Mme Agnès Canayer attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les conditions de prise en charge des victimes de cavités souterraines.
On dénombre près de 80 000 marnières en Normandie ; certaines sont connues, d'autres ne sont pas répertoriées. Ces dernières peuvent entraîner des effondrements de terrain à la suite d'infiltration du terrain suivie d'un affaissement.
Ainsi, de nombreux habitants peuvent être confrontés à des accidents, qui prennent la forme de l'absorption de la maison ou encore de la chute dans une marnière. La valeur de l'immobilier est donc rendue incertaine, les assurances ne reconnaissent pas le dommage en catastrophe naturelle.
En 2003, a été institué via le fonds de prévention des risques naturels majeurs un mécanisme de relogement temporaire et d'aide aux études et aux comblements de la marnière.
Or, il s'avère que dans de nombreuses situations, ce mécanisme n'est pas satisfaisant.
Aussi, elle lui demande quelles seraient les évolutions qui pourraient être envisagées de manière à montrer un réel soutien aux propriétaires.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur l'amélioration de la prise en charge de l'indemnisation des dégâts causés par les effondrements de marnières, sujet qui ne peut avoir que de la résonance aux oreilles d'un Normand.
Historiquement, l'exploitation de la craie, aussi appelée marne, était utilisée pour enrichir la terre agricole. Les exploitations souterraines accessibles par un puits sont aujourd'hui de loin les plus nombreuses en Normandie. En effet, les extractions de marne devaient se situer à proximité des surfaces agricoles situées sur les plateaux où la craie est en moyenne à 25 mètres de profondeur. Ces cavités étaient accessibles par un puits, qui permettait de descendre dans des galeries, créant une véritable toile d'araignée souterraine.
En Seine-Maritime, le volume de chaque marnière vide était environ de 250 mètres cubes. Quand la marnière n'était plus exploitée, le puits était refermé et signalé par un arbre. Malheureusement, au fil du temps et des remembrements, ces arbres, généralement isolés au milieu des champs, ont disparu et la mémoire des sites avec eux. Dans le département de la Seine-Maritime, le nombre de marnières est estimé entre 60 000 et 80 000.
Les effondrements de marnières sont aujourd'hui récurrents et présentent un risque réel, tant pour les habitants que pour les constructions. Ils peuvent être dramatiques – les témoignages de victimes sont nombreux –, et leurs conséquences financières très lourdes.
La prévention des effondrements est rendue difficile en raison des difficultés de recensement des cavités et du coût des explorations. Cependant, depuis plusieurs années, sous l'impulsion notamment de mon collègue le sénateur Charles Revet, la législation a évolué pour mieux prendre en compte le dommage résultant de l'effondrement des marnières. Dorénavant, l'état de catastrophe naturelle peut être reconnu sous certaines conditions et le Fonds Barnier permet de financer la prise en charge partielle des opérations de sondage et de comblement.
Face à ces situations récurrentes, les maires jouent un rôle central, au titre tant de leur pouvoir de police, notamment par l'adoption d'un arrêté de péril ou la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, que du relogement des sinistrés. Cependant, l'aide accordée aux victimes demeure trop peu importante et difficile à mettre en place.
Le Gouvernement compte-t-il améliorer le régime applicable aux victimes propriétaires ? Des aides fiscales et financières nouvelles souvent mises en avant sont-elles à l'ordre du jour ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, je vous remercie d'avoir évoqué ce sujet difficile que nous connaissons bien entre Normands, aussi bien en Seine-Maritime que dans mon département, l'Eure.
L'exploitation passée des marnières, pour extraire de la craie dans le sous-sol, a duré des siècles dans notre région et provoque des effondrements, parfois terribles, vous l'avez rappelé.
Sachez, madame la sénatrice, que l'inventaire national des cavités est toujours en cours en Normandie et qu'il est annuellement enrichi de nouvelles données. Le chiffre que vous indiquiez dans votre question est un minima. On recense aujourd'hui jusqu'à 120 000 marnières, de taille inégale, potentiellement présentes en Seine-Maritime, ce qui illustre l'ampleur du phénomène.
Je vous remercie donc de relayer, dans cet hémicycle, l'inquiétude, et souvent même la détresse, des habitants confrontés à des situations qui peuvent parfois les mettre en danger de façon importante.
Comment aider les victimes ? Aujourd'hui, les communes peuvent prétendre à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, dans le cas d'un effondrement d'une intensité soutenue ou anormale. Cette reconnaissance permet ensuite aux assurés de bénéficier du remboursement des frais de remise en état du bien endommagé.
Néanmoins, sur ce sujet, et nous en sommes parfois les témoins en tant qu'élus locaux, il me semble que l'un des enjeux principaux est la prévention. Cela figurait d'ailleurs au cœur du plan national Cavités, mené entre 2013 et 2015.
Vous l'avez évoqué dans votre question, le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit Fonds Barnier, est aujourd'hui le dispositif le plus adapté techniquement et financièrement pour prévenir les risques d'effondrement. Comment s'applique-t-il ? Les travaux de prévention engendrent des coûts importants, qu'il n'est pas toujours évident de prendre en charge.
Aussi, le Fonds Barnier s'applique pour les opérations de reconnaissance et les travaux de comblement ou de traitement des cavités souterraines, avec une subvention à hauteur de 30%, et pour les études et travaux de réduction de la vulnérabilité, prescrits dans le cadre d'un plan de prévention des risques, ou PPR, avec une subvention à hauteur de 40 % pour les habitations et de 20 % pour les biens à usage professionnel des petites entreprises.
Au fond, la vraie question est le taux de recours à ce dispositif. Pour répondre à votre interrogation, le Gouvernement doit améliorer la médiation, l'accompagnement des élus locaux sur ce sujet, puisque le Fonds Barnier est peut-être encore trop complexe. Le Parlement et le Gouvernement doivent engager une réflexion commune sur ce point.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de ces éléments de clarification.
Dans ces situations, nous nous trouvons face à des propriétaires victimes qui connaissent une vraie détresse et à des élus locaux qui n'ont pas tous les outils pour accompagner celles-ci comme ils le souhaiteraient. Certes, des mécanismes existent, mais ils restent aujourd'hui complexes à mettre en œuvre. Il faut travailler à une simplification pour faciliter la vie de ces propriétaires et leur éviter de telles difficultés.