M. Jean-Baptiste Lemoyne attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la très forte augmentation des internements psychiatriques sous contrainte en France depuis 2011. En effet, plus de 76 580 mesures de soins sous contrainte ont été enregistrées en 2013, soit 5 200 de plus qu'en 2011. Ainsi, fin 2013, le rapport d'information n° 1662 (XIVe législature) de l'Assemblée nationale mettait en lumière une hausse de près de 50 % des internements sans le consentement du patient, traduisant ainsi les hauts chiffres observés en France qu'il s'agisse des internements à la demande d'un tiers ou d'office (à la demande du préfet ou du maire). En outre, les internements sans demande préalable, dans le cadre de la procédure d'urgence en cas de péril imminent, instauré par la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, connaissent eux aussi un bond sans précédent. En 2013, 15 000 patients sur les 76 580 pris en charge sans leur consentement l'étaient sous couvert de cette procédure contre 8 500 l'année précédente. Aussi, le rapport parlementaire de 2013 préconisait une intervention du juge dans les cinq jours et non plus dans les quinze jours et l'augmentation de lits en psychiatrie dont le nombre trop bas serait la cause du recours à l'hospitalisation sous contrainte permettant en effet d'obtenir un lit plus facilement. Il lui demande quelle interprétation elle fait de ces chiffres et quelles mesures doivent être prises en conséquence afin qu'il n'y ait aucun abus ni aucune dérive pour ces procédures qui touchent au respect des libertés individuelles.
Les données issues des rapports d'activité des commissions départementales des soins psychiatriques (CDSP) ne sont plus utilisées comme outil statistique sur les soins psychiatriques sans consentement. Depuis plusieurs années, de nouvelles sources de données permettant de décrire les patients en soins sans consentement, ont été mises en place dans la statistique annuelle des établissements de santé (SAE) ainsi que dans le recueil d'informations médicalisées en psychiatrie (RIM-P) qui gagne en exhaustivité depuis 2007. Ainsi, en 2012, une première estimation du nombre de mesures de soins sans consentement à partir du RIM-P a été publiée pour les années 2007 à 2010 par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère des affaires sociales et de la santé. De nouveaux travaux obtenus à partir du RIM-P ont été publiés par l'institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) en janvier 2015 et ont permis d'étudier l'évolution du nombre de patients en soins sans consentement après le vote de la loi du 5 juillet 2011. D'après cette étude, la part du recours aux soins sans consentement parmi le recours aux soins en psychiatrie n'a pas augmenté en 2012. En 2012, plus de 77 000 patients (contre 74 000 en 2010) ont été pris en charge au moins une fois sans leur consentement en psychiatrie, soit une augmentation de 4,5 % par rapport à 2010. Mais cette hausse est conforme à l'augmentation de la file active totale suivie en psychiatrie en établissement de santé : les patients ayant reçu des soins non consentis représentent toujours près de 5 % de la file active en 2012. L'étude montre également que la répartition des différents modes légaux reste à peu près similaire à celle observée en 2010. La création d'une procédure dite de péril imminent par la loi du 5 juillet 2011 n'a pas fait augmenter de manière significative la part des patients pris en charge sous la forme de soins sur décision du directeur de l'établissement (80,3 % en 2010, 83,7 % en 2012).