Mme Anne-Catherine Loisier attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'impasse dans laquelle conduit la « doctrine incendie » publiée par la préfecture de police de Paris en juillet 2021 au regard des objectifs de constructions biosourcées planifiée par la réglementation environnementale des bâtiments neufs RE2020.
En juillet 2021, la préfecture de police de Paris a publié une doctrine « risque incendie et construction des immeubles en matériaux biosourcés » en se fondant notamment sur l'expertise de son laboratoire central, de ses architectes de sécurité et de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris.
Or, cette doctrine vient contrecarrer la mise en œuvre de la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs, la « RE 2020 » qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2022 pour servir des objectifs de décarbonation.
Cette réglementation vise à privilégier un recours accru aux matériaux biosourcés, dont le bois, dans la construction neuve à horizon 2030.
Voulue par le législateur et le Gouvernement, cette nouvelle réglementation permettra de renforcer le stockage de carbone par la construction, en s'inspirant en particulier des modèles allemand et scandinave, qui recourent massivement au bois depuis des décennies.
La doctrine de la préfecture de police de Paris entend assurer la sécurité des personnes en limitant « la contribution du bois à la combustion lors d'un sinistre en tant que potentiel calorifique », un objectif pleinement partagé par les sénateurs, soucieux d'actualiser une législation et une réglementation ancienne au contexte nouveau de la massification de la construction en bois planifiée par la RE 2020.
Il serait regrettable que la direction impulsée par le législateur et la trajectoire fixée par le Gouvernement en matière de recours au matériau bois ne soient pas respectées en raison d'une surinterprétation par l'administration du principe de précaution, la doctrine de la préfecture de police allant bien au-delà du cadre qui a prévalu pour les constructions en bois du village olympique.
Il paraît raisonnable de distinguer les règles de sécurité en fonction de « familles de bâtiments », classées selon la destination (logements ou tertiaire) et la nature (moins de 6 étages ou grands immeubles).
Elle lui demande donc, s'il est possible, dans l'attente d'une révision de cette doctrine à partir des conclusions de la mission interministérielle, de donner l'instruction à l'administration de s'en tenir, au moins temporairement, au cadre qui a prévalu lors de l'attribution des permis de construire pour le village olympique.
Ces dernières années, de nombreux projets de constructions à ossature bois ont été envisagés à Paris dans le cadre de constructions ou restructurations de bâtiments d'habitation, d'ateliers, de bureaux, d'immeubles de grande hauteur, etc. Or, la réglementation actuellement applicable en matière de sécurité incendie a été élaborée pour des bâtiments dont les éléments de structure, principales ou secondaires, sont principalement incombustibles. L'incorporation massive de structures combustibles présente des risques accrus d'effondrement des bâtiments à l'issue du temps règlementaire de stabilité au feu. La règlementation en vigueur n'est donc pas adaptée pour ce type de constructions et ne peut pas servir de seul cadre juridique de référence. De nouvelles règles doivent être élaborées au plan national pour permettre la construction en matériaux biosourcés et combustibles, aux fins d'assurer la sécurité des bâtiments, de leurs occupants et des services de secours contre le risque incendie. Un groupe de travail interministériel dédié, initié au début de l'année 2021, rendra ses conclusions dans les prochains mois. Dans l'attente de cette expertise, un groupe de travail interne à la préfecture de police, associant des services techniques membres des commissions de sécurité incendie de Paris (service des architectes de sécurité, laboratoire central de la préfecture de police et brigade de sapeurs-pompiers de Paris) a élaboré un document de travail intitulé « doctrine pour la construction des immeubles en matériaux biosourcés et combustibles ». Ce document, publié en juillet 2021 sur le site internet de la préfecture de police, permet d'informer les maîtres d'ouvrage et maîtres d'œuvre des conditions dans lesquelles seront examinés leurs dossiers, et d'harmoniser les recommandations formulées par les services instructeurs parisiens. Il fournit un cadre technique clair sur les points devant faire l'objet d'une attention particulière afin d'atteindre un niveau de sécurité répondant aux objectifs réglementaires. Il fait en particulier référence aux fiches d'ADIVBOIS, dont la préfecture de police avait préconisé l'utilisation dès mars 2020 pour la construction de certains bâtiments des prochains jeux olympiques et paralympiques, en l'absence de cadre réglementaire adapté. En outre, la doctrine s'inspire des exemples de législations étrangères et tient également compte de simulations et essais de feu réalisés depuis la préparation des fiches ADIVBOIS. La doctrine se veut donc pragmatique et en aucun cas une surinterprétation du principe de précaution. L'application de la doctrine conduit à la transmission aux porteurs de projets de prescriptions s'agissant des établissements recevant du public et des immeubles de grande hauteur, ainsi qu'en matière de défense extérieure contre l'incendie dans les autres types de bâtiments. En revanche, s'agissant des aspects constructifs et techniques des bâtiments à usage professionnel ou des bâtiments d'habitation, les demandes de la commission de sécurité sont transmises sous la forme de recommandations. Grâce aux préconisations simples de la doctrine et aux études spécifiques sollicitées, plus d'une vingtaine de permis de construire ont été instruits et ont reçu un avis favorable. Il convient de noter qu'aucun avis défavorable n'a été fondé sur la seule question de l'utilisation du bois. La doctrine n'a ainsi pas empêché la construction de projets innovants majeurs sur Paris, dès lors que le sujet de la sécurité incendie est pris en compte. Les préconisations à venir des groupes de travail nationaux se substitueront à la doctrine de la préfecture de police dès leur publication.