionnels sont à bout de souffle !
Ces hommes et ces femmes, dont l'engagement au service de nos concitoyens force le respect, sont sur tous les fronts et doivent faire face à une sursollicitation en intervenant parfois, et de plus en plus souvent, pour accomplir des missions non urgentes.
Dans nos territoires, ces soldats du feu sont devenus des soldats de la santé à force de pallier les lacunes de notre système de santé.
Monsieur le ministre, à l'occasion du congrès de la fédération nationale à Vannes, il y a quelques jours, vous le rappeliez vous-même, il existe entre les Français et les sapeurs-pompiers une relation spéciale.
Mais ces derniers n'en peuvent plus et notre modèle de sécurité civile est en danger. Les sapeurs-pompiers n'en peuvent plus de pallier toutes les sollicitations et de répondre à tous les défis : désertification médicale, réchauffement climatique, réorganisation et disparition des services publics dans les territoires ruraux. Toutes ces évolutions concourent à une situation malheureusement similaire à celles des urgences.
Beaucoup de questions sont posées, mais peu de réponses leur sont apportées. Je n'évoquerai que quelques points.
Concernant la directive européenne sur le temps de travail, aucune échéance n'a été donnée et aucune information n'est fournie. Nos volontaires demeurent dans l'expectative et s'inquiètent.
La déclinaison des propositions de nature législative du rapport de la mission volontariat, ainsi que les nouvelles mesures de lutte contre les agressions – le Sénat fera prochainement des propositions à ce sujet – n'ont pas connu de suite à ce jour.
Nous ne voyons toujours rien venir non plus s'agissant de la rationalisation du transport sanitaire héliporté.
Enfin, en octobre 2017, le Président de la République appelait de ses vœux la mise en œuvre d'un seul numéro d'appel d'urgence, le 112 : mise en œuvre sans une régulation médicale devenue inopérante. Deux ans après, la France est encore à la traîne, alors que tous les autres pays européens ont depuis longtemps intégré cette nécessité.
Monsieur le ministre, ma question est claire, et j'espère que votre réponse le sera tout autant : votre gouvernement entend-il véritablement mettre en place une politique de sécurité civile ambitieuse et capable de faire face aux défis sociétaux et environnementaux à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez raison : il existe un malaise palpable, réel chez nos sapeurs-pompiers, compte tenu d'un certain nombre de dysfonctionnements cumulés, notamment celui que vous évoquez, la sursollicitation liée aux interventions dans le cadre du service des urgences.
Ainsi, 84 % de leur activité est mobilisée dans ce cadre-là : les sapeurs-pompiers ont donc trop souvent le sentiment d'être appelés pour accomplir des missions qui ne relèvent pas de leur savoir-faire et de leur formation, ce en quoi ils ont raison.
C'est pourquoi la ministre de la santé et moi-même travaillons à élaborer des propositions concrètes d'ici à la fin de l'année pour aller vers des plateformes communes de gestion des appels – c'est pour ne fâcher personne que je ne donne volontairement aucun numéro de téléphone.
Certains départements, je pense à la Haute-Loire ou à la Loire, nous ont montré l'exemple en fusionnant leurs plateformes pour avancer dans le même sens et avoir une cohérence d'ensemble de la gestion des appels.
Vous m'interrogez également sur certaines mesures nécessaires, prises à court terme.
Lors du congrès de Vannes, j'ai pu en évoquer quelques-unes sur lesquelles la ministre de la santé et moi-même sommes convenus d'avancer : par exemple, la création de postes de coordinateurs ambulanciers pour limiter les carences en ambulances, aujourd'hui compensées par les sapeurs-pompiers, l'amélioration de la coordination entre agences régionales de santé – les ARS – et services départementaux d'incendie et de secours – les SDIS –, avec des emplois dédiés et des missions confiées en particulier aux directeurs d'ARS pour fluidifier le système, ou encore des mesures pour limiter le temps d'attente aux urgences. Autant de sujets qui sont particulièrement importants.
Quant à l'arrêt Matzak et à ses effets, qui opposent d'ailleurs sapeurs-pompiers professionnels et volontaires – il ne faut pas négliger cette dimension –, j'ai pris l'engagement qu'il n'y aurait pas de conséquences négatives sur notre modèle du volontariat français.
Enfin, l'une des revendications importantes des sapeurs-pompiers porte sur la grille salariale et la prime de feu, mais vous comprendrez que je ne souhaite pas prendre la décision d'engager des dépenses qui relèvent des départements et des mairies sans leur accord. C'est pourquoi je réunirai le comité des financeurs des SDIS le 10 octobre prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)