Mme Patricia Demas attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur une préoccupation majeure des élus de sa région Sud Provence-Alpes-Côte-d'Azur, des agriculteurs, des acteurs de la filière bois ainsi que d'une grande partie de la population, à savoir la gestion durable de la forêt méditerranéenne et son corollaire, les risques d'incendie.
En effet la forêt méditerranéenne est pénalisée dans la mise en oeuvre du dispositif national Label-Bas-Carbone (LBC) validé en 2019, qui a pour but de contribuer à l'atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Elle est donc exclue de fait des aides associées pour en assurer un entretien et une valorisation efficaces.
Avec 51% de son territoire recouvert de forêt, la région Sud Provence-Alpes-Côte- d'Azur est la deuxième région de France en termes de surface boisée, composée pour moitié de résineux (51 %, dont le pin d'Alep) et pour moitié de feuillus (49 %). Support de biodiversité remarquable, la forêt est une composante majeure de l'attractivité touristique d'un territoire. La forêt constitue également un élément important de l'économie rurale et de montagne. Et sa gestion constitue un levier essentiel de la prévention contre les incendies, l'absence de gestion de l'espace rural accentuant les risques de méga-feux.
Or la forêt méditerranéenne est fortement affectée par les effets du changement climatique. Le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) précise pour la région méditerranéenne un accroissement des températures et des périodes de sécheresse plus fort que sur le reste du territoire national, générant un dépérissement des peuplements forestiers, impactant la quasi-totalité des espèces.
On ne peut que se féliciter de cet outil national qu'est le LBC. Mais on comprend difficilement les pénalités infligées à la forêt méditerranéenne, qui exclut de fait des projets d'entretien ou de reconstitution de la forêt.
La demande de compensation carbone y est pourtant forte et il est nécessaire d'apporter des réponses concrètes locales en supprimant la pénalité risque incendie et en tenant compte de la croissance plus lente des arbres. Il faut donc assouplir les critères d'éligibilité du dispositif Label-Bas-Carbone pour que la forêt méditerranéenne soit pleinement éligible. Les Alpes-Maritimes sont prêtes à innover dans la méthode et à devenir un département pilote, notamment au travers de la sylviculture du pin d'Alep, essence résineuse principale de la Provence calcaire.
En outre il est rappelé que le Sénat a voté à l'unanimité la proposition de loi « Feux de forêt et de végétation : une loi pour prévenir l'embrasement », qui vise à renforcer tous azimuts la prévention et dont on retient aussi que l'un des éléments de lutte est l'accentuation de l'effet « pare-feu » de la sylviculture en dynamisant la gestion de la forêt, en favorisant le regroupement de parcelles et en développant la mise en valeur agricole ou pastorale des espaces boisés à but de défense des forêts contre les incendies.
Dans ce contexte, elle souhaite insister sur la nécessité d'autoriser l'expérimentation proposée pour la pleine inclusion de la forêt méditerranéenne dans le dispositif Label-Bas-Carbone, au titre de sa spécificité naturelle.
Publiée dans le JO Sénat du 18/05/2023 - page 3145
Mme le président. La parole est à Mme Patricia Demas, auteure de la question n° 689, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Patricia Demas. Ma question intéresse la préservation de la forêt méditerranéenne. Dans sa stratégie nationale de 2019 consacrée au label Bas-carbone, le Gouvernement a misé sur le rôle de puits de carbone, vital, de la forêt française pour atteindre l'objectif très ambitieux de la neutralité carbone en 2050.
Si l'on ne peut que louer l'intention nourrie au travers de ce dispositif national, on comprend néanmoins difficilement que la forêt méditerranéenne en soit écartée. La région Sud est la deuxième région de France en matière de surface boisée ; plus de 60 % du territoire des Alpes-Maritimes sont recouverts de forêt.
Or ses spécificités ne sont pas reconnues. La croissance plus lente de ses arbres n'est malheureusement pas prise en compte dans le dispositif national et les pénalités infligées en matière de risque incendie l'excluent de projets d'entretien ou de reconstitution.
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) indique par ailleurs un accroissement des températures et des périodes de sécheresse plus fort pour la région méditerranéenne que sur le reste du territoire national, provoquant un dépérissement des peuplements forestiers qui a des conséquences sur la quasi-totalité des espèces. Les enjeux sont forts.
Madame la secrétaire d'État, il faudrait assouplir les critères d'éligibilité pour que la forêt méditerranéenne soit pleinement admissible au label Bas-carbone, d'autant que, localement, la demande des acteurs économiques y est forte. Les Alpes-Maritimes sont prêtes à innover dans la méthode et à devenir un territoire pilote, entre autres avec la sylviculture du pin d'Alep.
Dans ce contexte, je me permets d'insister sur la nécessité d'autoriser l'inclusion de la forêt méditerranéenne dans le dispositif label Bas-carbone au titre de la reconnaissance de sa spécificité naturelle et aussi parce qu'il y va de son avenir.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Madame la sénatrice, vous avez interrogé M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Ne pouvant être présent ce matin, il m'a chargée de vous répondre.
Le fonds vert, annoncé en août 2022 par la Première ministre, a pour ambition d'accompagner les collectivités dans leurs projets en lien avec la transition écologique des territoires. Il est doté de 2 milliards d'euros et répond à un triple objectif : renforcer la performance environnementale, adapter les territoires au changement climatique et améliorer le cadre de vie.
Le déploiement du fonds vert repose sur une répartition des crédits entre régions afin de répondre aux enjeux spécifiques des territoires. La Guyane a en effet reçu une enveloppe de 9 millions d'euros qui permettra de mettre en oeuvre divers projets au service de la transition écologique.
Comme dans la plupart des autres régions, l'aide demandée au titre du fonds vert excède l'enveloppe déléguée. Ce constat reflète la forte demande des collectivités et leur volonté de participer à l'effort collectif qu'exige la transition écologique : 12 200 dossiers ont été déposés, et 4,1 milliards d'euros ont été demandés pour un total de 17,5 milliards d'euros d'investissement local. Le fonds vert joue donc bien son rôle d'accélérateur de la transition écologique dans les territoires, et je salue votre intérêt pour le dispositif.
Si la demande globale de financement, au niveau national, se situe à hauteur de 24 % du montant total des projets, les territoires ultramarins observent les taux de financement les plus élevés.
Sur l'ensemble des 270 dossiers déposés dans les départements ou régions français d'outre-mer (DROM) et les collectivités d'outre-mer (COM), 40 concernent la Guyane. À ce stade du déploiement, 7 dossiers ont été acceptés en Guyane sur la plateforme démarches-simplifiées, pour un total de 2 millions d'euros de subventions attribuées.
L'exercice 2023 a constitué la première année du déploiement du fonds vert, et l'intégralité des crédits devrait être engagée d'ici la fin de l'année, pour soutenir un grand nombre de projets, en métropole et dans les territoires ultramarins.
Mme le président. La parole est à Mme Patricia Demas, pour la réplique.
Mme Patricia Demas. Madame la secrétaire d'État, ma question concernait la forêt méditerranéenne, qui ne peut être éligible au label Bas-carbone, la croissance de ses arbres étant plus lente que celle qui est exigée pour tenir l'échéance de 2050.
Dans la mesure où l'échéance réelle est 2070, la forêt méditerranéenne n'est pas admissible à ce dispositif, qui pourrait permettre la mise en place d'expérimentations.
Publiée dans le JO Sénat du 07/06/2023 - page 4768