Mme Agnès Canayer attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales sur les difficultés du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Seine-Maritime consécutives à l'encadrement de la dépense des contributeurs.
L'article 29 de la n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoit la mise en place de contrat, qui définit un « objectif d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement et un objectif d'amélioration du besoin de financement ».
Ce nouveau dispositif impacte immédiatement le SDIS de la Seine-Maritime, dont les ressources proviennent des collectivités, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), communes et département.
En Seine-Maritime, plus précisément, cinq entités sont concernées par la contractualisation: les villes de Rouen et du Havre, la métropole de Rouen, la communauté urbaine du Havre, et le département.
Ainsi, deux des principaux contributeurs du SDIS de la Seine-Maritime, représentant 60 % de la population et 73 % des contributions pour l'année 2018, sont concernés par l'obligation de maîtrise de l'évolution de leurs dépenses, parmi lesquelles figurent les contributions au SDIS. Cette contrainte vient s'ajouter à l'augmentation du prix du carburant, l'arrêt de la cour de justice de l'Union européenne en date du 21 février 2018 ou encore la mise en œuvre du règlement européen sur la protection des données personnelles.
Cette contrainte financière va impacter fortement le SDIS de la Seine-Maritime qui craint de ne pouvoir poursuivre ses efforts de modernisation et garantir un service de qualité, de plus en plus sollicité.
Aussi, elle souhaite connaître les intentions du Gouvernement pour permettre au SDIS de poursuivre ses missions.
Mme Agnès Canayer. Ma question concerne le financement du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, le SDIS 76.
En 2017, dans le département de la Seine-Maritime, les centres de pompiers sont intervenus 66 165 fois pour des missions de secours, 6 227 fois sur des incendies, 3 114 fois sur des opérations diverses et 2 335 fois sur des risques technologiques. De plus en plus sollicités, ils répondent notamment aux effets de la désertification médicale et du vieillissement de la population. Acteurs de notre territoire, leur présence et leur maillage doivent être garantis et confortés.
Pourtant, comme a pu le soulever la Cour des comptes dans son récent rapport, en date du 26 mars dernier, la situation des SDIS et celle du corps des pompiers sont fragiles.
Plusieurs causes à cela : d'une part, la hausse des charges de personnel, qui représentent aujourd'hui 82 % des charges courantes ; d'autre part, l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne du 21 février 2018, considérant que les sapeurs-pompiers entrent dans le champ de la directive de 2003 sur le temps de travail. L'application stricte de cette directive aura des conséquences importantes sur le recrutement des volontaires, de plus en plus difficile depuis de nombreuses années.
Outre les problématiques de recrutement, les SDIS font face à des dépenses en augmentation, comme le prix du carburant ou encore celles qui sont liées à la mise en œuvre du règlement général sur la protection des données, le RGPD.
En parallèle, les financements s'effritent. Ainsi, le dispositif dit « de Cahors » impacte-t-il directement les SDIS, dont les principaux contributeurs sont les collectivités. En Seine-Maritime, cinq collectivités contributrices sont concernées par cette contractualisation : les villes de Rouen et du Havre, la métropole Rouen Normandie, la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole et le département. Elles sont dans l'obligation de maîtriser l'évolution de leurs dépenses réelles de fonctionnement, parmi lesquelles figurent les contributions au SDIS.
Ma question est donc simple, monsieur le ministre : comment le Gouvernement compte-t-il accompagner les services départementaux d'incendie et de secours, notamment celui de la Seine-Maritime, qui sont pris en tenaille entre leurs nouvelles contraintes et la baisse de leurs financements ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice Canayer, les contrats de maîtrise de la dépense publique, prévus aux articles 13 et 29 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, traduisent les nouvelles modalités d'association des collectivités à la maîtrise de la dépense publique.
Les collectivités entrant dans le champ d'application de l'article 29 de la loi de programmation s'engagent sur un objectif annuel d'évolution de leurs dépenses réelles de fonctionnement.
Chaque année, les résultats de gestion font l'objet d'un examen partagé avec le représentant de l'État pour apprécier si l'objectif a pu être atteint.
Ces comparaisons, pour conserver leur pertinence, doivent être effectuées à périmètre constant. Aussi, le niveau des dépenses réelles de fonctionnement prend en compte « les éléments susceptibles d'affecter leur comparaison sur plusieurs exercices, et notamment […] la survenance d'éléments exceptionnels affectant significativement le résultat ».
Les évolutions réglementaires ne constituent pas des éléments exceptionnels à prendre en compte au titre de l'article 29.
L'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales précise : « La contribution du département au budget du service départemental d'incendie et de secours est fixée, chaque année, par une délibération du conseil départemental au vu du rapport sur l'évolution des ressources et des charges prévisibles du service au cours de l'année à venir, adopté par le conseil d'administration de celui-ci.
« Les relations entre le département et le service départemental d'incendie et de secours et, notamment, la contribution du département, font l'objet d'une convention pluriannuelle.
« Les modalités de calcul et de répartition des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents pour la gestion des services d'incendie et de secours au financement du service départemental d'incendie et de secours sont fixées par le conseil d'administration de celui-ci. »
Il résulte de ce qui précède que les contributions au SDIS des collectivités concernées ne pourraient avoir un impact sur la maîtrise des dépenses publiques que si leurs montants varient de façon significative entre deux exercices du fait de la survenance d'un élément exceptionnel.
Or les dispositions de l'article 29 de la loi de programmation permettent de faire face soit à des événements exceptionnels, soit à des besoins d'investissement précis, en prévoyant le retraitement des dépenses concernées.
Ainsi, en cas de catastrophe naturelle de grande ampleur qui nécessiterait d'apporter des financements complémentaires et urgents au SDIS, ces dépenses exceptionnelles pourraient faire l'objet d'un retraitement.
De même, une collectivité peut verser au SDIS une subvention d'équipement dès lors que celle-ci est accordée pour lui permettre d'acquérir ou de créer une immobilisation. Sous réserve que l'immobilisation ainsi financée soit identifiée dès la demande de financement, suivie à l'actif du SDIS et que l'entité versante soit capable de suivre l'existence du lien entre le financement octroyé et l'immobilisation acquise ou créée par le SDIS, cette contribution est bien inscrite en section d'investissement.
Elle n'aura alors aucun impact sur la norme de dépenses contractualisée, concernant les seules dépenses de fonctionnement.
Le dispositif contractuel a ainsi été conçu de manière suffisamment souple pour permettre aux groupements à fiscalité de poursuivre leurs prises de compétences sans effets négatifs sur les conditions d'action des SDIS.
Le Gouvernement a fait le choix de stabiliser ce dispositif, afin de ne pas compromettre la stabilité des relations contractuelles et d'être à même de l'évaluer dans sa conception initiale, résultant des échanges avec les associations d'élus dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.
Mme Agnès Canayer. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre. On ne peut qu'adhérer à la nécessaire maîtrise de la dépense publique. Néanmoins, je relaie ici l'inquiétude réelle du SDIS 76. Ce dernier se trouve dans une situation particulière : deux de ses principaux contributeurs, finançant ses ressources à hauteur de 73 %, sont soumis à ces contraintes, engendrées par un fonctionnement normal, et non par des motifs exceptionnels.